Elections 2024 : que nous réservent les programmes des partis francophones en matière fiscale ?

Nous avons compilé et synthétisé les propositions en matière fiscale des 6 principaux partis politiques francophones à l’occasion des élections européennes, fédérales et régionales du 9 juin prochain. L’analyse n’est pas exhaustive et nous nous sommes concentrés sur 5 thèmes que nous aborderons sous forme de questions pour déterminer le positionnement de chacun des partis. Le dernier thème est un résumé des principales mesures proposées par les partis du nord du pays.

Je dois signaler que le PTB-PVDA est le seul parti francophone qui ne met pas à disposition son programme complet. Pour ce parti, j’ai dû me contenter de consulter les 60 points de priorité décrits sur leur site internet et interroger leur IA génératrice de texte.

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Thème 1 : Revenus mobiliers

> Quelle taxation pour les revenus du capital ?

L’ensemble des partis souhaitent une simplification dans l’ensemble des taux d’imposition applicables aux revenus mobiliers.

Cependant, il n’y a pas d’unanimité sur la méthode. Deux courants s’affrontent. Le premier courant est le courant libéral soutenu par un seul parti : le Mouvement Réformateur. Le MR propose une standardisation du taux d’impôt sur les revenus mobiliers à 15%, incluant les cryptomonnaies. Dans la majorité des cas, cela signifie une baisse de moitié de la pression fiscale sur ces revenus, dans d’autres cas on aura un statu quo voire une augmentation de la fiscalité sur certaines catégories de revenu. Pour le MR, la complexité des taux et des différents régimes dérogatoires fait que l’investissement « n’a plus de vue précise sur la manière dont sera taxée son épargne ».

Le second courant est supporté par l’ensemble des autres partis allant de l’extrême gauche au centre qui eux ne sont pas partisans d’une harmonisation par la baisse du taux, mais plutôt d’une harmonisation en passant par la globalisation du revenu.

Le PS souhaite mettre le précompte mobilier libératoire au pilori en soutenant une globalisation des revenus mobiliers et l’application d’un taux progressif pour l’ensemble des revenus mobiliers. Le parti socialiste souhaite cependant garder le régime actuel pour les intérêts accordés sur les comptes épargne réglementés.

Le PTB, Ecolo et les engagés vont jusqu’au bout de la logique en globalisant les revenus mobiliers avec les revenus du travail et en appliquant un taux progressif sur l’ensemble. Ceci aurait comme conséquence un élargissement de la base imposable et serait compensé par une meilleure progressivité en réduisant les taux ou en augmentant les tranches.

Ecolo se distingue de ce groupe en ne versant dans ce panier fiscal que les revenus qui sont actuellement soumis au précompte mobilier. Il n’est dès lors pas encore question de fiscaliser les plus-values qui sont taxées à un taux fixe de 30%. Ecolo ne soumet pas non plus les loyers réels en ne définissant pas le mode d’imposition de ceux-ci.

Les Engagés souhaitent, eux, immuniser les revenus locatifs de la globalisation afin de maintenir l’équilibre du marché locatif.

Défi fait un peu bande à part dans le clan soutenant la globalisation des revenus, l’aménagement des tranches IPP avec 6 tranches allant de 25 % à 50%. Ils souhaitent aller un pas plus loin et rassembler les revenus issus du capital dans leur globalité. Cela concernerait non seulement les revenus actuellement qualifiés de « revenus mobiliers », mais aussi les revenus immobiliers. Ils ne souhaitent cependant pas de taxation progressive sur les revenus issus du capital, mais bien une taxation à taux fixe libératoire de 25%. La base imposable serait l’ensemble des revenus issus du capital diminué des frais, taxes et moins-values.

Le contribuable, selon DéFi, pourrait demander une quotité exemptée d’impôt identique à celle accordée à l’IPP, soit 15.144 € annuels sous condition qu’elle ne soit pas demandée à l’IPP.

Sur la matière, DéFi soutient le programme qui créera probablement le plus de modifications dans le mode de déclaration des revenus : une déclaration pour les revenus issus du travail et une autre pour les revenus issus du capital ? Comment déterminer ou justifier les frais exposés sur les revenus du capital ? Comment déterminer les moins-values ? Comment demander l’application de quotités exemptées de base d’un côté et pas de l’autre ?

> Faut-il taxer les plus-values ?

Sur le sujet de la taxation des plus-values sur actions, à nouveau le Mouvement Réformateur est isolé dans sa position en préconisant de garder l’exonération actuellement applicable.

Le Parti Socialiste souligne que la Belgique est l’un des seuls pays de l’Union Européenne qui ne taxe pas les plus-values sur les instruments financiers.

Comme c’est évoqué à la question précédente, la plupart des partis soutiennent une globalisation des revenus.

PS et Ecolo veulent fiscaliser les plus-values qui revêtent un caractère exceptionnel avec une taxation à 30% dans les deux partis. Le PS précise la mesure en indiquant que les moins-values « subies en raison de crises » doivent entrer également en ligne de compte.

À noter que sur le même chapitre, le PS souhaite revoir le régime de taxation des stock-options en arrêtant la taxation de celles-ci sur des bases forfaitaires et en taxant la plus-value effective.

En allant plus loin, le PTB et DéFi considèrent que les plus-values sur action font partie intégrante des revenus à globaliser, le premier en mettant tout dans le même sac (tous revenus qu’ils proviennent du travail ou du capital) ou en appliquant une dual income tax.

Pour terminer, on retrouve Les Engagés qui soutiennent une globalisation, mais admettrait qu’une première phase avec l’instauration d’une retenue de précompte mobilier libératoire pourrait s’avérer être plus rapide à mettre en place, en faisant la déduction des coûts et des moins-values.


Thème 2 : Revenus immobiliers

> Comment faut-il taxer l’immobilier ? Par la taxation des loyers ? Une révision du précompte immobilier ?

Le MR et les Engagés disent non à la taxation des loyers, le PS passe la question sous silence et soutient un encadrement des loyers tout comme le PTB.

Nous l’avons vu avec les revenus mobiliers, le MR est partisan d’un maintien du régime actuel ou d’une diminution des impôts, il en est de même avec les loyers où le MR n’indique aucune réforme dans son programme.

Les Engagés, bien que soutenant une globalisation des revenus issus du capital, font une exception notable avec les loyers et préconisent de ne pas toucher à la taxation « pour maintenir l’équilibre du marché locatif ».

Le PS ne dit rien, mais soutient un encadrement des loyers comme nous le verrons par la suite.

Quant au PTB, DéFi et Ecolo, tout y passe, il faut une taxation des loyers réels.

  • Le PTB veut les intégrer dans la taxation progressive de l’ensemble des revenus ;
  • DéFi les soumet à une taxation libératoire de 25%, également applicable à l’ensemble des revenus du capital ;
  • Ecolo réfléchi encore sur la méthode pour faire taxer les loyers.

> À côté des mécanismes fiscaux sur les loyers, certains partis évoquent une régulation ou un encadrement des loyers.

À Bruxelles et en Wallonie, sous les législatures précédentes, des mécanismes de « grille indicative des loyers » ont été mis en place. Il s’agit de loyers de référence déterminés en fonction des biens mis en location, de leur vétusté et de leur localisation.

Le PS souhaite « dépasser le caractère facultatif » de la grille et fixer un loyer maximum à ne pas dépasser pour chaque bien. Pour le PS, le PEB doit également jouer dans la détermination du loyer en bloquant l’indexation des loyers pour les biens ayant un faible indice de performance énergétique. À la différence du PTB qui souhaite fixer un loyer maximum qui dépendra de critères objectifs tels que la qualité du logement, l’isolation, l’emplacement et le nombre de pièces. Ils veulent dans le même temps appliquer ces limites aux locations commerciales et geler les loyers sociaux.

À côté des régulations de loyer, Ecolo souhaite une meilleure information des locataires en obligeant l’indication du PEB sur l’ensemble des annonces, en permettant au locataire de demander le montant des loyers précédents et surtout en créant des commissions dont la mission est de statuer sur le caractère abusif des loyers et de jouer le rôle de médiateur entre le locataire et le bailleur. Ecolo, tout comme le PS souhaite un blocage de l’indexation pour les biens dont le PEB est faible.

DéFi préfère influencer les propriétaires en leur donnant certains droits s’ils appliquent un loyer correct. Ainsi les propriétaires signeraient un accord tripartite entre locataire, propriétaires et pouvoir publics sur base volontaire. Cet accord donnerait l’accès à une « assurance publique garantissant la perception des loyers » et des primes pour le financement de travaux ou d’amélioration des performances énergétiques.

> Tendance : comment fiscaliser les revenus d’AirBnB ?

Seuls 3 partis, sur les 6 analysés, mentionnent les locations courtes durées, dans le viseur la plateforme AirBnB.

On l’entend depuis quelque temps, les locations de vacance ou courte durée par ce type de plateforme créent une tension sur le marché locatif. De plus en plus de biens sont sortis du marché locatif habituel pour être mis à la location sur ces plateformes, augmentant la pression locative sur le marché de l’immobilier résidentiel et de ce fait, augmentant les loyers d’habitation.

C’est bien entendu dans les régions à plus fortes concentrations touristiques ou d’affaires que le problème se pose.

Le PS et Les Engagés veulent encadrer ou réguler l’offre de location d’hébergement touristique de particuliers à particuliers pour éviter la diminution des logements accessibles pour les habitants. Les Engagés précisent que cela pourrait également empêcher une certaine distorsion de concurrence envers les acteurs officiels et règlementés (respect d’une série de normes et obligations). Dans le même ordre d’idée, ces deux partis veulent également contrer les résidences secondaires dans les zones à forte pression foncière.

Cependant, bien qu’indiquant l’intention, aucun des deux partis ne précise les mesures qui pourraient être prises.

Le PTB est lui nettement plus clair sur les mesures visant à la limitation de ce type de location, d’une part en fixant des quotas et d’autres parts en promouvant le développement de plateformes sans but lucratif.

Enfin et légèrement à côté du sujet qui nous occupe, Ecolo est le seul parti à évoquer le phénomène du coliving « de luxe » et veut encadrer le coliving en instaurant des permis d’urbanismes obligatoires et en appliquant une fiscalité dissuasive.


Thème 3 : Impôt des sociétés (ISOC)

> Faut-il toucher au taux d’impôt des sociétés ?

Le sujet n’est pas fortement évoqué dans les programmes. Il faut rappeler qu’au contraire de l’impôt des personnes physiques, l’impôt des sociétés a été revu il y a quelques années (2017), avec une application du nouveau régime par phases et que l’on est seulement depuis 4 ans dans la phase finale.

On notera toutefois que les deux extrêmes ne sont pas en phase.

Du coté droit, le MR soutient réduire l’impôt des sociétés à 15% pour les petites et moyennes entreprises sans autre forme de condition. Le parti libéral souligne que les PME sont un rouage essentiel de l’économie belge et qu’une PME qui réussit est également une PME qui crée de l’emploi. En conséquence, elle ne doit pas être pénalisée de sa réussite. Actuellement les PME ont accès à un taux réduit d’ISOC (20%) moyennant le respect d’une série de conditions et applicable sur les premiers 100.000 € de base imposable. Le MR veut une simplification du système, accordant un taux d’ISOC de 15% pour toutes les PME sans limites de base imposable et sans autres conditions.

Du côté gauche, nous retrouvons le PTB qui estime que 25%, c’est 25% et qu’il faut appliquer le taux normal de l’impôt des sociétés à toutes les sociétés et dans le même temps supprimer toutes les niches fiscales qu’utilisent les grandes entreprises.

Ecolo propose, sous le chapitre sur la lutte contre la fraude et l’évasion d’exclure les avantages annexes pour la détermination de la rémunération minimale pour obtenir le taux réduit et propose une indexation de cette rémunération minimale.

Les surprofits sont par contre repris par l’ensemble des partis de gauche, le PS veut une contribution sur les bénéfices excessifs des entreprises. Ecolo précise sa pensée en indiquant viser les rentes injustifiées qui résultent de situation exogène exceptionnelle et imprévisible ; et d’appliquer l’impôt normal des sociétés à ce qui est considéré comme normal et une taxation supérieure et progressive sur les bénéfices excédentaires.

Il en est de même au PTB qui vise ce qu’ils appellent « les géants » de secteurs déterminés tels que l’énergie, l’agroalimentaire, le numérique ou les banques.

DéFi ne fait pas mention de l’impôt des sociétés dans son programme.

> Comment donner un coup de pouce à nos PME et apporter du soutien aux indépendants ?

Nous allons découper la réponse en fonction de thématiques. Tous les partis veulent donner un coup de pouce aux PME, car comme le MR le souligne, les PME forment 99,4 % des employeurs en Belgique.

La fiscalité : Seul le MR entend baisser l’impôt des sociétés pour les PME à 15%, pour les indépendants, outre les pistes évoquées de manière globale pour réformer l’IPP, le MR veut accorder une déduction forfaitaire de frais plus importante pour les indépendant, allant jusqu’à un maximum de 20.000 €.

Les Engages souhaitent un « moratoire fiscal » pour les très petites et moyennes entreprises pour leurs premières années d’activité sans préciser ni la durée de ce moratoire, ni la teneur.

Le PS et le MR marquent leur volonté de maintenir le régime de la déduction pour investissement.

Accès au financement

  1. Le PS veut doper les dispositifs d’aides, subsides et prêt.
  2. DéFi incite à la création d’un cadastre des sources de financement et au lancement d’un outil permettant à l’entrepreneur de trouver et de connaître les solutions optimales de financement en fonction de son profil.
  3. Les Engagés quant à eux espèrent renforcer les mécanismes de co-investissement et créer de nouveaux partenariats avec les banques et fonds d’investissement.
  4. Ecolo et le PTB veulent que Belfius, banque publique, prenne une part plus importante dans l’économie belge, la transition écologique des PME et collectivités. Le PTB insiste sur la nécessité de prêts plus souples.

Embauche

Le MR fait l’analyse qu’investir dans un robot coûte souvent moins cher que d’embaucher un travailleur. Pour soutenir l’embauche, le parti propose un amortissement sur le capital humain à hauteur de 20% du brut hors cotisations sociales en 5 ans. En sus, ils proposent des cotisations patronales limitées à 20% pour les PME et d’accorder, pour les entreprises de moins de 10 travailleurs qui engagent un travailleur supplémentaire durant 2 ans, un rabais de cotisations sociales à hauteur de 1.500 € durant 8 trimestres.

À l’autre côté du spectre politique, les marxistes soutiennent une extension des primes à l’emploi pour les indépendants et PME qui engagent des primoarrivants ou des personnes déconnectée du marché du travail.

Marchés publics

Les mesures pour soutenir les PME et indépendants sont nombreuses dans chacun des programmes, outre celles évoquées ci-devant, citons en une qui revient sous différentes formes dans les programmes de 4 partis : faciliter l’accès aux marchés publics pour les PME.

Les Engagés le font en simplifiant les candidatures, les écologistes en découpant les lots de manière à ce qu’ils soient accessibles pour les PME et en raccourcissant le délai de paiement.

Divers

Notons l’envie de DéFi de créer ce qu’ils nomment un « test-PME » qui serait un organe chargé d’examiner les propositions de législation ou réglementation au travers de l’œil d’une PME et de mesurer l’impact de ces dispositions sur les PME.

Thème 4 : Mobilité

> Verdir la fiscalité : stop ou encore ?

Cela fait plusieurs années que l’arsenal fiscal est utilisé pour pousser citoyen et entreprises vers des comportements plus vertueux.

Le PTB veut que faire sortir la Belgique de la taxe carbone décidée au niveau européen et qui devrait entrer en vigueur à partir de 2026, car il juge que ce n’est pas au citoyen de payer la facture, mais aux pollueurs de changer de méthode. Dans le même ordre d’idée, ils s’opposent totalement à une quelconque taxe kilométrique ou taxe sur les déchets.

De l’autre côté, le MR plaide pour la suppression de la taxe portant sur les billets d’avion. Elle n’a, d’après ce parti, aucun effet sur le trafic aérien. Il faut reconnaître que le Mouvement Réformateur dans le même temps ne s’oppose pas à une taxation européenne du kérosène.

L’ensemble des partis souhaite encore utiliser la fiscalité verte comme incidents pour faire changer les comportements et pousser à la prise de conscience du changement climatique et de l’importance de la sauvegarde de l’environnement.

Pour DéFi chaque niveau de pouvoir devrait dégager des budgets pour favoriser la formation en matière de lutte contre le dérèglement climatique. Ils estiment que les niveaux de pouvoir devraient au moins accorder 1% de leur budget de fonctionnement à cette thématique.

Toujours sur les orientations budgétaires, Ecolo plaide pour un changement dans l’élaboration de ceux-ci, non pas en favorisant les formations, mais en renonçant à toutes les subventions qui sont nuisibles à l’environnement, et en intégrant les paramètres sociaux et environnementaux.

Ecolo plaide également pour le financement de l’Etat par des bons d’Etat dit « verts », ce qui philosophiquement se rapproche de l’idée du PS d’introduire un « Livret B » inspiré sur cousin français le livret A et dont le but serait de financer un fonds national destiné à une transition énergétique juste.

La TVA est une taxe qui inspire les partis pour le sujet environnemental. DéFi souhaite réduire le taux de TVA sur les services de réparation de biens et sur les biens durables. Ecolo imagine une baisse de TVA sur l’ensemble des produits issus de l’économie circulaire et les matériaux biosourcés. Le PS voudrait lui se concentrer sur le commerce équitable et les circuits courts.

Les engagés voudraient le remplacement de la TVA par la Taxe sur la Valeur Environnementale et Sociale (TVAE), avec comme objectif d’y faire transparaître l’impact environnemental et sanitaire des produits mis sur le marché. Il faut pour eux, favoriser des produits qui sont respectueux de l’environnement et sains et contrer, par une taxation plus importante, les produits polluants et néfastes.

Cette dernière idée pourrait rentrer dans le programme des libéraux qui souhaitent inclure dans le prix des biens et services, le coût d’externalités négatives, entre autres le coût environnemental. Le MR va cependant plus loin en demandant l’adaptation de la taxe « soda » pour favoriser l’usage de contenants écoresponsables.

En ce qui concerne la fiscalité directe, Les Engagés souhaitent favoriser la déductibilité des investissements économisateurs d’énergie (mesure déjà d’actualité en partie) et tout comme le MR, ne ferment pas la porte à une taxation du kérosène.

À la différence des libéraux, Les Engages souhaitent le maintien de la taxe sur les billets d’avion, le tout pour rendre le train moins cher et plus compétitif que l’avion.

> Faut-il supprimer les voitures de société ?

La même ritournelle nous est servie à chaque élection : que faire de la voiture de société?

Même si le pourcentage d’employé bénéficiant d’une voiture de société est pour la première fois en légère baisse, il n’en reste pas moins que c’est un sérieux avantage pour les bénéficiaires. Une suppression complète et en une fois poserait de nombreux problèmes sociaux : comment accorder un salaire équivalent sans plomber la compétitivité des entreprises ?

Au MR, chez DéFi et Les Engagés, c’est clair : hors de question d’abandonner la voiture de société sans une réforme fiscale plus globale. Le PS n’est pas explicite sur le sujet, tandis que pour Ecolo et le PTB on peut penser à une suppression progressive du régime.

Côté libéral, pour envisager la suppression des voitures de sociétés, une condition sine qua non est une réforme fiscale globale qui permette d’augmenter le revenu net des travailleurs. Les Engagés sont du même avis, en préconisant une réforme fiscale qui, tout en baissant le taux facial de l’impôt, supprime les réductions et exceptions qui réduisent l’imposition sur le travail. Ils considèrent les voitures de sociétés comme étant une de ces niches à supprimer.

DéFi soutient la même philosophie que le MR et Les Engagés en allant un peu plus loin dans la qualification puisqu’ils considèrent les voitures de sociétés comme une niche fiscale particulièrement injuste et l’une des premières à supprimer dans le cadre d’une réforme fiscale. Chez DéFi, on considère que le déficit de rentrés fiscales est trop important et on pointe les impacts sur l’environnement et la congestion.

Dans le clan plus modéré, on retrouve le PS qui ne dit pas grand-chose sur les voitures de sociétés si ce n’est que l’avantage devrait mieux prendre en compte les impacts environnementaux et qu’il faudrait revoir la valeur attribuée à l’avantage pour la faire tendre vers une valeur plus proche de la valeur réelle.

Chez les opposants, Ecolo en tête, on plaide pour une extinction progressive de l’avantage voiture et de la carte essence et de pousser vers un remplacement avec d’autres avantages tels qu’un budget mobilité durable. Le parti ne précise pas de délais pour l’entrée en vigueur et évoque une mise en œuvre progressive en interdisant tout nouvel entrant dans le système.

Méthode que le PTB utilise également pour sortir du régime des voitures-salaires.

On l’aura compris, ce n’est pas demain que nous ne retrouverons plus de frais de véhicules dans nos comptabilités et relevés de paies.


Thème 5 : TVA

> Peut-on adapter les taux de TVA ?

Faisons le tour des principales mesures en matière de TVA pour chacun des partis.

PTB

La mesure phare du PTB concernant la TVA est la suppression de la TVA sur l’alimentation et les produits de base.

Le parti ne précise pas s’il vise toute l’alimentation, y compris les produits considéré actuellement comme produits de luxe et donc soumis à un taux de 21%, ou seulement les produits qui bénéficient actuellement du taux réduit de 6%. Au rayon des produits de bases visés, ils citent : le détergent, la lessive, le papier toilette et les produits d’entretien.

En tant que fiscaliste, je dois préciser qu’il ne s’agit pas d’une suppression de la TVA comme le titre du programme le suggère, mais d’une réduction du taux de TVA à un taux de 0%. Le PTB admet d’ailleurs dans les FAQ qu’il n’est pas permis par l’Union Européenne d’appliquer une telle réduction puisque la directive européenne ne permet une réduction du taux à 0% que pour l’alimentation, les boissons non alcoolisées, et les produits d’hygiène féminine, ou pour d’autres produits en cas de crise. Ils justifient que l’on est dans une crise du pouvoir d’achat qui pourrait justifier une telle réduction.

A dire que cette réduction ne serait que temporaire, il n’y a qu’un pas que le PTB n’avoue pas.

Le PTB admet également qu’il y a un risque pour que cette diminution de TVA ne profite pas au ménage et ne soit pas répercutée dans le prix que paie le consommateur final. Pour contrer cela, le PTB donnerait des pouvoirs d’investigation et de contrôle renforcés à l’Observatoire des prix quitte, au besoin, à interférer dans la fixation du prix par les acteurs du marché et à imposer un prix.

Ecolo

En matière de TVA, les écologistes se concentrent sur deux thématiques qui sont reprises de nombreuses fois tout au long de leur programme.

La première, qui revient 4 fois dans le programme, est l’instauration d’un taux de TVA (sans préciser le taux) sur l’utilisation de matériaux de construction biosourcés et recyclés en constatant que ces matériaux sont souvent plus chers que ceux issus de l’industrie pétrochimique ou d’extraction. Pour compléter la mesure, ils cibleront « autant que faire se peut » la réduction de TVA pour les produits locaux et soutiendront l’utilisation de ces matériaux biosourcés dans les marchés publics.

La seconde, revient, elle, 3 fois dans le programme, s’inscrit dans les mesures pour favoriser une alimentation saine et de qualité en supprimant la TVA sur les produits biologiques locaux. En complément de cette mesure, Ecolo entend favoriser l’utilisation de ces produits par les cantines scolaires et dans les restaurants des crèches et maisons de repos.

PS

Sur le plan juridique et européen, le PS veut une réforme de la directive TVA visant à donner une plus grande liberté aux états membres en matière de fixation des taux.

La révision de la directive doit aussi poursuivre l’objectif d’évaluer et d’adapter régulièrement la liste des biens qui doivent être qualifiés de première nécessité et en prenant en compte l’impact environnemental. Ils proposent également que la directive prévoie un taux de TVA encore plus élevé pour les produits de très grand luxe.

Sur les taux, le PS soutient une régulation des prix des dispositifs médicaux tels que les lunettes ou les implants et une réduction du taux de TVA à 6%.

Pour les biens de première nécessité, le parti se contredit dans son programme. En page 300, ils indiquent souhaiter une diminution à 6 % de tous les biens et services de première nécessité, et un peu après en page 356, est présenté une mesure visant à réformer la TVA et permettre un taux de 0% du les produits de première nécessité (alimentation, produits d’hygiène féminine, produits relatifs à la contraception) et un taux réduit sur les soins vétérinaires.

Tout comme Ecolo, le PS veut soutenir les matériaux de construction écologiques, issus de circuits courts, biosourcés, durables et recyclés en réduisant le taux non plus à 0%, mais à 6%.

DéFi

En matière de TVA, on ne voit pas de révolution chez DéFi.

Comme les autres partis, DéFi axe principalement les modifications TVA sur le coté durable.

Pour soutenir les indépendants complémentaires et particulièrement les starters, DéFi propose d’augmenter le seuil de franchise TVA.

Mesure plus anecdotique, ils suggèrent une suppression du taux préférentiel de 12% sur le charbon à usage de combustibles pour les poêles à charbon.

Enfin, comme évoqué, ils militent pour une fiscalité au service de l’économie circulaire en diminuant le taux de TVA sur la réparation de biens, activité créatrice d’emploi et en baissant la TVA sur les constructions neuves sous condition d’arriver à des performances énergétiques élevées. La TVA sur les biens et services durables serait également réduite (= besoin essentiel d’une population, utilisation minimale de ressources naturelles, émission minimale de polluant tout au long de son cycle de vie).

Les Engagés

Le programme des Engagés est probablement celui qui regorge le plus de mesures TVA. Pêle-mêle ils veulent :

  1. Diminuer la TVA sur les produits sains et cultivés localement.​
  2. Pour financer la mesure de diminution du taux sur les produits sains, ils proposent une augmentation du taux de TVA de 5% sur l’alcool et le tabac;
  3. 6% sur la démolition-déconstruction-reconstruction à condition que le projet améliore l’empreinte carbone en comparaison d’une rénovation;
  4. Baisse de la TVA à 6% sur les éco matériaux uniquement dans le cadre d’une écoconstruction neuve;
  5. Réduction de TVA sur des équipements de domotiques tels que les prises connectées, machine à laver ou séchoir pilotables à distance);
  6. Diminuer la TVA à 6 % sur les services de réparation et pièces de rechange dans le cadre d’une stimulation de l’économie circulaire et du réusage;
  7. Transformer la TVA en TVES : c’est-à-dire qu’ils veulent la suppression à l’échelle européenne de la TVA pour la remplacer par une taxe sur les produits et services qui tiendrait compte de l’impact sur le climat et l’environnement, taxer proportionnellement aux émissions de carbones ; en fonction de l’impact sur notre santé en rendant les produits sains moins chers (moins de sucres, graisses ou transformations), utiliser la TVES pour permettre au public plus précarisé ou vivant en zone rurale d’accéder à des solutions décarbonées à un prix acceptable.
  8. Réduire la TVA sur la fourniture et réparation de vélo ou vélo électrique « afin de traiter le vélo comme la voiture »
  9. Diminuer la TVA à 6 % pour les objets liés à la sécurité des vélos et des personnes (casques, cadenas, gilets de sécurité) et introduire une déductibilité pour l’entreprise à 120 % pour tous les frais liés à ce type de véhicule;
  10. Accorder une exonération de TVA aux particuliers pour l'achat d'une voiture zéro émission (électrique, hydrogène ou autre) dont le coût ne dépasse pas 50.000 euros et dont la masse est inférieure à la moyenne des véhicules ayant le même type de motorisation. Plafonner le montant de l’exonération à 6.000 euros;
  11. Supprimer la TVA sur les billets de train en trafic intérieur et international afin de rétablir une égalité fiscale avec le transport aérien.
  12. Opérer une diminution de la TVA sur les actes et interventions vétérinaires.

MR

Le Mouvement Réformateur pointe quelques modifications au niveau de la TVA qui ne sont pas des révolutions, mais tout au plus des adaptations ou corrections de mesures existantes.

Les libéraux considèrent que les services de livraison d’internet deviennent des services essentiels et de premières nécessités souhaitant l’application d’un taux de TVA de 6% sur ces services.

Une seconde mesure porte sur la mesure de démolition-reconstruction. Le Mouvement propose de simplifier le régime de 6% de TVA applicable en supprimant quelques conditions actuelles. Par exemple ne plus appliquer de conditions de superficie ou d’acteurs. Le MR veut, par cette mesure, encourager la construction de nouveaux logements par le secteur privé. À côté de ses mesures concernant les reconstructions, le MR entend corriger une discrimination. Actuellement, le taux de TVA d’un immeuble neuf est de 21% tandis que les droits d’enregistrement applicables sont de 12,5 % en Wallonie. L’impact pour les acheteurs est énorme puisque les banques refusent généralement de financer les droits d’enregistrement ou la TVA. Un jeune couple devra donc disposer d’un apport plus important s’ils souhaitent acquérir un immeuble neuf. Le Mouvement propose d’instaurer un taux de 12% sur les logements neufs pour réduire cet écart, favorisant ainsi des logements neufs qui sont classiquement plus performants sur le plan énergétique.

Toujours concernant l’immobilier, le MR propose un taux de TVA de 6% sur les entretiens et restauration d’immeubles classés. Le but est double : faciliter ces travaux pour les propriétaires privés ou publics et, puisque les régions sont souvent propriétaire ou subsidient ce type de rénovation, cela permettrait de réduire les impacts budgétaires sur les finances régionales. Le MR admet cependant qu’il faut pour cela un accord du gouvernement fédéral et une révision de la directive TVA européenne.

La dernière mesure en matière de TVA porte à la fois sur de l’immobilier et sur l’accueil de la petite enfance puisque le MR veut instaurer un taux réduit de TVA (6% au lieu de 21%) sur les investissements et infrastructures destiné à la petite enfance (principalement la construction de nouvelles crèches).


Thème 6 : Et que proposent les partis flamands ?

En matière d’impôt sur le revenu, on peut noter que la quasi-totalité du programme du CD&V est puisée dans la réforme fiscale avortée proposée par le ministre Van Peteghem, avec un ajustement des tranches à l’IPP, une taxation des revenus du capital avec une exonération de 6.000 € et pour l’ISOC une diminution du taux de 20 à 15% pour les PME en doublant la tranche admise à ce taux réduit.

Chez Groen, ils proposent une quotité exemptée plus importante pour la ramener au seuil de pauvreté en couplant la mesure avec une taxation sur le capital et la pollution, un impôt sur les patrimoines supérieurs à 2,5 millions et une suppression des avantages extralégaux. Au niveau des indépendants, Groen propose que les cotisations sociales soient plus progressives.

Les nationalistes de la N-VA, veulent réduire les charges sur le travail en supprimant la CSSS (cotisation spéciale de sécurité sociale) et réduisant les cotisations patronales à 20%. Pour financer le tout, ils suppriment les régimes favorables sur le travail. Les pensionnés seraient encouragés à travailler avec une taxation distincte de 20%. Au contraire de nombreux partis, la N-VA veut étendre l’exonération des dividendes à l’ensemble des revenus mobiliers. Pour les sociétés, ils veulent réduire l’impôt sur la première tranche pour les PME.

Les libéraux de l’Open-VLD veulent atteindre un écart de 500 € entre les travailleurs et les non-travailleurs par la suppression de la tranche de 45% et en augmentant les frais forfaitaires pour les indépendants jusqu’à 20.000 €. Les revenus du capital bénéficieraient d’une exonération générale de 1.800 € ; ce sont les seuls qui suggèrent que les subventions aux sociétés soient converties en réduction d’impôt régionale sur l’ISOC, ce qui reviendrait à une première étape dans une régionalisation de l’impôt.

Le PTB-PVDA veut une globalisation de l’ensemble des revenus et une meilleure progressivité. Les cotisations sociales des indépendants seraient plus progressives, mais en abolissant le plafond actuel. Pour ce qu’ils appellent les « super-riches », ils imaginent une taxe de 2% pour les patrimoines de 5 millions d’euros et 3 % au-delà de 10 millions.

Le Vlaams Belang veut augmenter la quotité exemptée jusqu’au revenu d’intégration, et réduirait l’IPP par un abaissement général des tranches d’imposition (la tranche de 40% passerait à 30%, celle de 45 à 40%...) et la tranche taxée à 50% commencerait à partir de 61.000 €. En ce qui concerne les sociétés, le Belang mettrait toutes les sociétés sur le même pied avec un taux de 20%.

Vooruit voudrait non seulement fusionner les revenus du travail et du capital pour les imposer progressivement, mais souhaite également convertir la taxe sur opération de bourse en une taxe annuelle sur les patrimoines financiers de plus de 1 million d’euros et appliquer un taux de 3%.

Sur la TVA, encore une fois le CD&V reprend intégralement les mesures de M Van Peteghem. Les autres partis sont globalement en accord avec les propositions des partis francophones : suppression ou réduction de TVA sur les biens durables/sains. On notera toutefois que Belang et Open-VLD souhaitent une réduction de TVA à 12% pour les boissons non alcoolisées dans l’Horeca et que Vooruit ne propose aucun plan spécifique de réduction de TVA.


Cet article est publié dans le cadre du Tax Tv Show du mardi 21 mai 2024.


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