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Résidences secondaires à la Côte belge: entre annulation provinciale et incertitude communale, que doivent comprendre les propriétaires francophones ?

L’année 2025 marque un tournant majeur dans la fiscalité immobilière des résidences secondaires en Belgique. Le 27 mai 2025, le Conseil d’État a annulé la taxe provinciale sur les secondes résidences en Flandre-Occidentale, jugeant cette imposition discriminatoire à l’égard des propriétaires non domiciliés sur place¹.

Cette décision historique rebat les cartes pour des milliers de familles, souvent francophones, qui possèdent un pied-à-terre à la Côte — de Knokke-Heist à La Panne en passant par Koksijde. Mais faut-il y voir la fin de la fiscalité sur les résidences secondaires ? Pas si vite.

Nous vous proposons de décrypter les implications concrètes de cette évolution, en s’appuyant sur les dernières jurisprudences et en offrant des pistes d’action pour les propriétaires concernés.


Cet article est rédigé dans le cadre de la diffusion du Tax TV show du mois d'octobre 2025, disponible sur offfcourse.be.



1. La taxe provinciale annulée : une victoire au goût de symbole

Le Conseil d’État, dans trois arrêts rendus le 27 mai 2025, a annulé la taxe provinciale sur les résidences secondaires (applicable de 2022 à 2024) en Flandre-Occidentale¹. Cette taxe frappait les propriétaires à hauteur d’environ 130 euros par an, soit près de trois fois le montant dû pour une résidence principale.

Le juge administratif a estimé qu’aucune raison objective ou raisonnable ne justifiait la différence de traitement entre résidents principaux et secondaires. Les motifs invoqués par la province — tels que la compensation de coûts collectifs ou la « contribution solidaire » des détenteurs de plusieurs logements — ont été jugés disproportionnés et dénués de base économique solide.

Conséquence directe : la province a été contrainte de rembourser automatiquement les montants perçus, une première en Belgique dans ce type de contentieux. Fin 2025, les procédures de remboursement partiel étaient déjà enclenchées, mais Testachats exige un remboursement intégral, considérant que la décision annule la base légale entière de la taxe².

Ainsi, sur le plan provincial, le débat semble clos : la discrimination est reconnue, la taxe supprimée, et les propriétaires indemnisés.


2. Les taxes communales : un autre front juridique encore ouvert

Les communes côtières, notamment Knokke-Heist, La Panne et Koksijde, prélèvent des taxes communales sur les résidences secondaires, variant de 800 à 1 300 euros par an, parfois davantage.

Ces taxes, bien que de nature locale, reposent sur des logiques proches de la taxe provinciale — mais leur fondement juridique diffère : elles relèvent de la compétence judiciaire ordinaire, non du Conseil d’État³.

Testachats et d’autres associations de propriétaires (dont TWERES) ont mené de nombreux recours. À ce jour, les juridictions de Bruges, Gand et la Cour de cassation ont rendu plusieurs arrêts déclarant ces taxes illégales, car contraires au principe constitutionnel d’égalité des contribuables.

Toutefois, ces décisions n’ont pas annulé les règlements communaux : elles ne valent que pour les contribuables ayant agi individuellement. À Knokke notamment, la cour d’appel de Gand (2023) a démontré que la taxe locale reposait sur des arguments sociaux et budgétaires « fictifs ». Dans d’autres affaires, la Cour de cassation (2023 et 2024) a confirmé que les communes n’apportaient aucune justification proportionnée aux écarts de fiscalité entre résidents et non-résidents.

En résumé : juridiquement, la légalité des taxes communales reste en sursis ; politiquement, leur disparition semble inéluctable à moyen terme.


FiscalitéDeg & PartnersTaxe seconde résidence: une illégalité de plus en plus évidente… pas sûr !


3. Une lecture systémique : cohérence du raisonnement fiscal

La juxtaposition des deux volets – provincial et communal – révèle une véritable crise de cohérence dans la fiscalité locale belge.

Sur le plan juridique, la Province de Flandre-Occidentale et les communes côtières se trouvent confrontées au même principe de droit : celui de l’égalité devant l’impôt, garanti par l’article 10 de la Constitution belge.

La décision du Conseil d’État crée désormais une jurisprudence complémentaire à celle des tribunaux ordinaires. En d’autres termes, le raisonnement adopté par la plus haute juridiction administrative pourrait, à terme, inspirer ou conforter les juges civils dans leurs propres décisions appliquées aux taxes communales.

Cette convergence, que d’aucuns qualifient déjà de « tournant constitutionnel de la fiscalité locale », pose une question de fond : les communes peuvent-elles encore financer leurs politiques touristiques sans pénaliser fiscalement les non-résidents ?


4. Enjeux pour les francophones propriétaires à la Côte

Pour les citoyens non domiciliés sur la Côte — nombreux à venir de Bruxelles, du Brabant ou de Wallonie —, la situation appelle à la prudence stratégique. Trois niveaux d’enjeux doivent être distingués :

  • Financier : il existe une chance réelle d’obtenir la restitution de la taxe payée si une réclamation ou un recours individuel est introduit dans le délai légal (un an à partir de l’avertissement-extrait de rôle).
  • Juridique : la multiplication des jurisprudences favorables crée une fenêtre de contestation solide et cohérente ; les communes ne pourront durablement ignorer ces précédents.
  • Politique : la pression budgétaire sur les villes côtières est forte. Une réforme de la taxe ou sa substitution par une « taxe de séjour déguisée » ou un « droit d’accès journalier » — inspiré du modèle de Venise — reste à surveiller de près.


5. Perspective : vers une réforme globale ?

Plusieurs signaux convergent vers une recomposition du financement local. Les provinces sont contraintes de revoir leur fiscalité, et certaines communes envisagent des modèles plus équitables, associant éventuellement les touristes d’un jour à l’effort collectif.

En parallèle, le législateur régional flamand pourrait encadrer plus strictement la taxation communale pour éviter une nouvelle cascade de contentieux.

Dans ce contexte, les propriétaires francophones doivent rester informés, documentés et conseillés, afin de choisir la meilleure stratégie — qu’il s’agisse d’un recours individuel, d’une demande de remboursement, ou d’une veille juridique orientée vers la réforme attendue.


Tableau de synthèse et recommandations

Niveaux

Type de taxe

Situation actuelle (oct. 2025)

Voie de recours

Recommandations pratiques

Province

Taxe provinciale sur les résidences secondaires (Flandre-Occidentale)

Annulée par le Conseil d’État le 27 mai 2025¹

Pas de recours nécessaire – remboursement automatique

Vérifier réception du courrier provincial d’octobre 2025 et réclamer remboursement intégral si incomplet

Communes

Knokke, La Panne, Koksijde

Maintenues mais jugées illégales dans plusieurs dossiers

Réclamation écrite au Collège communal (dans l’année), puis action au tribunal si refus

Introduire une réclamation même modeste, afin de préserver le droit à contestation future

Perspectives

Réforme future du cadre local

En débat au niveau flamand

Suivre l’évolution de la jurisprudence et anticiper les changements structurels


Conclusion

L’annulation des taxes provinciales sur les secondes résidences marque une étape décisive pour l’égalité fiscale entre citoyens. Si les taxes communales résistent encore, leur légitimité juridique se fissure chaque mois un peu plus.

Dans cet environnement mouvant, la vigilance reste la meilleure protection. Chez Deg & Partners, notre vocation est d’accompagner nos clients dans la compréhension et la gestion de ces évolutions complexes, en conciliant rigueur juridique, stratégie fiscale et anticipation des réformes à venir.

Parce qu’ensemble, nous faisons de la transparence et de la clarté fiscale un levier de sécurité patrimoniale.


Références

1. Conseil d’État, arrêts du 27 mai 2025 – Province de Flandre-Occidentale.
2. Testachats, communiqué du 19 octobre 2025, « Annulation de la taxe provinciale sur les secondes résidences ».
3. Testachats, dossier « Contester la taxe seconde résidence – Knokke, La Panne, Koksijde » (mai 2025).
4. Cour d’appel de Gand, arrêt du 2 mai 2023 ; Cass., arrêts 2023-2024.
5. Article 10 de la Constitution belge – Principe d’égalité devant la loi et l’impôt.

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