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Rémunérer un administrateur d’ASBL: entre encadrement juridique et pragmatisme associatif

Dans bien des ASBL, les administrateurs sont bien plus que de simples mandataires : ils s’impliquent activement dans la gestion, accompagnent les salariés ou les bénévoles, représentent l’association ou assument des tâches techniques. Cette réalité de terrain amène une question récurrente : peut-on, et dans quelles conditions, rémunérer un administrateur d’ASBL ? Si la règle reste la gratuité du mandat, les aménagements sont possibles, à condition de respecter un cadre juridique et fiscal strict.


1. La règle de principe : un mandat non rémunéré mais défrayable

Le Code des Sociétés et des Associations (CSA) prévoit qu’un administrateur d’ASBL exerce son mandat à titre gratuit sauf décision contraire de l’assemblée générale. Il peut toutefois bénéficier:

  • d’un remboursement de frais réels (sur base de pièces justificatives) ;
  • d’une indemnité forfaitaire de volontariat (plafonnée à 41,48 EUR/jour et 1.659,29 EUR/an en 2025).

À noter que l’indemnité de volontariat exclut le cumul avec d’autres remboursements de frais.


2. La rémunération du mandat d’administrateur : un statut d’indépendant à assumer

Lorsqu’un administrateur perçoit une rémunération (jetons de présence, rétribution périodique…), il devient, au sens fiscal et social, un travailleur indépendant. Il doit alors :

  • s’affilier à une caisse d’assurances sociales ;
  • déclarer les montants dans sa déclaration fiscale (frais professionnels à la clé) ;
  • et recevoir de l’ASBL une fiche fiscale 281.30 sur laquelle est retenu le précompte professionnel.

En principe, aucune TVA ne s’applique à ces jetons, sauf si les prestations se rapprochent de services professionnels.

La rémunération doit être raisonnable, conforme à la taille et aux capacités de l’ASBL. Une rémunération excessive pourrait remettre en cause le caractère désintéressé de l’ASBL et entraîner une requalification à l’ISoc[1].

Exemple : Un administrateur d’une petite ASBL locale, actif à titre bénévole, décide de facturer 10.000 EUR/an. Cela crée un risque de requalification de l’ASBL à l’impôt des sociétés pour rémunération non proportionnée.


3. Des prestations en dehors du mandat : à condition de les distinguer strictement

Un administrateur peut cumuler son mandat avec des prestations rémunérées pour l’ASBL (consultance, coordination, animation, etc.) sous certaines conditions :

  • il doit exister un contrat distinct (de travail ou de prestation de services) ;
  • la mission ne peut pas être en lien direct avec la fonction d’administrateur ;
  • l’organe d’administration doit délibérer sans la participation de l’intéressé (conflit d’intérêt).

Exemple : Un administrateur, également expert IT, est chargé de la migration du site web de l’ASBL. Il peut être rémunéré sur base d’un contrat spécifique, mais cette mission ne doit pas être confondue avec la gestion générale de l’association.

En cas de contrat de travail, il faut prouver une véritable subordination (instructions, horaires, contrôle). À défaut, une requalification en travail indépendant est possible avec régularisation URSSAF à la clé.


4. Qui décide et comment ?

  • La rémunération du mandat est de la compétence exclusive de l’assemblée générale, par statuts ou décision ad hoc.
  • La rémunération des prestations spécifiques (hors mandat) est du ressort de l’organe d’administration. La délibération doit respecter les règles de conflit d’intérêt (art. 9:8 CSA).


Conclusion : éthique, transparence et proportionnalité avant tout

Rémunérer un administrateur d’ASBL est possible, mais exige une vigilance extrême sur les modalités, les montants et les démarches formelles. La prudence commande :

  • d’évaluer la mission et le contexte (taille, budget, gouvernance) ;
  • d’assurer une distinction nette entre mandat et prestations ;
  • de documenter toute décision dans des PV conformes.

Un accompagnement comptable et juridique est essentiel pour éviter des requalifications fiscales ou sociales nuisibles à l’association.



[1] Voir question parlementaire n°366 du 13 mai 2020 ; art. 1 et 220 CIR 92 ; art. 45, §1er, Code TVA ; art. 9:8 CSA ; Cass., 25 nov. 2022, F.21.0135.N ; Circulaire 2017/C/64 du 12.10.2017.

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