
Le projet de loi portant dispositions diverses en matière fiscale et sociale (0963-030, joint en annexe) modifie en profondeur plusieurs pans du droit fiscal des personnes physiques et des entreprises, avec effet principal à partir de l’exercice d’imposition 2026. Il vient d’être voté par le parlement dans la nuit du 11 au 12 décembre 2025. Les axes majeurs concernent la fiscalité immobilière, le régime des impatriés, les flexi‑jobs, la fiscalité automobile, la déduction pour investissement, les rentes alimentaires, les personnes à charge et plusieurs volets de procédure et de simplification.
Le texte met fin à une série de régimes historiques en matière de logement autre que l’habitation propre (déduction ordinaire des intérêts, bonus logement fédéral, réductions pour intérêts complémentaires, prê ts verts, logements basse énergie, etc.) à partir de l’EI 2026, tout en réécrivant l’article 14 CIR 92 pour recentrer la déduction sur les seules redevances liées à certains droits réels immobiliers. L’objectif affiché est double : contribuer au redressement budgétaire et simplifier la fiscalité immobilière fédérale, en évitant les effets de « glissement » entre avantages et en concentrant les incitants sur l’habitation propre et/ou les compétences régionales.
Le régime spécial des contribuables et chercheurs impatriés est assoupli afin de réduire le seuil d’accès pour les talents étrangers et de renforcer l’attractivité du marché belge. Concrètement, le seuil de rémunération, le pourcentage de frais propres à l’employeur et le plafond absolu sont adaptés, avec un mécanisme transitoire pour les entrées en fonction dès 2025.
En matière de flexi‑jobs, la réforme vise à augmenter le plafond d’exonération fiscale pour les travailleurs non pensionnés, tout en soumettant ce plafond à indexation automatique. Le régime reste cantonné aux revenus déclarés comme flexi‑job et s’inscrit dans le débat sur les aides d’État et la dégressivité des avantages par rapport au travail ordinaire.
Le volet automobile prolonge et ajuste la trajectoire de verdissement fiscal des voitures de société, en intégrant la nouvelle norme Euro 6e‑bis et en affinant le traitement des véhicules hybrides rechargeables. La déductibilité des frais professionnels est désormais plus finement modulée selon le type de véhicule, ses émissions de CO₂, la nature des frais (électricité vs carburant) et la date d’acquisition, avec une dégressivité accélérée pour les thermiques anciens.
Le projet renforce l’attrait de la déduction pour investissement en supprimant la limitation de la déduction en cas de report, en levant l’interdiction de cumul avec certaines aides régionales et en harmonisant à 40% le taux de la déduction majorée thématique, tant pour les petites que pour les grandes sociétés. L’article 201 CIR 92 est également précisé pour réserver la majoration de 10 points pour les immobilisations numériques aux seules petites sociétés, et pour cantonner l’interdiction de cumul avec le crédit d’impôt R&D à la seule « déduction technologique ».
Le régime fiscal des rentes alimentaires est durci pour les débiteurs belges, tout en ciblant mieux le bénéfice du mécanisme sur les bénéficiaires résidant dans l’EEE ou en Suisse. Concrètement, la déductibilité/imposabilité passe progressivement de 80% à 50% sur trois ans, et les paiements vers des bénéficiaires hors EEE/Suisse ne sont plus pris en compte dans le mécanisme de déduction/imposition.
Le projet adapte le calcul des ressources des personnes à charge pour tenir compte de l’évolution socio‑économique et mieux cibler les avantages fiscaux sur les enfants et les personnes aux revenus de remplacement. Il relève fortement le plafond de ressources pour les enfants à charge et clarifie le traitement de certains revenus (bourses, revenu d’intégration), pour éviter l’exclusion du statut de personne à charge en cas de revenus de subsistance.
Le projet adapte d’abord l’article 206³ CIR 92 pour permettre que la déduction RDT de l’année soit imputée sur la partie du transfert intra‑groupe qui dépasse le résultat négatif (avant reprise du transfert), afin d’aligner le mécanisme sur la directive mère‑filiales et la jurisprudence Brussels Securities et John Cockerill. Il instaure ensuite une nouvelle cotisation distincte de 5% sur les plus‑values exonérées réalisées sur des actions/parts de SICAV‑RDT et sociétés immobilières assimilées, lorsque les revenus de ces entités ont déjà bénéficié de la déduction RDT, et conditionne l’imputation du précompte mobilier sur les dividendes RDT à l’octroi d’une rémunération minimale au dirigeant (sauf coopératives agréées).
Le crédit d’impôt pour augmentation des moyens propres des entrepreneurs individuels est renforcé: le taux passe de 10% à 20% et le montant maximal de crédit est doublé de 3.750 EUR à 7.500 EUR dans l’article 289bis CIR 92. La mesure s’applique à partir de l’exercice d’imposition 2026 et reste réservée aux contribuables personnes physiques (IPP et INR‑PP).
Un large nettoyage du CIR 92 vise à supprimer des régimes peu utilisés et à raccourcir certains dispositifs transitoires. Plusieurs réductions d’impôt thématiques et exonérations ciblées sont abrogées ou limitées dans le temps, avec des dates butoirs (31.08.2025, 30.06.2025, etc.), notamment pour les exportations « gestion intégrale de la qualité », le stage en entreprise, certaines réductions pour véhicules électriques, employé de maison, protection juridique, adoption, fonds de développement et moins‑values de pricaf privées. Dans le même temps, un gel de certaines indexation est introduit.
Le champ du PCC BNB est étendu aux comptes‑titres et comptes de crypto‑actifs, avec définition légale de ces comptes et obligation pour les intermédiaires de communiquer identités, numéros de comptes et soldes périodiques. Les services fiscaux obtiennent par ailleurs un accès direct élargi à ces données, sous conditions de finalité et de durée de conservation, en vue de lutter notamment contre la fraude et le blanchiment.
Thème / mesure | Référence CIR 92 ou loi | IPP (pers. physiques) | ISoc / INR-soc | Procédure / délais | Entrée en vigueur |
Indexation dépenses fiscales | Art. 134, 178 CIR 92 | Gel crédit d’impôt enfants à 550 EUR par enfant et règles de re‑calibrage de l’indexation des montants d’avantages fiscaux. | N/A | N/A | Ex. d’imp. 2026, règles d’indexation 2026–2031. |
RDT / SICAV‑RDT | Art. 206³, 219sexies, 233, 246, 282¹ CIR 92 | N/A | DBI sur transfert intra‑groupe, cotisation distincte 5% sur plus‑values exonérées SICAV‑RDT et condition de rémunération minimale pour l’imputation du précompte. | N/A | Ex. d’imp. 2026 (avec effet déjà imposé par la CJUE pour l’art. 206³). |
Crédit d’impôt moyens propres | Art. 289bis CIR 92 | Taux porté à 20% et plafond annuel à 7.500 EUR pour les indépendants. | N/A | N/A | Ex. d’imp. 2026. |
Simplification déclaration | Art. 38, 44bis, 51, 67 à 67quater, 14524, 14528, 14533, 14534, 14548, 14549, etc. | Suppression/fin de nombreux avantages (PC‑privé, personnel bas salaires, employé de maison, voiture électrique, adoption, protection juridique, etc.). | Alignement avec ISoc (suppression de certaines exonérations déjà supprimées côté sociétés, p.ex. plus‑values véhicules). | Adaptations corrélatives (art. 129¹, 178, 243¹, 323¹, 548, 549 CIR 92). | En général ex. d’imp. 2026, avec certaines dates fixes au 31.08/30.09.2025 et un régime transitoire jusqu’à ex. d’imp. 2027. |
Délais d’imposition / investigation | Art. 315, 315bis, 333, 354, 354¹ CIR 92 | Règle des 3 ans (4 ans si absence/tardiveté/complexité) et 7 ans en cas de fraude, avec définition détaillée de la « déclaration complexe ». | Idem pour ISoc/INR. | Obligation de notification écrite et précise des indices de fraude pour l’usage du délai de 7 ans, à peine de nullité. | À partir de l’ex. d’imp. 2023. |
PCC – comptes‑titres & crypto | Loi du 8.7.2018 modifiée; art. 4, 5, 106–110 de la loi | N/A | N/A | Extension du PCC aux comptes‑titres et comptes de crypto‑actifs, accès direct élargi pour certains fonctionnaires fiscaux. | 1.12.2026, premiers soldes à communiquer au 31.12.2025 et 30.06.2026. |