Voiture et fiscalité: ce qui a failli changer… et ce qui change vraiment
Temps de lecture: 5 min | 04 juil. 2025 à 05:15
Emmanuel Degrève
Partner & Conseil Fiscal @ Deg & Partners
Une erreur législative qui aurait pu coûter cher
Parfois, une virgule oubliée dans un texte législatif peut coûter des millions. C’est exactement ce qui s’est passé fin juin 2025, lorsqu’un amendement maladroit a failli remettre en cause la déductibilité fiscale du carburant pour toutes les voitures thermiques et hybrides, y compris celles déjà immatriculées. Si l’erreur a été corrigée à temps, elle révèle à quel point le cadre fiscal autour de la mobilité est devenu sensible, instable… et nécessite un suivi rigoureux.
Chez Deg & Partners, nous vous proposons un décryptage précis de ce qu’il s’est passé, des règles qui s’appliquent aujourd’hui, et de ce qui va effectivement changer à partir de 2026.
1. Ce qui aurait pu se passer : la suppression totale de la déductibilité du carburant
Le gouvernement avait initialement convenu, dans un accord de majorité, de prolonger certaines conditions favorables pour les véhicules hybrides rechargeables (PHEV), principalement pour les indépendants. Mais dans le cadre d’une loi-programme, un amendement a été introduit qui allait bien plus loin.
a. Un amendement trop large
Le texte modifiait l’article 66 du Code des impôts sur les revenus (CIR 92), en supprimant toute déductibilité des frais de carburant, sans distinguer :
entre véhicules hybrides et thermiques purs,
entre véhicules anciens et nouveaux,
ni même entre personnes physiques et sociétés.
Même les véhicules déjà acquis avant 2026 auraient été concernés : une rupture avec le principe de sécurité juridique, puisqu’un régime fiscal favorable serait ainsi supprimé rétroactivement.
b. Une atteinte aux principes fondamentaux
L’erreur heurtait frontalement plusieurs principes fondamentaux du droit fiscal :
Principe de confiance légitime : les entreprises ont pris des décisions d’investissement en fonction d’un régime établi ;
Principe de légalité stricte et de non-rétroactivité : on ne modifie pas les règles du jeu après coup ;
Proportionnalité : la mesure allait au-delà des exigences européennes en matière de verdissement fiscal.
2. Ce qui s’appliquera effectivement : une réforme ciblée et confirmée
Grâce à une mobilisation rapide du secteur, un amendement correctif a été adopté. La version finale du texte rétablit une logique conforme à l’équilibre initialement annoncé.
a. Seuls les véhicules PHEV acquis à partir du 1er janvier 2026 sont visés
À partir de cette date :
Les véhicules hybrides rechargeables (essence + batterie) perdront la déductibilité de leurs frais de carburant, sauf s’ils respectent des normes environnementales strictes (capacité batterie ≥ 0,5 kWh / 100 kg et émissions CO₂ ≤ 50g/km) ;
Les véhicules thermiques purs (essence, diesel, LPG) gardent leur déductibilité selon les règles en vigueur au moment de leur acquisition ;
Les véhicules déjà en circulation au 31/12/2025 bénéficient d’un régime transitoire maintenu.
b. Une application différenciée selon le type de contribuable
Les sociétés restent dans le régime classique de la déductibilité professionnelle (art. 198, §1, 9° et art. 66 CIR 92) ;
Les indépendants personnes physiques (soumis à l’IPP et disposant d’un numéro de TVA) bénéficieront d’un régime spécifique à confirmer par circulaire.
3. Le régime en vigueur aujourd’hui : rappel utile
Aujourd’hui, la déductibilité fiscale des frais liés à un véhicule dépend :
Du type de motorisation : thermique, hybride, électrique ;
Du type de dépense : carburant, entretien, leasing, amortissement ;
Jusqu’à 100 % sur l’électricité (non considéré comme carburant)
4. Ce que les entreprises doivent retenir
Ce qui ne change pas :
Le parc existant avant 2026 conserve ses droits acquis ;
Les voitures thermiques gardent leur régime de déductibilité selon les règles en vigueur lors de l’acquisition ;
Le carburant reste une charge déductible partiellement, selon les barèmes CO₂.
⚠️ Ce qui va changer :
Les PHEV acquis dès 2026 verront leur carburant non déductible (sauf exception environnementale) ;
Une traçabilité accrue des frais de mobilité est attendue (factures, relevés de consommation) ;
Le verdissement fiscal se poursuit, en cohérence avec les objectifs européens et les décisions déjà prises en matière de voitures de société (100 % électriques à partir de 2026 pour les nouvelles acquisitions).
5. Nos conseils Deg & Partners
Conservez soigneusement les documents relatifs à vos véhicules : date de commande, contrat de leasing, PV de livraison, factures de carburant.
Anticipez dès 2025 vos renouvellements de flotte, surtout si vous utilisez encore des véhicules thermiques ou hybrides.
Optimisez votre politique de mobilité en tenant compte des règles fiscales futures (budgets mobilité, transports collectifs exonérés…).
Évitez les décisions précipitées basées sur des annonces incomplètes : le diable se cache dans les textes d’exécution.
Conclusion – Une vigilance qui paie
La réforme de la fiscalité automobile se construit par étapes, mais chaque étape peut avoir des conséquences importantes. L’épisode récent de l’amendement mal formulé rappelle à quel point le cadre fiscal est devenu mouvant et technique. Heureusement, la correction a été apportée, et les contribuables peuvent conserver leurs droits acquis.
Chez Deg & Partners, nous restons à vos côtés pour vous accompagner dans cette transition, vous protéger des risques d’interprétation, et transformer vos choix de mobilité en décisions optimisées sur le plan fiscal.
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