La location de courte durée via des plateformes comme Airbnb connaît un succès indéniable dans les grandes villes européennes, et Bruxelles ne fait pas exception. Mais derrière l’apparente simplicité de mise en ligne d’un logement se cache un arsenal juridique régional complexe, que de nombreux particuliers ignorent encore. Résultat : près de 2.000 amendes ont récemment été infligées à des hôtes bruxellois, parfois pour des montants dépassant plusieurs milliers d’euros. L’occasion pour nous de revenir, de manière rigoureuse et pédagogique, sur les règles applicables, les erreurs fréquemment commises et les perspectives d’évolution réglementaire.
Pour proposer un hébergement touristique à Bruxelles, deux obligations régionales distinctes s’imposent :
Ces deux démarches sont indépendantes. Le fait de déclarer les revenus de la location dans sa déclaration à l’impôt des personnes physiques (IPP) — obligation fédérale — ne dispense en rien des formalités régionales.
Le défaut de respect de ces règles entraîne deux types de sanctions :
Infraction constatée | Administration compétente | Montant de l’amende |
Défaut d’enregistrement comme hébergement touristique | Bruxelles Économie et Emploi | De 41,6 à 4.160 €[3] |
Défaut d’enregistrement auprès de Bruxelles Fiscalité | Bruxelles Fiscalité | 1.000 €/unité d’hébergement[4] |
Non-déclaration mensuelle des nuitées | Bruxelles Fiscalité | Taxation d’office mensuelle |
Ces sanctions peuvent s’avérer dévastatrices pour les particuliers dont l’activité reste ponctuelle. Un hébergement avec trois chambres, loué occasionnellement mais non enregistré, peut donner lieu à une amende unique de 3.000 €, à laquelle s’ajoutent la taxation d’office sur base de 365 nuitées par an et, potentiellement, plusieurs années de rétroactivité. Pour 2022, on parle d'une demi-année.
Lorsqu’un hébergement n’est pas déclaré mensuellement, Bruxelles Fiscalité applique une taxation d’office en considérant que le bien a été loué chaque jour de l’année. Or, le montant de la taxe de séjour est de :
Autrement dit, un hébergement occasionnel peut se voir facturer 1.095 € à 1.460 € par an, même s’il n’a été occupé que quelques jours.
Les hôtes disposent toutefois d’un délai de 31 jours pour apporter la preuve d’une occupation réelle plus limitée (par exemple via des captures d’écran de la plateforme)[6].
L’un des principaux freins à la régularisation des hébergements touristiques tient à l’obtention du certificat de conformité urbanistique, exigé pour l’enregistrement auprès de BEE. En effet :
Cette exigence a conduit de nombreux propriétaires, même de bonne foi, à renoncer à s’enregistrer, se plaçant de facto dans l’illégalité.
Les témoignages abondent de personnes ayant déclaré leurs revenus Airbnb à l’IPP, sans avoir conscience de leurs obligations régionales. Louer une chambre libre pendant ses vacances, pour 45 € la nuit, sans objectif lucratif, semblait anodin à nombre de citoyens. L’absence de coordination entre le SPF Finances et Bruxelles Fiscalité a souvent renforcé cette incompréhension.
À titre d’exemple, si vous louez un bien en 2022 "non déclaré, vous avez reçu probablement une amende de 1.000 € pour l’année 2022 par chambre, à laquelle s’ajouteraient six mois de taxation d’office, totalisant plus de 1.550 € pour une activité générant souvent à peine quelques milliers d'euros.
Conscient des limites du système actuel, le législateur bruxellois a adopté une nouvelle ordonnance le 1er février 2024, visant à :
Cette réforme prévoit notamment que l’attestation de conformité urbanistique ne sera plus exigée pour les hébergements ne supprimant pas de logement (par exemple, la location d’une chambre dans une résidence principale). Malheureusement, en août 2025, les arrêtés d’exécution n’ont toujours pas été publiés, ce qui empêche l’entrée en vigueur du texte[8].
L’ordonnance de 2016 impose aux intermédiaires la transmission des données des hôtes à l’administration fiscale. Airbnb a longtemps résisté à cette obligation, ce qui a donné lieu à un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne en 2022, validant la législation bruxelloise[9].
Depuis, Bruxelles Fiscalité exploite ces données pour repérer les hébergements non enregistrés. Airbnb, de son côté, indique « informer les hôtes des obligations locales » mais reconnaît la complexité du cadre bruxellois.
Pour éviter les mauvaises surprises, tout loueur potentiel de bien à Bruxelles via Airbnb ou d’autres plateformes doit :
Le cas des hébergements touristiques bruxellois illustre à quel point la complexité administrative peut conduire à des situations d’illégalité involontaire. Dans un marché où près de 95 % des locations ne sont pas enregistrées[10], il est crucial de ne pas confondre simplicité technologique et simplicité juridique. Le cabinet Deg & Partners reste aux côtés de ses clients pour les accompagner dans cette jungle réglementaire, et pour faire de la conformité une force, pas un obstacle. Ensemble, on est plus forts.
Références
[1]: Ordonnance du 8 mai 2014 relative aux établissements d’hébergement touristique.
[2]: Ordonnance du 1er décembre 2016 relative à la taxe sur les hébergements touristiques.
[3]: Article 35, ordonnance du 8 mai 2014.
[4]: Article 10, ordonnance du 1er décembre 2016.
[5]: Arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 15 décembre 2016.
[6]: Instruction administrative de Bruxelles Fiscalité (août 2025).
[7]: Ordonnance du 1er février 2024 modifiant l’ordonnance du 8 mai 2014.
[8]: Communiqué de Brupartners, septembre 2024.
[9]: CJUE, 2022, Affaire C-674/20.
[10]: Rapport annuel Visit.Brussels, 2023.