
L’année 2025 restera comme une année charnière dans l’histoire fiscale belge : la réforme de la réserve de liquidation, adoptée durant l’été, coïncide avec la perspective d’une taxation des plus-values financières à partir du 1er janvier 2026. Deux mesures d’apparence distincte, mais dont l’interaction pourrait peser lourdement dans les choix de distribution de dividendes d’ici la fin de l’année.
Pour les dirigeants d’entreprise, la question devient stratégique : faut-il distribuer ses réserves de liquidation avant le 31 décembre 2025 ou au contraire attendre 2026 pour éviter un effet fiscal défavorable sur la plus-value future de ses actions ?
La réserve de liquidation (RL) permet à une société soumise à l’impôt des sociétés de transférer une partie de son bénéfice net comptable vers un compte distinct du passif, moyennant le paiement immédiat d’une **cotisation distincte de 10 %**¹.
Cette réserve peut ensuite être distribuée aux actionnaires selon trois modalités principales :
Ainsi, le coût global d’une distribution après cinq ans s’élève à environ 14,5 % (10 % + 5 %), ce qui reste nettement plus avantageux que la distribution d’un dividende classique imposé à 30 %.
Depuis l’été 2025, les sociétés peuvent libérer plus rapidement leurs réserves de liquidation constituées à partir de l’exercice d’imposition 2020.
La loi-programme du 18 juillet 2025² a réduit le délai de blocage de cinq à trois ans, mais en majorant le taux de précompte mobilier de 5 % à 6,5 %.
Exemple : une SRL qui a constitué une réserve de liquidation de 100.000 € en 2022 peut désormais la distribuer dès 2025 en payant un total de 16,5 % d’impôt (10 % + 6,5 %) au lieu d’attendre 2027 pour bénéficier d’un taux combiné de 15 %.
L’objectif gouvernemental est clair : libérer les liquidités dormantes dans les PME, tout en assurant une recette fiscale immédiate.
Le ministre des Finances, Jan Jambon, espérait ainsi engranger 238 millions d’euros en 2025 grâce à ces distributions anticipées.
Mais la réalité du terrain est tout autre : selon une enquête de l’ITAA menée auprès de plus de 1.300 cabinets, à peine 5 % des entrepreneurs envisagent de distribuer leurs réserves avant fin 2025³.
À partir du 1er janvier 2026, les plus-values sur actions et instruments financiers réalisés par les personnes physiques seront imposables à 10 %.
Le mécanisme de la réforme repose sur un instantané (photo fiscale) : la valeur des actions au 31 décembre 2025 servira de base de calcul pour déterminer la plus-value imposable lors d’une cession ultérieure.
Ainsi, une distribution de réserve de liquidation en 2025 réduit mécaniquement les fonds propres et donc la valeur comptable de l’entreprise à cette date.
Résultat : la plus-value future lors de la vente des actions sera plus élevée… et donc plus lourdement taxée.
Exemple :
Résultat : 20.000 € de base taxable supplémentaire à 10 %, soit 2.000 € d’impôt.
La stratégie optimale dépend du profil de la société et de la destination future de ses actions.
Pour une société active ayant une valeur de marché réelle, la prudence s’impose.
Une distribution en 2025 réduit la valeur de l’entreprise au moment du « snapshot » et augmente la base imposable de la plus-value future.
Sauf besoin urgent de liquidités, il est donc fiscalement plus sage de reporter la distribution à 2026 ou au-delà, surtout si l’on envisage une cession à moyen terme.
Leur situation est différente.
Ces structures sont rarement revendues : elles sont liquidées en fin de carrière.
Dans ce cas, la valeur de l’entreprise au 31 décembre 2025 a peu d’importance.
Au contraire, il peut être pertinent de distribuer dès 2025 pour profiter de la souplesse du nouveau régime à 6,5 % tout en réduisant un éventuel compte courant débiteur.
Exemple : un dirigeant de société de management qui doit rembourser un compte courant de 50.000 € supportant 7 % d’intérêts annuels économise davantage en distribuant immédiatement sa réserve (coût fiscal total de 16,5 %) qu’en laissant courir des intérêts pendant plusieurs années.
Avant toute décision, il convient d’examiner :
Chaque société a son propre profil, et une analyse personnalisée est indispensable avant tout arbitrage.
Le plafonnement ONSS, la réserve de liquidation, la taxe sur les plus-values : autant de réformes interconnectées qui exigent une approche intégrée.
Élément | Régime avant réforme | Régime depuis 29 juillet 2025 | Impact fiscal 2026 |
Constitution | Cotisation distincte de 10 % | Inchangé | Inchangé |
Délai minimal avant distribution | 5 ans | 3 ans | Sans incidence |
Taux de Pr.M. | 5 % après 5 ans | 6,5 % après 3 ans | 10 % sur plus-value à partir du 01.01.2026 |
Distribution à la liquidation | 0 % | 0 % | Inchangé |
Effet sur valeur de la société | Aucun | Réduction en cas de distribution 2025 | Augmentation de la plus-value taxable |
Public cible | PME, sociétés familiales | Toutes sociétés ISOC | Idem |
La combinaison de la réserve de liquidation assouplie et de la future taxe sur les plus-values impose une lecture fine du calendrier fiscal.
Ce qui apparaît comme une opportunité à court terme (distribuer plus tôt) peut se transformer en piège fiscal différé si la société est appelée à être cédée.
Comme souvent, la clé réside dans l’anticipation : mesurer les conséquences à long terme avant toute décision hâtive.
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¹ Article 184quater CIR 92.
² Loi-programme du 18 juillet 2025, Moniteur belge, 29 juillet 2025.
³ ITAA, Enquête sur l’impact de la réforme de la réserve de liquidation et de la taxe sur les plus-values, octobre 2025.