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TVA: durant combien de temps et comment pouvez-vous récupérer la TVA ?

Règles de calendrier, exceptions 2025 et bonnes pratiques pour sécuriser vos déductions

La récupération de la TVA en amont est un droit fondamental de l’assujetti, mais strictement encadré par des délais et des conditions de forme. Un oubli, une facture reçue tardivement, un taux mal appliqué, une autoliquidation omise… et l’on risque la forclusion. Depuis 2025, l’administration belge a toutefois intégré un assouplissement ciblé permettant, dans des hypothèses précises, de déduire au-delà du délai usuel. L’objectif de cet article est d’exposer, de manière structurée et pédagogique, quand naît le droit à déduction, jusqu’à quand il peut s’exercer, comment procéder en pratique, et dans quels cas une récupération tardive reste encore possible.

À retenir : règle des trois ans (appréciée « par année civile »), + procédure ordinaire via la déclaration périodique, + exception 2025 en cas de facture rectificative tardive et impossibilité objective.


1. Quand le droit à déduction naît-il ? (exigibilité et facture conforme)

Point de départ : l’exigibilité. Le droit à déduction naît lorsque la TVA devient exigible : en principe à la livraison du bien ou à l’achèvement du service ; en présence d’une facture, la date d’émission commande l’exigibilité (sauf cas particuliers). La déduction suppose la possession d’une facture conforme comportant les mentions légales (identité et n° de TVA des parties, dates, base imposable, taux, etc.).[1]

Conséquence pratique. Tant que la facture n’est pas conforme, pas de déduction ; la correction (note de crédit et, le cas échéant, refacturation correcte) ré-ouvre le droit à partir de la réception du document régularisateur.

Synthèse : pas de facture conforme = pas de déduction ; l’exigibilité se cale sur la livraison/prestation ou la date de facturation.


2. Jusqu’à quand puis-je déduire une TVA « oubliée » ? (règle générale)

La règle des “3 ans + année civile”. Vous pouvez imputer la TVA jusqu’à la dernière déclaration qui précède l’expiration d’un délai de trois ans suivant l’année civile au cours de laquelle la TVA est devenue exigible.[2]

En pratique, cela revient quasi à quatre ans à compter du 1ᵉʳ janvier de l’année d’exigibilité.

  • Exemple (déclarant trimestriel). TVA exigible en 2022 → déduction encore possible dans la déclaration T3/2025. Attention : T4/2025 est déposé en janvier 2026, donc trop tard.
  • Exemple (déclarant mensuel). TVA exigible en mai 2022 → déduction possible jusqu’à la déclaration d’octobre 2025 (déposée en novembre 2025).

Nature du délai. Il s’agit d’un délai de forclusion : une fois expiré, le droit est perdu, sauf exception (cf. section 4).

Synthèse : ciblez T3 (trimestriels) ou octobre (mensuels) de la 3ᵉ année civile suivant l’exigibilité.


3. Comment exercer la récupération ? (procédure ordinaire)

Pas de procédure “spéciale” : on inclut simplement le montant de TVA déductible dans la déclaration périodique de la période choisie avant la forclusion.[2]

  • Vérifications de base : ventilation par taux, affectation professionnelle, limites éventuelles de déduction (véhicules, frais mixtes…).
  • Cas pratique de fin d’année : si vous recevez une facture correcte au T4 et craignez de ne pas pouvoir l’imputer avant le 31/12, l’administration admet — pour préserver le droit — une notification par recommandé (avant le 31/12) annonçant l’exercice de la déduction dans la déclaration du dernier trimestre ; la déduction peut alors être opérée dans cette déclaration.[3]

Synthèse : déclaration périodique ordinaire ; en fin d’année, préservez votre droit par recommandé si nécessaire.


4. Puis-je déduire au-delà du délai ? (exception 2025)

Depuis la circulaire 2025/C/23 (28.04.2025), la Belgique transpose une jurisprudence de la CJUE (2018) : lorsque l’assujetti a été objectivement empêché d’exercer à temps son droit (typique : facture rectificative émise après l’échéance des trois ans pour corriger une erreur initiale du fournisseur), la déduction reste possible au-delà du délai, dans la déclaration couvrant la réception du document rectificatif.[3]

Conditions cumulatives (essentielles) :

  1. Rectificative émise par un fournisseur belge pour corriger une erreur de TVA (mauvais taux, exonération à tort, autoliquidation non appliquée, etc.) ;
  2. Le délai de trois ans est déjà expiré lors de l’émission de la rectificative ;
  3. Impossibilité objective d’exercer la déduction plus tôt (p. ex. l’erreur n’était pas décelable sans la rectification) ;
  4. La TVA régularisée a bien été reversée par le fournisseur à l’État ;
  5. La déduction est déclarée dans la période de réception de la rectificative en mentionnant la circulaire et les références requises (montant, n° et date de la facture rectificative, etc.).

Ce que n’est pas l’exception. Elle ne couvre pas un simple oubli interne ; elle vise des rectifications tardives indépendantes de la volonté du preneur.

Synthèse : une seconde chance existe uniquement si la rectification tardive du fournisseur vous a objectivement empêché d’exercer le droit dans les temps.


5. Cas à risque : TVA indûment facturée, autoliquidation, mauvais taux

La TVA indûment facturée n’est pas déductible tant qu’elle n’a pas été corrigée :

  • Autoliquidation (B2B construction, certaines acquisitions/immos, etc.) : si le fournisseur a indûment facturé la TVA, exiger une note de crédit et une refacturation correcte sous autoliquidation.
  • Mauvais taux (6 % au lieu de 21 %, ou inversement) : note de crédit et refacturation au bon taux.
  • Mentions manquantes : obtenir une facture conforme avant d’imputer.

Synthèse : pas de déduction d’une TVA à tort ; la crédit-note est la porte d’entrée de la régularisation.


6. Exemples didactiques

  • Ex. 1 – Oubli “classique” (trimestriel). Facture émise 15/12/2022 (exigibilité 2022). En 2025, vous découvrez l’oubli. Vous pouvez imputer jusqu’à T3/2025. Une imputation en T4/2025 serait tardive (déposée en janvier 2026).
  • Ex. 2 – Rectification tardive (exception 2025). En juin 2026, votre fournisseur belge émet une rectificative pour corriger une exonération à tort en 2022. Le délai est expiré, mais vous pouvez déduire en juin 2026 (période de réception), si les 5 conditions supra sont réunies et en citant la circulaire.
  • Ex. 3 – Fin d’année “préservation du droit”. Vous recevez la facture correcte le 29/12/2025 ; vous n’êtes pas en mesure d’imputer avant le 31/12. Envoyez un recommandé à l’administration avant le 31/12 pour préserver le droit et imputer dans la déclaration du T4.[3]


7. Documentation et contrôlabilité

  • Dossier facture : facture conforme, bons de livraison, contrats.
  • Justificatifs de régularisation : notes de crédit, facture rectificative, preuve du reversement de la TVA par le fournisseur (condition de l’exception).
  • Traçabilité : captures d’écran/exports du logiciel, rapprochement des périodes de déclaration.
  • Lettre recommandée T4 (si usage) : conserver l’accusé de réception.


8. Tableau de synthèse — récupération de TVA (déduction amont)

Point

Règle

Délai / Période

Action pratique

Naissance du droit

Exigibilité (livraison/prestation ou date de facture) + facture conforme

Immédiat

Vérifier conformité (art. 5 AR n° 1)

Délai général

Dernière déclaration avant la fin de la 3ᵉ année civile suivant l’année d’exigibilité

Trimestriel : T3 de l’année N+3 ; Mensuel : octobre de N+3

Imputer dans la déclaration périodique

Fin d’année (T4)

Préservation du droit si facture correcte reçue tard

Recommandé avant 31/12

Imputer ensuite dans la déclaration T4[3]

Exception 2025 (déduction tardive)

Rectificative tardive + impossibilité objective

Au-delà du délai, dans la période de réception

Déclarer en citant la circulaire 2025/C/23 et joindre les réfs

TVA à tort

Non déductible tant qu’elle n’est pas corrigée

Exiger note de crédit et refacturation correcte


9. Recommandations Deg & Partners

  1. Calendrier TVA : cadrez vos échéances en distinguant déclarants mensuels vs trimestriels et périodes critiques (T3/T4).
  2. Check facture : systématisez un contrôle de conformité (art. 5 AR n° 1) avant comptabilisation.
  3. Alerte “TVA à tort” : verrouillez les cas d’autoliquidation et de taux réduits ; exigez crédit-note si anomalie.
  4. Fin d’année : activez, si besoin, la lettre recommandée de préservation du droit avant le 31/12.
  5. Exception 2025 : n’invoquez l’assouplissement que si toutes les conditions sont réunies ; documentez la réception de la rectificative et la preuve de reversement.
  6. Formation & contrôle interne : sensibilisez vos équipes (achats, compta) ; paramétrez votre ERP pour tracer l’exigibilité et éviter les oublis.

Chez Deg & Partners, nous vous accompagnons de bout en bout : audit de vos échéances, sécurisation documentaire, mise en place de contrôles préventifs et gestion des régularisations (notes de crédit, lettres T4, déclarations). Ensemble, nous transformons la contrainte des délais TVA en un processus maîtrisé.


Notes et références

[1] A.R. n° 1, art. 5 : mentions obligatoires de la facture (identité, n° de TVA, dates, base imposable, taux, etc.).
[2] Code TVA, principes relatifs au droit à déduction et pratique administrative : déduction possible jusqu’à la dernière déclaration précédant l’expiration de la 3ᵉ année civile suivant l’année d’exigibilité.[3] Circulaire 2025/C/23 du 28.04.2025 : (i) acceptation d’une notification avant le 31/12 pour préserver le droit en cas de facture correcte reçue tard au T4 ; (ii) déduction au-delà de 3 ans lorsque l’assujetti a été objectivement empêché d’exercer son droit, à la suite d’une facture rectificative tardive émise par un fournisseur belge, TVA reversée, et références explicites dans la déclaration.(La circulaire s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence de la CJUE (2018) sur l’effectivité du droit à déduction en présence d’empêchements objectifs.)

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