• FR
  • NL
  • EN

Arizona. Ce qui est voté est voté. Quelles sont les réformes désormais verrouillées?

Alors que le gouvernement fédéral Arizona tangue sur fond de désaccord budgétaire, une certitude s’impose : certaines mesures fiscales et sociales ne pourront plus être remises en cause.

La raison est simple : elles ont été votées, publiées au Moniteur belge, et font désormais partie du droit positif belge.

Autrement dit, même en cas de chute du gouvernement, ces réformes continueront à s’appliquer, car leur entrée en vigueur ne dépend plus d’un arbitrage politique.

La loi-programme du 18 juillet 2025 (Doc. parl., Chambre, DOC 56 0909/026 et DOC 56 0909/030) constitue la clef de voûte de ces dispositions : un texte dense, mais décisif, qui traduit en actes la première phase du programme fiscal et social 2025-2029.


1. Les réformes sociales désormais adoptées

Le volet social de la loi-programme du 18 juillet 2025 (Doc. parl., Chambre, DOC 56 0909/026 et DOC 56 0909/030) constitue une évolution majeure du droit du travail et de la sécurité sociale.

Ses mesures visent à rééquilibrer le financement des pensions et du chômage, tout en modernisant le cadre de l’emploi pour l’adapter à une économie plus flexible et plus compétitive.


1.1. Limitation dans le temps du droit au chômage

La réforme du régime de chômage, désormais intégrée dans la loi-programme, introduit pour la première fois en Belgique une durée maximale d’indemnisation.

À partir du 1er mars 2026, les allocations de chômage seront octroyées pour une période initiale de 12 mois, prolongeable de 12 mois supplémentaires selon la durée de carrière antérieure. La durée totale ne pourra donc excéder 24 mois.

Plusieurs exceptions ont été prévues pour tenir compte des situations particulières :

  • les travailleurs âgés d’au moins 55 ans disposant d’une carrière d’au moins 31 ans (portée progressivement à 35 ans) ;
  • les bénéficiaires d’un RCC (régime de chômage avec complément d’entreprise) ;
  • les artistes ;
  • les étudiants en soins infirmiers ou aides-soignants, dispensés pendant la durée de leur formation, dans la limite de 5 ans ;
  • enfin, les travailleurs justifiant d’au moins 10 années de travail à temps plein qui décident volontairement de mettre fin à leur contrat peuvent bénéficier d’une allocation limitée à 6 mois.

Les mesures transitoires sont entrées en vigueur dès le 1er juin 2025, afin d’éviter toute rupture de droit pour les personnes déjà indemnisées.

Que retenir ?
Le droit au chômage devient désormais un droit temporaire et conditionné, orienté vers la réinsertion rapide, sans remettre en cause la protection des publics fragilisés.


1.2. Plafonnement des cotisations patronales

La même loi instaure un plafond salarial trimestriel de 85 000 € au-delà duquel aucune cotisation sociale patronale supplémentaire n’est due.

Ce mécanisme, d’application immédiate, vise à réduire le coût du travail pour les fonctions hautement qualifiées et à renforcer l’attractivité de l’emploi en Belgique, en particulier dans les secteurs technologiques et financiers où la concurrence internationale est forte.

Que retenir ?
Ce plafonnement constitue une mesure structurelle d’allégement du coût du travail, susceptible d’améliorer la compétitivité des entreprises à forte valeur ajoutée.


1.3. Maintien des heures supplémentaires de relance

Le régime des heures supplémentaires exonérées et des heures de relance volontaires est prolongé jusqu’au 31 décembre 2025.

Ces dispositifs permettent aux employeurs d’organiser des pics d’activité sans surcoût fiscal ni social, tout en donnant aux travailleurs la possibilité d’augmenter temporairement leur revenu net.

Que retenir ?
Cette prolongation confirme la volonté du législateur de soutenir la relance par le travail, sans rigidifier le marché de l’emploi.


1.4. Réforme des pensions et équité intergénérationnelle

Le texte du 18 juillet 2025 introduit une série de mesures destinées à rendre le système de pension plus soutenable :

  • pendant la période du 1er juillet 2025 au 31 décembre 2029, les pensions légales les plus élevées (fonctionnaires, salariés et indépendants) seront indexées de manière limitée ;
  • la pension légale maximale des fonctionnaires (plafond dit Wijninckx) ne sera pas indexée durant la même période ;
  • le calcul du montant maximum de pension tiendra compte des pensions légales belges et, le cas échéant, des pensions étrangères ou internationales, conformément aux conventions internationales ;
  • à partir de 2026, la cotisation Wijninckx sera portée à 12,5 % pour les régimes dépassant les plafonds légaux ;
  • enfin, le gouvernement introduit le principe d’une pension complémentaire obligatoire pour l’ensemble des salariés à l’horizon 2035, assortie d’une contribution minimale de 3 %.

Que retenir ?
L’accent est mis sur la responsabilisation des parcours professionnels : encourager la carrière longue, plafonner les régimes sur-indexés et élargir la couverture complémentaire.


1.5. Synthèse – Les piliers sociaux déjà votés

Domaine

Mesure

Entrée en vigueur

Chômage

Limitation à 12 mois (max. 24) avec exceptions ciblées ; mesures transitoires dès juin 2025

1er mars 2026

Cotisations patronales

Plafond trimestriel fixé à 85 000 € de rémunération

18 juillet 2025

Heures supplémentaires

Prolongation du régime d’exonération et des heures de relance

Jusqu’au 31 décembre 2025

Pensions légales

Indexation limitée des pensions élevées (2025-2029) ; non-indexation du plafond Wijninckx ; hausse de la cotisation à 12,5 % ; préparation d’une pension complémentaire obligatoire

1er juillet 2025 → 2035


2. Les réformes fiscales désormais adoptées

Le volet fiscal de la loi-programme du 18 juillet 2025 (Doc. parl., Chambre, DOC 56 0909/026 et DOC 56 0909/030) concrétise plusieurs mesures de modernisation du Code des impôts sur les revenus et de la législation TVA.

Certaines propositions initialement évoquées dans le cadre des négociations budgétaires n’ont finalement pas été retenues, mais les réformes adoptées constituent un socle solide et immédiatement applicable à partir des exercices 2025 et 2026.


2.1. Réforme du régime des revenus définitivement taxés (RDT)

Le projet initial visait à transformer la déduction RDT en une exonération pure et simple. Cette piste n’a pas été retenue dans la version finale de la loi.

En revanche, deux modifications structurelles ont été adoptées :

  • le seuil de participation de 2,5 millions € est maintenu ; aucune augmentation à 4 millions € n’a été introduite ;
  • les sociétés doivent désormais comptabiliser la participation concernée en tant qu’immobilisation financière pour bénéficier de la déduction RDT.

Cette nouvelle exigence ne s’applique pas aux petites sociétés au sens de l’article 2 du CIR 92.

Par cohérence, la même condition d’immobilisation financière s’étend à l’exonération du précompte mobilier visée à l’article 264/1 du CIR 92 (régime dit Tate & Lyle).

L’entrée en vigueur est fixée :

  • à l’exercice d’imposition 2026 pour la déduction RDT,
  • et au 1er juillet 2025 pour l’exonération du précompte mobilier.

Que retenir ?
La loi confirme le régime RDT existant tout en renforçant son assise comptable. Elle distingue désormais plus clairement les participations financières durables des placements de trésorerie.


2.2. Harmonisation du régime VVPRbis et de la réserve de liquidation

Les deux régimes historiques de taxation réduite des dividendes — le VVPRbis et la réserve de liquidation — ont été rapprochés pour offrir une plus grande cohérence fiscale.

  1. VVPRbis inchangé :
    • Applicable aux nouvelles actions émises à partir du 1er juillet 2013 ;
    • Actions nominatives, entièrement libérées et non transférables ;
    • Taux préférentiels inchangés : 20 % après 3 ans, 15 % après 4 ans ou plus.
  2. Réserve de liquidation adaptée :
    • La période d’attente avant distribution est ramenée de 5 à 3 ans ;
    • Le taux du précompte mobilier passe de 5 % à 6,5 %, soit un taux effectif global de 15 %, équivalent à celui du VVPRbis ;
    • Les distributions avant 3 ans restent soumises au taux normal de 30 %.

L’objectif est d’unifier la fiscalité des dividendes pour les petites sociétés, tout en préservant la flexibilité du choix entre les deux dispositifs.

Ces nouvelles règles s’appliquent aux dividendes attribués ou mis en paiement à partir du 29 juillet 2025, date de publication de la loi au Moniteur belge.

Que retenir ?
Le législateur établit une équivalence de traitement entre VVPRbis et réserve de liquidation : un même taux final de 15 % après 3 ans, mais selon deux voies comptables distinctes.


2.3. Introduction d’une nouvelle « exit tax »

La loi du 18 juillet 2025 étend la définition du dividende afin d’y inclure un dividende fictif lors du transfert de siège d’une société ou lors d’une opération de restructuration (fusion, scission, etc.) entraînant le transfert d’actifs à l’étranger.

Ce dividende fictif est réputé distribué aux actionnaires proportionnellement à leur participation et constitue un revenu mobilier imposable à 30 %, sauf :

  • exonération via la réserve de liquidation pour les personnes physiques, ou
  • application du régime RDT pour les sociétés actionnaires.

Aucune retenue à la source n’est opérée en l’absence de distribution effective : le dividende fictif doit être déclaré par le contribuable. La société transférant les actifs est tenue d’émettre les fiches fiscales correspondantes, sous peine d’une cotisation distincte (article 219 CIR 92).

Par ailleurs, en conformité avec le droit européen, un paiement étalé de l’impôt peut être demandé pour les transferts vers un autre État membre. Enfin, une exonération spécifique évite toute double imposition lors d’une distribution ultérieure issue de la cession de ces actifs.

Cette mesure s’applique à toutes les opérations réalisées à partir du 29 juillet 2025.

Que retenir ?
La Belgique introduit une véritable « exit tax » interne : un impôt de sortie préventif, conçu pour protéger la base imposable nationale tout en restant conforme au droit de l’Union.


2.4. Suppression de l’accroissement d’impôt pour la première infraction de bonne foi

Pour les contribuables commettant une première infraction sans intention frauduleuse, la loi remplace désormais l’ancien accroissement automatique de 10 % par un simple avertissement.

Une présomption réfragable de bonne foi est instaurée :

  • elle s’applique au premier manquement ;
  • elle se renouvelle après quatre exercices d’imposition ;
  • en cas de récidive avant ce délai, un accroissement de 20 % est appliqué.

Cette mesure traduit une évolution dans la philosophie du contrôle fiscal : corriger plutôt que sanctionner.

Que retenir ?
Le législateur introduit un principe de proportionnalité : la sanction devient pédagogique pour les erreurs isolées, sans affaiblir la répression de la fraude répétée.


2.5. Mise en place d’une régularisation fiscale permanente (DLUquinquies)

La loi du 18 juillet 2025 institue une nouvelle régularisation permanente des revenus et capitaux non déclarés (DLUquinquies), plus stricte que les précédentes.

Les taux applicables sont désormais :

  • 30 % pour les revenus non prescrits (en sus de l’impôt normalement dû) ;
  • 45 % pour les capitaux prescrits.

Ces pénalités concernent tous les contribuables, quelle que soit leur bonne foi, et visent à instaurer un régime durable plutôt qu’une régularisation ponctuelle.

Le formulaire officiel est disponible depuis le 8 août 2025.

Cette DLUquinquies ne s’étend pas aux droits d’enregistrement et de succession, relevant de la compétence régionale ; la Flandre et la Wallonie travaillent déjà à l’adoption de décrets correspondants.

Que retenir ?
La Belgique se dote d’un mécanisme permanent de mise en conformité, plus rigoureux, destiné à solder définitivement les irrégularités fiscales passées.


2.6. Réformes TVA : verdissement et pérennisation

La loi-programme et ses circulaires d’application (2025/C/46 à 48) introduisent plusieurs ajustements majeurs du régime TVA.

a) Démolition et reconstruction

Le taux réduit de 6 % s’applique désormais de manière permanente aux logements livrés après démolition et reconstruction, sous quatre formes :

  1. Reconstruction par un particulier pour sa propre habitation ;
  2. Reconstruction avec location à une agence de logement social (15 ans minimum) ;
  3. Reconstruction avec location à long terme à un particulier ;
  4. Nouvelle mesure : livraison d’un logement reconstruit par un entrepreneur à un acquéreur qui :
    • l’occupera lui-même ;
    • le louera à finalité sociale ;
    • ou le mettra en location à long terme (≥ 15 ans).

Les conditions sociales (surface maximale de 175 à 200 m², résidence principale, durée de détention) demeurent inchangées.

Application : 1er juillet 2025.

b) Taux de TVA sur le charbon

Le taux réduit de 12 % est supprimé : le taux standard de 21 % s’applique depuis le 29 juillet 2025 à l’ensemble des produits dérivés du charbon (coke, lignite, combustibles solides).

c) Installations de chauffage fossile

Les travaux de rénovation de logements privés de plus de 10 ans et les livraisons après démolition/reconstruction n’ouvrent plus droit au taux réduit de 6 % lorsqu’ils incluent la fourniture et l’installation de chaudières au gaz, au mazout ou au charbon.

Entrée en vigueur : 1er juillet 2025 (livraisons) et 29 juillet 2025 (rénovations).

Que retenir ?
La TVA devient un levier environnemental : incitation à la construction durable, pénalisation des énergies fossiles et clarification du cadre des travaux de logement.


2.7. Régime spécifique du carried interest

Afin de stimuler la présence des fonds d’investissement en Belgique, la loi du 18 juillet 2025 instaure un régime fiscal distinct pour les carried interest.

Ces revenus, perçus par les gestionnaires de fonds, sont soumis à un taux maximal de 30 % sans effet rétroactif sur les plans existants.

Que retenir ?
La Belgique cherche à se positionner comme un centre d’expertise financière compétitif, tout en garantissant la stabilité des régimes antérieurs.


2.8 Synthèse – Les piliers fiscaux désormais en vigueur

Domaine

Mesure clé

Entrée en vigueur

ISoc

Maintien du seuil RDT à 2,5 M € et exigence d’immobilisation financière (sauf petites sociétés)

1er juillet 2025 / Ex. 2026

Dividendes

Harmonisation VVPRbis / réserve de liquidation : délai 3 ans, taux 6,5 % → taux effectif 15 %

29 juillet 2025

Exit tax

Dividende fictif sur transfert de siège ; imposition 30 % (avec exonérations)

29 juillet 2025

Sanctions fiscales

Suppression de l’accroissement de 10 % pour première infraction ; présomption de bonne foi

Ex. 2025

Régularisation

DLUquinquies permanente (30 % / 45 %)

8 août 2025

TVA

Démolition-reconstruction à 6 % ; exclusion chauffage fossile ; suppression 12 % charbon

1er / 29 juillet 2025

Carried interest

Régime spécifique à 30 % pour gestionnaires de fonds

Ex. 2025


3. Les réformes encore en suspens

Parallèlement, d’autres dispositifs souvent évoqués dans le débat public n’ont, à ce jour, aucune valeur légale. Ils figurent uniquement dans les accords budgétaires ou les (avant)-projets de textes. Leur adoption reste hypothétique.


4. Un risque politique réel

L’incapacité du gouvernement à adopter le budget pluriannuel 2026-2029 crée une incertitude institutionnelle majeure. En cas de chute du gouvernement, la Belgique entrerait dans un régime d’affaires courantes, ce qui bloquerait :

  • la publication des arrêtés d’exécution nécessaires à certaines mesures sociales,
  • les crédits budgétaires associés aux nouveaux dispositifs,
  • et toute réforme fiscale non encore votée.

Dans ce scénario, seuls les textes publiés au Moniteur belge — dont la loi-programme du 18 juillet 2025 — continueraient à produire effet. Les mesures non adoptées tomberaient purement et simplement.

Que retenir ?
Les entreprises et les indépendants doivent fonder leurs décisions sur le droit existant, non sur les annonces politiques. Les textes adoptés demeurent applicables, mais toute nouvelle réforme dépendra d’un hypothétique accord politique post-Arizona.


Recommandations Deg & Partners

  • Basez vos décisions uniquement sur les textes adoptés : la loi du 18 juillet 2025 est le seul cadre légal consolidé à ce jour.
  • Intégrez dès maintenant les nouvelles règles dans vos clôtures 2025-2026, notamment en matière de dividendes, de déduction pour investissement et de réserve de liquidation.
  • Soyez prudents vis-à-vis des annonces budgétaires : elles ne sont pas opposables tant qu’elles ne sont pas votées.
  • Anticipez les arrêtés d’exécution à venir, particulièrement pour les plafonds de cotisations et les dispositifs de congé parental.
  • Sollicitez votre expert-comptable Deg & Partners pour distinguer clairement entre ce qui est applicable et ce qui relève encore du discours politique.


Conclusion

La fiscalité belge se transforme, lentement mais sûrement.

Au-delà des tensions politiques, la loi-programme du 18 juillet 2025 s’impose désormais comme un texte de stabilité. Ses mesures constituent la base du droit applicable, que tout gouvernement devra désormais assumer.

Dans cette période d’incertitude, les entrepreneurs, dirigeants et indépendants doivent se fonder sur les textes publiés, non sur les discours politiques.

Chez Deg & Partners, nous analysons chaque réforme à la lumière de sa portée réelle — votée, publiée, applicable — pour aider nos clients à prendre des décisions en connaissance de cause.

Ensemble, nous transformons la complexité en clarté.


Références

  • Loi-programme du 18 juillet 2025, Doc. parl., Chambre, DOC 56 0909/026, DOC 56 0909/030 et DOC 56 0909/031
  • Projet de loi adopté le 18 juillet 2025 -56K_0909_030.pdf

    Document: PDF

    Télécharger

Mots clés