• FR
  • NL
  • EN

2.000 amendes Airbnb à Bruxelles: comprendre, contester, anticiper

Depuis la fin juillet 2025, Bruxelles Fiscalité a procédé à l’envoi massif de plus de 1.900 amendes à l’encontre de propriétaires bruxellois ayant proposé des hébergements touristiques via des plateformes telles qu’Airbnb sans respecter le cadre réglementaire régional. Une opération d’une ampleur inédite, qui suscite autant d’incompréhensions que de réactions indignées. D’où viennent ces amendes ? Sont-elles fondées ? Quels sont les droits des destinataires et que faut-il attendre pour les prochaines années ?


1. Une opération rendue possible par un cadre légal consolidé

La légitimité de cette opération repose sur l’ordonnance du 1er décembre 2016 relative à la taxe régionale sur les hébergements touristiques[1], renforcée par un arrêt de la Cour constitutionnelle qui a validé sa conformité aux principes fondamentaux[2], et un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne confirmant l’obligation faite aux plateformes de transmettre certaines données aux administrations fiscales[3].

Depuis 2022, la Région dispose ainsi des informations nécessaires pour :

  • Identifier les unités d’hébergement touristique mises en ligne ;
  • Vérifier si elles sont correctement enregistrées auprès des autorités ;
  • Calculer la taxe de séjour due, à défaut de déclaration volontaire.


2. Nature et fondement juridique des amendes

Les amendes envoyées aux hôtes reposent sur deux manquements distincts :

  • Absence d’enregistrement auprès de Bruxelles Fiscalité : amende forfaitaire de 1.000 € par unité d’hébergement[4].
  • Non-déclaration mensuelle des nuitées : application d’une taxation d’office fondée sur la présomption d’occupation continue (365 nuits/an) à un taux de 3 à 4 €/nuitée[5].

Ces deux mécanismes peuvent être cumulés et appliqués rétroactivement sur trois ans, sauf pour la période couverte par les mesures de suspension liées à la pandémie de Covid-19 (jusqu’en juin 2022).

FiscalitéDeg & PartnersAirbnb à Bruxelles: entre méconnaissance des règles et amendes salées, un cadre légal à maîtriser


3. Des montants qui déstabilisent de nombreux particuliers

Dans la pratique, ces sanctions peuvent atteindre des niveaux disproportionnés pour des locations ponctuelles. Quelques exemples concrets :

  • Exemple 1 : une chambre d’amis louée 20 fois sur l’année 2022 = amende de 1.000 € + taxation d’office de 1.095 € = 2.095 € de régularisation, malgré un revenu réel inférieur à 1.000 €. En principe, la région se limitera toutefois sur 6 mois pour 2022!
  • Exemple 2 : un logement de trois chambres non enregistré sur l'année 2022 = 3.000 € d’amende + 3.285 € de city tax forfaitaire = plus de 6.000 € réclamés. De même ici, la région se limitera toutefois sur 6 mois pour 2022!

De nombreux hôtes ont exprimé leur désarroi, soulignant une activité marginale, l’absence d’intention frauduleuse et une méconnaissance du cadre régional, distinct de l’imposition fédérale sur les revenus.


4. Que peut faire un hôte qui reçoit une amende ?

a) Le délai de 31 jours pour réagir

Toute personne recevant une amende peut introduire une demande de révision ou de remise gracieuse dans un délai de 31 jours suivant la réception du courrier recommandé[6].

Il est alors essentiel de fournir :

  • Des preuves de l’occupation réelle (captures d’écran de plateformes, relevés de paiements, calendrier de réservations) ;
  • Des éléments contextuels : revenu modeste, absence d’intention de dissimulation, correspondances avec les administrations.

b) La distinction entre recours administratif et juridictionnel

En cas de refus ou d’absence de réponse, l’hôte peut introduire :

  • Un recours administratif hiérarchique auprès du Ministre ou de Bruxelles Fiscalité ;
  • Un recours juridictionnel devant le tribunal de première instance (section fiscalité).

Une assistance juridique est vivement conseillée, notamment pour vérifier la régularité de la procédure, la proportionnalité de la sanction, ou encore pour faire valoir l’erreur invincible de droit dans certaines situations.


5. Une action progressive : les autres années suivront

L’administration l’a confirmé : les amendes envoyées concernent l’année 2022 uniquement, mais la procédure va s’intensifier dans les prochains mois avec :

  • L’envoi des amendes pour 2023 et 2024, sur base des données déjà reçues ;
  • Le recoupement avec d’autres plateformes (Booking, Abritel…) ;
  • Le renforcement de la coopération inter-administrative, notamment avec les communes pour les infractions urbanistiques.

Ce traitement échelonné vise une régularisation complète du marché, qui reste encore très largement informel (environ 95 % des hébergements actifs ne sont pas enregistrés)[7].


6. Une disproportion dénoncée, un contexte politique ambigu

Des voix s’élèvent pour dénoncer le caractère disproportionné des amendes infligées à des particuliers dont l’activité n’est ni régulière ni lucrative. L’association Short Term Rental Belgium plaide pour un traitement différencié entre professionnels et particuliers[8].

Mais du côté politique, le dossier est d’autant plus sensible qu’il s’inscrit dans un conflit d’intérêts entre logement et tourisme. À Bruxelles-Ville, par exemple, les autorités communales mènent une lutte active contre la disparition des logements résidentiels au profit des locations touristiques.


7. Une réforme suspendue… mais promise

La nouvelle ordonnance du 1er février 2024, adoptée par le Parlement bruxellois, vise à :

  • Simplifier les formalités d’enregistrement ;
  • Supprimer certaines pièces jugées irréalistes (comme le certificat urbanistique pour les logements partiels) ;
  • Responsabiliser davantage les plateformes intermédiaires[9].

Mais faute d’arrêté d’exécution, cette réforme n’est toujours pas entrée en vigueur. Une inaction politique qui entretient l’incertitude, à la fois pour les hôtes et pour l’administration.


Agir maintenant, se préparer pour demain

Dans ce contexte, les hôtes qui reçoivent une amende doivent agir rapidement, tout en adoptant une approche stratégique pour l’avenir. Il est impératif :

  • de vérifier si les obligations ont été respectées pour 2023 et 2024 ;
  • de préparer les documents justificatifs (même a posteriori) ;
  • de se mettre en conformité pour éviter d’autres sanctions ;
  • de se faire accompagner juridiquement et fiscalement.

Le cabinet Deg & Partners se tient à vos côtés pour décrypter les textes, évaluer les risques, introduire des recours et vous aider à naviguer dans un paysage réglementaire instable, mais incontournable.


Références

[1]: Ordonnance du 1er décembre 2016 relative à la taxe régionale sur les hébergements touristiques.
[2]: Cour constitutionnelle, arrêt n° 56/2020 du 30 avril 2020.
[3]: CJUE, 27 octobre 2022, affaire C-674/20.
[4]: Article 10 de l’ordonnance précitée.
[5]: Arrêté du Gouvernement bruxellois du 15 décembre 2016 fixant les montants de la taxe.
[6]: Bruxelles Fiscalité, instructions aux contribuables (août 2025).
[7]: Rapport annuel Visit.Brussels, 2023.
[8]: Déclarations de Grégory Huon, président de Short Term Rental Belgium, dans Le Soir, 6 août 2025.
[9]: Ordonnance du 1er février 2024, non encore en vigueur faute d’arrêtés d’exécution.

Mots clés

Articles recommandés