Régime fiscal des loyers impayés : personne physique ou société, comment les traiter adéquatement?

La fiscalité des loyers varie selon que vous êtes une personne physique ou une société. Cette distinction est particulièrement importante lorsque le locataire ne paie pas son loyer. Cet article présente comment les loyers sont fiscalisés pour une personne physique et une société, ainsi que l’impact des loyers impayés, y compris le traitement des créances irrécouvrables à l’impôt des sociétés (ISOC).


1. Comment sont imposés les loyers perçus par une personne physique ?

Pour une personne physique, les loyers sont imposés différemment selon l’affectation du bien loué :

  • Biens loués à des fins privées (résidentiel) : Si le bien est loué pour une utilisation résidentielle, le propriétaire est imposé sur la base du revenu cadastral indexé, majoré de 40%. Les loyers réels ne sont pas pris en compte pour l’imposition. Ainsi, les loyers impayés n’ont aucune incidence fiscale, car l’IPP repose sur le principe de l’encaissement des revenus. Le propriétaire ne doit déclarer que les loyers réellement perçus.
  • Biens loués à des fins professionnelles : Si le bien est loué à un professionnel (par exemple, un bureau ou un commerce), le propriétaire est imposé sur les loyers réels perçus. Toutefois, en cas de non-paiement des loyers, ces derniers ne doivent pas être déclarés tant qu’ils n’ont pas été encaissés. Ici encore, le principe de l’encaissement prévaut. Par conséquent, les loyers impayés ne sont pas fiscalisés.


2. Comment sont imposés les loyers perçus par une société ?

Les sociétés propriétaires de biens immobiliers sont soumises à des règles fiscales différentes. Contrairement aux personnes physiques, les sociétés sont imposées sur les loyers facturés, qu’ils aient été perçus ou non. Cela signifie que les loyers sont comptabilisés dans les revenus imposables dès qu’ils sont établis comme créances. Le taux de l’impôt des sociétés (ISOC) en Belgique est de 25%.

Toutefois, les sociétés peuvent déduire un large éventail de charges liées au bien loué (frais d’entretien, assurances, amortissements, etc.), ce qui réduit l’assiette imposable. En cas de loyers impayés, il est possible de demander une déduction pour créance irrécouvrable, sous certaines conditions (voir plus loin).


3. Que se passe-t-il en cas de non-paiement des loyers ?

  • Personne physique (loyer résidentiel) : Si le locataire ne paie pas, le propriétaire ne subit pas d’impact fiscal direct, car il est imposé sur la base du revenu cadastral. Les loyers non perçus ne sont donc pas comptabilisés pour l’imposition à l’IPP.
  • Personne physique (loyer professionnel) : Dans le cadre d’une location à usage professionnel, les loyers impayés ne sont pas fiscalisés tant qu’ils ne sont pas encaissés. Si le locataire arrête de payer, le propriétaire n’est pas tenu de déclarer ces loyers non perçus, car l’impôt se base sur l’encaissement effectif des loyers.
  • Société : Contrairement aux personnes physiques, une société est imposée sur les loyers qu’elle a comptabilisés, même s’ils ne sont pas encore payés par le locataire. Cela peut entraîner une situation où la société est imposée sur des loyers impayés. Cependant, si la créance devient irrécouvrable, la société peut demander une déduction pour perte sur créance.


4. Comment traiter une créance irrécouvrable à l’ISOC ?

En matière d’impôt des sociétés (ISOC), une créance irrécouvrable peut être déduite des revenus imposables si elle est jugée comme telle au moment de la clôture de l’exercice comptable. Cela signifie que la société doit pouvoir démontrer que la perte est probable, par exemple en raison de l’insolvabilité du locataire ou d’une procédure judiciaire en cours.

La jurisprudence récente (Cour d’appel de Gand, mai 2024) a confirmé que la déduction pour créance irrécouvrable ne peut être acceptée que si la probabilité de non-paiement est bien établie à la clôture de l’exercice. Si cette probabilité n’apparaît qu’au cours d’un exercice ultérieur, la déduction ne pourra être effectuée qu’à ce moment-là.


Exemple illustratif

Voici un exemple qui illustre les différentes situations pour une personne physique et une société :

  • Personne physique – Loyer résidentiel : Monsieur X loue un appartement pour 900 €/mois. Le locataire cesse de payer à partir de mai. Monsieur X n’est pas affecté fiscalement par ce non-paiement, car il est imposé sur la base du revenu cadastral et non sur les loyers réels perçus. L’IPP ne prend en compte que les loyers encaissés dans le cas d’une personne physique, donc aucun impact fiscal direct.
  • Personne physique – Loyer professionnel : Monsieur X loue un bureau à un consultant pour 1 200 €/mois. Le consultant cesse de payer à partir de mai. Comme il s’agit d’une location professionnelle, les loyers impayés ne sont pas fiscalisés, car seuls les loyers encaissés sont imposables. Monsieur X ne devra donc pas déclarer ces loyers impayés tant qu’ils n’ont pas été encaissés.
  • Société : La SA Y loue un appartement pour 1 500 €/mois. Le locataire cesse de payer à partir de mai. Contrairement à une personne physique, la société doit déclarer les loyers impayés dans ses revenus imposables car ils sont comptabilisés comme créances. Cependant, si la société peut prouver que la créance est irrécouvrable (par exemple, en engageant une procédure judiciaire), elle pourra demander une déduction pour créance irrécouvrable lors de la clôture de l’exercice comptable.


Conseils et recommandations

  1. Protégez-vous contre les loyers impayés : Pour éviter les problèmes de loyers impayés, il est recommandé de demander une caution suffisante ou de souscrire à une assurance loyers impayés.
  2. Anticipez les créances irrécouvrables : Si vous êtes une société, suivez de près les paiements locatifs et documentez les démarches entreprises pour recouvrer les loyers impayés. Vous pourrez ainsi justifier une déduction pour créance irrécouvrable.
  3. Consultez un expert fiscal : La fiscalité des loyers impayés peut être complexe, surtout pour les sociétés. Un expert fiscal pourra vous conseiller pour optimiser votre gestion fiscale et comptable des loyers et minimiser l’impact des impayés.


Le traitement fiscal des loyers varie considérablement entre les personnes physiques et les sociétés, particulièrement en cas de non-paiement. Les personnes physiques sont imposées sur l’encaissement des loyers, ce qui les protège en cas de loyers impayés, tandis que les sociétés sont imposées sur les loyers comptabilisés, même s’ils ne sont pas perçus. Une gestion rigoureuse des créances est donc essentielle pour les sociétés, notamment pour pouvoir bénéficier des déductions pour créances irrécouvrables.


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