Particuliers et indépendants. Ce qui change pour vos impôts à partir de 2026
Temps de lecture: 10 min | 17 déc. 2025 à 05:15
Emmanuel Degrève
Partner & Conseil Fiscal @ Deg & Partners
À partir de l’exercice d’imposition 2026, plusieurs mesures fiscales fédérales vont modifier la manière dont les particuliers et les indépendants sont imposés. C’est ce qui resort de la loi votée dans la nut du jeudi 11 décembre par notre parlement. L’objectif affiché est double: redresser les finances publiques et simplifier/« verdir » certaines parties de la fiscalité. Décodons cela ensemble
1.Logement et fin des « petits avantages verts »
Plusieurs réductions d’impôt fédérales liées au logement disparaissent à partir de l’exercice 2026, en particulier pour les habitations autres que l’habitation propre et pour certaines dépenses d’économie d’énergie. Les régimes anciens (bonus logement fédéral, intérêts complémentaires, réductions pour travaux d’économie d’énergie, habitations basse énergie/passives/zéro énergie, prêts verts) s’éteignent ou sont remplacés par une réduction « épargne à long terme » plus uniforme pour les remboursements en capital et certaines primes d’assurance-vie.
Fin de la réduction pour travaux d’économie d’énergie
Avant 2026, certains travaux réalisés dans une habitation pouvaient encore ouvrir le droit, dans des cas résiduels, à une réduction d’impôt fédérale pour dépenses d’économie d’énergie. À partir de l’exercice 2026, cette réduction n’est plus accordée pour les dépenses futures.
Exemple pratique
Un contribuable fait isoler fin 2025 la toiture de sa seconde résidence pour 8.000 EUR. Jusqu’à l’exercice 2025, une réduction fédérale pouvait encore être envisagée dans certains régimes anciens, mais pour des travaux similaires réalisés en 2026 il ne pourra plus compter que sur d’éventuelles aides régionales, sans avantage IPP fédéral spécifique.
La réduction d’impôt accordée pendant 10 ans pour les habitations basse énergie, passives ou zéro énergie est arrêtée à partir de l’exercice 2026.
Exemple pratique
Un couple a obtenu en 2017 la reconnaissance de sa maison comme habitation passive, ce qui lui donnait droit à 10 réductions annuelles. En pratique, la dixième réduction a été octroyée pour l’exercice 2025, et aucune réduction ne suivra pour l’exercice 2026 et les années ultérieures.
2.Disparition de plusieurs réductions d’impôt IPP
Dans une logique de simplification, un certain nombre de « petits » avantages IPP sont supprimés dès l’exercice 2026. Sont notamment visées la réduction pour acquisition d’un véhicule électrique par un particulier, la réduction pour fonds de développement, pour rémunérations d’un employé de maison, pour dépenses d’adoption, pour primes d’assurance protection juridique et pour dépenses d’installation d’une borne de recharge.
Exemple: acquisition d’un véhicule électrique
Un particulier achète une voiture 100% électrique en 2024: une réduction d’impôt était encore envisageable dans certains cas. Pour une acquisition comparable en 2026, il n’y aura plus de réduction IPP fédérale sur l’achat lui-même; l’intérêt sera essentiellement indirect (taxes de circulation, usage professionnel plus favorable, avantages en nature, etc.) et via les mesures régionales.
3.Fiscalité automobile pour les indépendants
La réforme du verdissement automobile se poursuit, avec un traitement distinct en IPP (personnes physiques) et en ISoc. Pour les indépendants personnes physiques, un nouveau schéma spécifique est prévu pour les hybrides rechargeables, et les frais de carburant deviennent non déductibles à partir de 2026.
Pour les hybrides rechargeables achetées, prises en leasing ou louées jusqu’à fin 2027, les frais professionnels (hors carburant) restent déductibles, avec un plafond de 75% pour les véhicules acquis avant 2028 et une dégressivité pour ceux acquis en 2028–2029, jusqu’à 0% pour les acquisitions à partir du 1er janvier 2030.
Les frais de carburant (essence, diesel, gaz naturel) ne seront plus déductibles comme frais professionnels à partir du 1er janvier 2026, quelle que soit la date d’acquisition du véhicule.
Les frais d’électricité pour la recharge des hybrides sont déductibles au même pourcentage que pour les véhicules 100% électriques, ce qui incite à rouler au maximum en mode électrique.
Indépendant en IPP avec hybride plug-in
Un indépendant en nom propre achète en juin 2027 une hybride rechargeable émettant 40 g CO₂/km.
Frais d’électricité: déductibles au même pourcentage qu’une voiture 100% électrique, par exemple 95% si la formule générale (120% - 0,5% x gCO2/km) pour les véhicules zéro émission conduit à ce taux.Autres frais (leasing, entretiens, pneus, assurance): déductibles selon la formule , avec plafonds spécifiques (notamment 75% pour certains véhicules hybrides suivant l’année d’acquisition). Pour 40 g CO₂/km, la formule donnerait 100%, mais un plafond (par exemple 95% ou 75%) s’applique selon l’année et le type de véhicule.
Frais d’essence/diesel: non déductibles à partir du 1er janvier 2026, même pour un véhicule neuf.
Vieux véhicule thermique: clause de « grandfathering »
Pour les véhicules achetés, pris en leasing ou loués avant le 1er janvier 2018, une déductibilité minimale est garantie, mais elle devient dégressive de 2026 à 2031.
Exemple pratique
Un indépendant possède une voiture diesel achetée en 2016 avec une déductibilité théorique de 78% selon la formule.
Exercice 2026: la loi garantit un minimum de 75% → 75% de ses frais restent déductibles.
Exercice 2028: le minimum tombe à 65% → la déduction est limitée à 65%.
Exercice 2031: le minimum est de 50% → les frais encore déductibles ne dépasseront plus 50%, ce qui augmente la base imposable si le véhicule est conservé très longtemps.
4.Indépendants: crédit d’impôt pour fonds propres
Les entrepreneurs individuels bénéficient d’un renforcement du crédit d’impôt pour moyens propres.
Le taux est doublé, passant de 10% à 20%.
Le montant maximal annuel passe de 3.750 EUR à 7.500 EUR sur l’augmentation des fonds propres par rapport à la moyenne des trois exercices précédents.
Le crédit est imputé sur l’IPP et est remboursable pour la partie excédant l’impôt dû.
Exemple chiffré: apport de fonds propres
Un indépendant en personne physique a des fonds propres moyens de 50.000 EUR sur les trois derniers exercices. En 2026, il augmente ses fonds propres de 25.000 EUR (bénéfices non prélevés ou apport).
Augmentation des fonds propres: 25.000 EUR.
Crédit d’impôt = 20% × 25.000 = 5.000 EUR.
Si l’impôt dû avant crédit est de 4.000 EUR, l’impôt est réduit à 0 EUR et l’excédent de 1.000 EUR est restituable.
Trois paliers parlants
Quelques ordres de grandeur pour illustrer l’attrait du crédit:
Augmentation de 5.000 EUR → crédit d’impôt: 1.000 EUR.
Augmentation de 15.000 EUR → crédit d’impôt: 3.000 EUR.
Pour un indépendant qui laisse déjà régulièrement des bénéfices dans son activité, formaliser une augmentation de fonds propres permet de transformer cela en avantage fiscal « cash » à hauteur de 20%.
5.Rentes alimentaires: trajectoire 80% → 50%
La déductibilité des rentes alimentaires payées à un habitant du Royaume, à un résident d’un État de l’EEE ou de la Suisse est progressivement réduite.
Pour les rentes payées à partir du 1er janvier 2025: 70% (au lieu de 80%).
À partir du 1er janvier 2026: 60%.
À partir du 1er janvier 2027: 50%.
Symétriquement, la part imposable dans le chef du bénéficiaire est abaissée.
Tableau « avant / après » (rentes alimentaires)
Année de paiement
% déductible pour le payeur
Exemple: 1.000 EUR/mois
Montant annuel déductible
2024
80%
12.000 EUR
9.600 EUR
2025
70%
12.000 EUR
8.400 EUR
2026
60%
12.000 EUR
7.200 EUR
2027 et suiv.
50%
12.000 EUR
6.000 EUR
Lecture « conseil »
Le coût net de la pension alimentaire augmente mécaniquement pour le débiteur, surtout en cas de taux marginal élevé. Il peut être utile d’anticiper cette évolution dans les simulations et discussions familiales.
Exemple chiffré: 1.200 EUR/mois
Un parent verse 1.200 EUR de pension alimentaire par mois à un enfant majeur étudiant résidant en Belgique.
L’écart de base imposable est de 2.880 EUR par an; multiplié par le taux marginal, l’impact sur l’impôt peut être significatif.
6.Enfant à charge: seuil de ressources relevé
Le montant de 1.800 EUR de ressources admissibles pour une personne à charge est porté à 5.265 EUR pour les enfants, ce qui permet de conserver plus facilement un enfant à charge malgré des revenus propres (job étudiant, petits revenus).
Enfant étudiant et job étudiant
Profil: couple avec un enfant étudiant de 20 ans.
Revenus annuels nets imposables de l’enfant: 4.800 EUR.
Ancien seuil général: 1.800 EUR → l’enfant sortait rapidement de la notion de « personne à charge ».
Nouveau seuil pour les enfants: 5.265 EUR → l’enfant reste à charge malgré un job étudiant plus conséquent.
Conséquence: le ménage conserve la majoration de la quotité exemptée d’impôt liée à l’enfant à charge, ce qui représente souvent plusieurs centaines d’euros d’économie d’impôt par an.
7.Flexi-jobs: plafond exonéré relevé pour les non-pensionnés
Les rémunérations perçues dans le cadre d’un flexi-job restent exonérées d’IPP, mais le plafond pour les travailleurs non pensionnés est relevé via un nouveau montant de base indexable.
Le montant fixe de 12.000 EUR/an est remplacé par un montant de base de 8.955 EUR, indexé annuellement, ce qui permet un plafond effectif supérieur dès l’année de revenus 2025.
Recettes flexi 2025: 15.000 EUR; si le plafond indexé ressort à environ 18.000 EUR, l’intégralité reste exonérée d’IPP.
Si les recettes flexi atteignent 20.000 EUR alors que le plafond indexé est de 18.000 EUR, les 2.000 EUR excédentaires seront imposés comme rémunérations ordinaires.
8.Délais de contrôle fiscal: 3, 4 ou 7 ans
Les délais d’imposition et d’investigation sont clarifiés et adaptés.
3 ans: délai « normal » pour établir l’impôt en l’absence de situation particulière.
4 ans: en cas d’absence de déclaration, de dépôt tardif ou de « déclaration complexe » (grandes entreprises, dispositifs transfrontaliers, paiements vers certains États, etc.).
7 ans: en cas de fraude fiscale, à condition que l’administration notifie au préalable, par écrit et de manière précise, les indices de fraude; cette notification est prescrite à peine de nullité de l’imposition.
Cas simple vs cas complexe
Cas simple – indépendant personne physique Un indépendant dépose dans les délais une déclaration complète et sans éléments complexes pour l’exercice 2026. L’administration dispose en principe jusqu’au 30 juin 2029 pour établir l’impôt (3 ans à partir du 1er janvier de l’exercice d’imposition).
Cas complexe – PME avec flux internationaux Une société soumise aux obligations de prix de transfert et à des paiements vers des juridictions à fiscalité réduite peut être visée par un délai de 4 ans en cas de déclaration complexe, voire 7 ans si des indices de fraude sont notifiés.
9.Que devrez-vous checker avec votre fiduciaire dans les prochaines semaines ?
Pour un entretien pratique avec les particuliers/indépendants, les questions clés à passer en revue sont:
Rentes alimentaires: montants importants? → Simuler l’impact de la baisse de déductibilité entre 2025 et 2027.
Enfants: jobs étudiants ou revenus propres? → Vérifier s’ils restent à charge avec le nouveau plafond de 5.265 EUR.
Véhicule professionnel: vieux thermique, hybride ou 100% électrique? → Comparer les coûts « après impôt » en intégrant la non‑déductibilité du carburant et les plafonds de déduction.
Indépendant en personne physique: bénéfices souvent laissés dans l’activité? → Calculer le gain potentiel via le crédit d’impôt pour fonds propres (20%, plafond 7.500 EUR/an).
Flexi-jobs: revenus complémentaires? → Vérifier la marge encore exonérée et planifier l’ordre des prestations (flexi vs travail classique).
L’ensemble de ces mesures justifie une mise à jour des simulations et des stratégies patrimoniales dès 2025–2026, tant pour les particuliers que pour les indépendants.
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