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Wallonie: reprise de la gestion des droits d’enregistrement et de succession dès 2028 – enjeux fiscaux et organisationnels

Le 4 septembre 2025, le Parlement wallon a adopté à l’unanimité le décret ratifiant la reprise, par la Région wallonne, du service de l’impôt en matière de droits d’enregistrement et de succession. Cette décision, qui entrera en vigueur le 1ᵉʳ janvier 2028, parachève une évolution amorcée depuis plusieurs années : après le précompte immobilier (repris en 2021), la Wallonie assumera désormais la perception et le contrôle de deux des impôts régionaux les plus importants en termes de rendement¹ ².

Analysons les fondements légaux, les modalités pratiques et les implications fiscales et économiques de cette réforme. Il montre aussi pourquoi, malgré un transfert de gestion, les compétences normatives (base imposable, redevables, taux) restent inchangées, ce qui est essentiel pour les contribuables et les professionnels de la fiscalité.


1. Une réforme de gouvernance fiscale : contexte et cadre légal

1.1. Vers une autonomie administrative complète

Depuis la sixième réforme de l’État, les Régions disposent d’une compétence fiscale étendue sur certains impôts, notamment le précompte immobilier, les droits d’enregistrement et les droits de succession. Jusqu’à présent, c’est toutefois le SPF Finances (fédéral) qui en assurait matériellement la perception et le recouvrement.

La Wallonie, s’inspirant de la Flandre (qui a déjà rapatrié l’ensemble de ces services), a décidé de franchir la dernière étape :

  • Décision du gouvernement wallon : 30 janvier 2025 (notification à l’État fédéral dans la foulée)².
  • Adoption du décret de ratification : 4 septembre 2025 (M.B. 16 septembre 2025)¹.
  • Entrée en vigueur : 1ᵉʳ janvier 2028¹.

En synthèse : dès 2028, les contribuables wallons en matière d’enregistrement et de succession auront pour seul interlocuteur administratif l’Administration fiscale wallonne, et non plus le SPF Finances.

1.2. Limites juridiques de la réforme

La reprise du service d’un impôt signifie le transfert des missions de perception, de contrôle et de contentieux, mais ne modifie pas la compétence législative. La Région ne peut donc ni étendre la base imposable, ni changer la qualité des redevables, ni instituer de nouveaux impôts sur ces matières, sauf dans les limites déjà fixées par les réformes de l’État¹ ².

En d’autres termes, le contribuable ne verra pas changer l’assiette de l’impôt ni la nature des obligations, mais il s’adressera à un guichet administratif différent, avec des procédures adaptées au droit wallon.


2. Importance économique : un enjeu budgétaire majeur pour la Wallonie

Le ministre-président Adrien Dolimont a rappelé devant le Parlement que les droits d’enregistrement et de succession représentent plus de la moitié des recettes fiscales wallonnes en gestion propre². Les chiffres de 2024 en donnent la mesure :

  • Droits d’enregistrement et d’hypothèque : plus de 1,5 milliard d’euros².
  • Droits de succession : plus de 825 millions d’euros².

En rapatriant le service de ces impôts, la Wallonie se dote d’un levier administratif essentiel pour :

  • Améliorer le recouvrement et réduire les retards de paiement ;
  • Adapter les procédures (contrôles, délais, outils numériques) à ses priorités ;
  • Renforcer sa capacité budgétaire et sa prévisibilité financière.

Cette autonomie s’inscrit dans une logique de responsabilisation : la Région assume pleinement la gestion de recettes qui pèsent lourd dans son budget, tout en restant tenue aux règles de coordination nationale et européenne.


3. Conséquences pratiques pour les contribuables et les professionnels

3.1. Pour les particuliers et les entreprises

À partir du 1ᵉʳ janvier 2028 :

  • Les déclarations de succession, les actes soumis à enregistrement (ventes, donations immobilières, hypothèques, etc.) et les paiements devront être adressés à l’administration wallonne.
  • Les modalités de dépôt, de contrôle et de recours relèveront du droit wallon, même si elles devraient, dans un premier temps, s’inspirer largement des procédures actuellement gérées par le SPF Finances.
  • Les taux d’imposition, exemptions et règles de calcul ne changeront pas du seul fait du transfert de service¹.

3.2. Pour les notaires, avocats et experts-comptables

Les professions juridiques et comptables, souvent intermédiaires obligés dans ces procédures, devront:

  • Mettre à jour leurs outils de travail et logiciels (interfaces de déclaration, flux de paiement).
  • Adapter leurs contrats et lettres de mission pour préciser la nouvelle chaîne de responsabilités.
  • S’aligner sur les nouvelles procédures contentieuses et délais de recours définis par la législation wallonne.

3.3. Différence avec les autres Régions

La Flandre a déjà achevé ce transfert depuis plusieurs années, tandis que Bruxelles conserve encore certaines compétences au SPF Finances.

La Wallonie rejoint donc un modèle éprouvé, avec l’avantage d’un retour d’expérience flamand, mais aussi la nécessité de bâtir une infrastructure fiscale robuste d’ici 2028.


4. Points de vigilance et calendrier

D’ici à 2028, plusieurs chantiers techniques seront déterminants :

  1. Recrutement et formation du personnel fiscal régional.
  2. Développement d’une plateforme numérique pour la réception des déclarations et le paiement sécurisé.
  3. Transfert des dossiers en cours entre le SPF Finances et l’administration wallonne.
  4. Information des contribuables et des professions concernées.

La réussite du projet dépendra de la coordination entre l’État fédéral et la Région, mais aussi de la capacité des professionnels (notaires, avocats, experts-comptables) à adapter leurs processus.


5. Tableau de synthèse

Éléments

Situation jusqu’au 31.12.2027

Situation à partir du 1.1.2028

Autorité compétente pour la perception et le contrôle

SPF Finances

Administration fiscale wallonne

Base imposable, redevables, taux

Fixés par les décrets wallons existants, sous cadre fédéral

Inchangés (sous même cadre)

Déclarations et paiements

Via plateformes et guichets fédéraux

Via plateformes et guichets wallons

Contentieux

Compétence fédérale (courtiers SPF)

Compétence régionale (procédure wallonne)

Recettes estimées (2024)

Droits d’enregistrement : ±1,5 mrd € ; droits de succession : ±825 mio €

Recettes gérées et recouvrées directement par la Wallonie


6. Recommandations Deg & Partners

  1. Anticiper la transition : identifier les dossiers (donations, successions, ventes immobilières) susceptibles de se prolonger après 2027 et planifier les démarches avec l’administration régionale.
  2. Mettre à jour les contrats et procédures : adapter les lettres de mission et les check-lists internes pour refléter la nouvelle autorité compétente.
  3. Former les équipes : sensibiliser les collaborateurs comptables et juridiques aux futures procédures wallonnes.
  4. Préparer les outils numériques : vérifier que les logiciels de gestion intègreront les nouveaux flux et exigences techniques.
  5. Suivre l’évolution réglementaire : la mise en place pratique fera l’objet de circulaires et d’arrêtés d’exécution ; Deg & Partners assurera une veille et accompagnera ses clients pour sécuriser les démarches.

Notes et références

¹ Décret du 4 septembre 2025 ratifiant la reprise, par la Région wallonne, du service de l’impôt en matière de droits d’enregistrement et de succession, M.B. 16 septembre 2025.
² Débats parlementaires wallons du 4 septembre 2025 et communication du ministre-président Adrien Dolimont (Parlement de Wallonie).
³ Loi spéciale de financement réformée (6ᵉ réforme de l’État) et législation coordonnée sur les compétences fiscales régionales.

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