Taxe seconde résidence: une illégalité de plus en plus évidente… pas sûr !

La taxe sur les secondes résidences est une source de controverse en Belgique. Cette taxe, qui s'applique aux propriétaires de biens immobiliers qu'ils n'occupent pas eux-mêmes, est perçue par les communes où se situent ces biens. Or, selon Test-Achats, cette taxe serait illégale et discriminatoire, car elle ne respecterait pas le principe d'égalité devant l'impôt. Un avis qui vient pourtant à nouveau de rebondir… Examen des subtilités fiscales et jurisprudentielles.


Qu'est-ce que la taxe sur les secondes résidences ?

La taxe sur les secondes résidences est une taxe communale qui vise les propriétaires de biens immobiliers qui ne sont pas leur résidence principale, c'est-à-dire où ils ne sont pas domiciliés. Cette taxe concerne donc les logements de vacances, les appartements à la mer, les chalets dans les Ardennes, mais aussi les biens mis en location ou inoccupés.

Le montant de la taxe varie selon les communes, qui fixent librement le taux et les modalités de calcul. Il peut aller de quelques centaines à plus de mille euros par an. Certaines communes prévoient des exemptions ou des réductions pour les personnes à faible revenu, les personnes handicapées, les logements sociaux, etc.

La taxe sur les secondes résidences s'ajoute au précompte immobilier, qui est un impôt régional basé sur le revenu cadastral du bien, et à l'impôt des personnes physiques, qui intègre le revenu cadastral indexé majoré de 40 % dans les revenus imposables du propriétaire.


Pourquoi la taxe sur les secondes résidences est-elle contestée ?

La taxe sur les secondes résidences a été contestée par différent contribuable, notamment avec le soutien de Test-Achats, l'organisation de défense des consommateurs, qui la considère comme illégale et discriminatoire. Cette taxe violerait le principe d'égalité devant l'impôt, qui est garanti par la Constitution et les conventions internationales.

En effet, la taxe sur les secondes résidences frappe de manière arbitraire les propriétaires de biens immobiliers situés dans certaines communes, sans tenir compte de leur situation personnelle, de leur capacité contributive, ou de l'utilité sociale de leur bien. Par exemple, un propriétaire qui met son bien en location à un prix modéré ou qui le laisse à disposition d'un proche dans le besoin paiera la même taxe qu'un propriétaire qui utilise son bien comme résidence de luxe ou qui le laisse vacant.

De plus, la taxe sur les secondes résidences crée une double imposition, puisque le propriétaire paie déjà le précompte immobilier et l'impôt des personnes physiques sur la base du revenu cadastral de son bien. Or, le revenu cadastral est censé représenter la valeur locative du bien, c'est-à-dire le revenu potentiel qu'il pourrait rapporter au propriétaire. Il n'y a donc pas de raison de taxer une seconde fois le propriétaire sur la base de la simple détention du bien.

Enfin, la taxe sur les secondes résidences est disproportionnée, car elle représente une charge fiscale excessive par rapport au revenu cadastral du bien. Selon Test-Achats, la taxe sur les secondes résidences peut atteindre jusqu'à 10 % du revenu cadastral, alors que le précompte immobilier ne dépasse pas 2,5 % et que l'impôt des personnes physiques est calculé sur la base du revenu cadastral majoré de 40 %.


Qu'en pense la jurisprudence? Premières décisions favorables

La Cour d'appel de Gand a, dans un premier temps, jugé que le règlement-taxe de Knokke-Heist relatif aux résidences secondaires était contraire au principe d'égalité, tel que garanti par la Constitution (arrêt du 2 mai 2023, référence Fisc., nr. 1795, p. 7). Ultérieurement, le 12 septembre 2023, elle a rendu deux décisions similaires : l'une concernant un autre dossier à Knokke-Heist (référence n° 2023/5709) et l'autre s'appliquant à la taxe de la Flandre occidentale sur les mêmes bases (référence n° 2023/5723), toutes deux affirmant une violation du principe d'égalité.

La Cour d'appel de Gand a, dans un premier temps, jugé que le règlement-taxe de Knokke-Heist relatif aux résidences secondaires était contraire au principe d'égalité, tel que garanti par la Constitution (arrêt du 2 mai 2023, référence Fisc., nr. 1795, p. 7). Ultérieurement, le 12 septembre 2023, elle a rendu deux décisions similaires : l'une concernant un autre dossier à Knokke-Heist (référence n° 2023/5709) et l'autre s'appliquant à la taxe de la Flandre occidentale sur les mêmes bases (référence n° 2023/5723), toutes deux affirmant une violation du principe d'égalité.

La Cour rappelle que le principe d'égalité et l'interdiction de discrimination fiscale, ancrés dans la Constitution, autorisent une différenciation entre catégories de personnes uniquement si elle repose sur une justification objective et raisonnable. Cette justification doit être évaluée au regard du but et de la nature de la taxe, ainsi que de la proportionnalité des moyens employés. La Cour a conclu que les justifications avancées par les autorités fiscales, concernant le prélèvement d'une taxe plus élevée auprès des propriétaires de résidences secondaires, n'étaient pas suffisamment convaincantes.

La province a argumenté que l'afflux de résidents secondaires génère des coûts supplémentaires significatifs pour les infrastructures, contrairement aux résidents permanents. Cependant, la Cour a estimé que cette affirmation n'était pas suffisamment étayée par des preuves concrètes, mettant en doute la validité de la distinction tarifaire entre résidents permanents et secondaires.

Bien que la Cour de Gand n'ait pas le pouvoir d'annuler les règlements-taxes en question, elle a indiqué qu'en raison de leur non-conformité aux principes constitutionnels, elle ne pouvait pas appliquer ces taxes (conformément à l'article 159 de la Constitution). L'annulation formelle de ces règlements relève de la compétence exclusive du Conseil d'État.


Changement de cap jurisprudentiel?

La Cour d'appel de Gand a récemment opéré un revirement notable dans sa jurisprudence concernant la taxe sur les résidences secondaires imposée par la commune de Coxyde. Contrairement aux décisions antérieures, qui jugeaient la taxe incompatible avec le principe d'égalité, notamment en ce qui concerne les communes de La Panne et de Knokke-Heist, la Cour a validé le règlement-taxe de Coxyde dans son arrêt du 31 octobre 2023 (2022/RG/1041). Cette décision s'inscrit en apparente contradiction avec l'analyse précédente qui soulignait l'incompatibilité de telles taxes avec le principe d'égalité, en raison notamment de l'absence de justification objective et raisonnable pour la différenciation de traitement entre résidents permanents et secondaires.

Le pivot de cette évolution jurisprudentielle réside dans l'introduction par la commune de Coxyde d'une taxe communale généralisée à charge des résidents à partir de l'exercice d'imposition 2020, en parallèle à la taxe sur les résidences secondaires. Cette mesure semble avoir fourni à la Cour le fondement nécessaire pour juger que le principe d'égalité n'était plus violé, établissant un mécanisme de contribution financière des résidents permanents aux dépenses communales.

La Cour a souligné la justification de la taxe sur les résidences secondaires comme un moyen pour la commune de protéger le logement résidentiel, d'encourager la résidence permanente, et de compenser les coûts liés à l'investissement dans le logement social et abordable. Cette justification, centrée sur des objectifs clairs et spécifiques, marque une évolution par rapport aux motivations plus diffuses évoquées dans les règlements-taxe antérieurs. La Cour a également apprécié la mise en place d'une taxe communale généralisée comme un élément rétablissant l'équilibre et la contribution équitable des résidents permanents au financement des charges communales.


Les jeux restent ouverts!

Bien que cette décision puisse être interprétée comme un alignement sur des principes d'équité fiscale par la prise en compte de contributions des résidents permanents, elle soulève néanmoins des questions quant à la proportionnalité de la charge fiscale entre résidents permanents et secondaires. La différence substantielle entre le montant de la taxe communale généralisée (168 EUR pour les ménages en 2020) et celui de la taxe sur les résidences secondaires (1.000 EUR pour le même exercice) pourrait être perçue comme maintien d'une disparité au détriment des propriétaires de résidences secondaires. Cette observation met en lumière les limites d'un contrôle juridictionnel qui se restreint à une appréciation marginale des choix politiques et fiscaux des communes, sans s'engager pleinement dans l'évaluation de l'équité de ces mesures.


Une matière complexe et subtile

Les récents arrêts de la Cour d'appel de Gand mettent en exergue la tension entre le besoin des autorités locales et provinciales de financer les infrastructures publiques et le respect des principes d'égalité et de non-discrimination fiscale. Ces décisions rappellent l'importance d'une justification objective et raisonnable lors de l'instauration de différences de traitement fiscal entre catégories de contribuables. Elles soulignent également le rôle crucial de la preuve dans la légitimation des politiques fiscales.

L'arrêt de la Cour d'appel de Gand du 31 octobre 2023 représente un cas intéressant de réajustement jurisprudentiel face à l'adaptation des politiques fiscales communales. Si cette décision réaffirme le principe de l'autonomie communale en matière fiscale, elle invite également à une réflexion plus approfondie sur les critères d'équité et de proportionnalité dans la répartition des charges fiscales entre résidents permanents et secondaires. La légitimité de la taxe sur les résidences secondaires à Coxyde, validée par l'introduction d'une taxe communale généralisée, illustre la complexité des enjeux liés à la justice fiscale et à l'équilibre entre les besoins financiers des communes et les principes constitutionnels d'égalité et de non-discrimination.


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