Mais qu’est-ce qui a piqué le Ministre van Overtveld ? La hausse du précompte mobilier n’est pas une mesure que l’on attendait du Gouvernement Michel. Et pourtant... Rétroactes.
En 2011, Di Rupo obtient une concession de ses partenaires du gouvernement : la hausse du précompte mobilier à 21%. Les experts des cabinets se sont bien empoignés, mais comme le dit l’adage, à la fin ce sont toujours les socialistes qui gagnent. Ils vont convaincre leurs partenaires de tout l’intérêt d’une hausse. Mieux, bien habiles, et avec l’aide de leurs comparses du CD&V, ils piègeront leurs homologues en obtenant une augmentation complémentaire dudit précompte mobilier de 4% au-delà de 20.050 euros de revenus mobiliers cumulés. Cette mesure anodine obligeait dans les faits à mettre en place un cadastre mobilier pour en calculer le cumul… Et cela les libéraux ne l’avaient pas vu… De discussion en discussion l’OpenVLD se résigna et dut choisir entre la proie et l’ombre : ils exigèrent le renom à la création dudit cadastre, en concédant une nouvelle augmentation dès 2013 du précompte mobilier à 25%. Quand je vous disais qu’à la fin, ce sont toujours les socialistes qui gagnent…
Exit ces derniers, voici venir l’attelage de centre droit et la NVA aux commandes des finances : les espoirs sur ce point sont élevés… Et pourtant. Il ne faudra que 2 conclaves budgétaires pour enregistrer deux hausses successives du précompte mobilier et le porter depuis janvier à 30%. Sic.
En 6 ans, les bénéficiaires d’un revenu mobilier sont bel et bien les grands perdants des années 2010 et suivantes. Le précompte mobilier étant libératoire, sa hausse virtuelle atteint 100% (ce qui correspond à la hausse du taux de 15 à 30%).
Dans les faits, la situation est plus subtile, car ces hausses sont avant tout des hausses de principe qui touchent l’épargnant. Explications.
En 1994, le Gouvernement de l’époque constate que les entreprises, et en particulier les PME ont un véritable problème de capitalisation. Pour y faire face, le « bon capital » voit le jour. Il consiste à récompenser les actionnaires qui libèrent du capital en numéraire en leur accordant un avantage fiscal : l’accès à un précompte mobilier (et l’article 269 du CIR) réduit à 15%.
17 ans plus tard, en 2011, lors de l’instauration du précompte mobilier à 21+4%, ce précompte mobilier réduit disparaît. Mais en économie, un principe reste un principe et le contexte des années nonante se reproduit : la capitalisation des entreprises fait défaut et il convient à nouveau de répondre raisonnablement à ce phénomène. Partant de l’idée qu’à des causes identiques surviennent des conséquences identiques… sans autre imagination, le gouvernement réinstaure au 1er juillet 2013 le taux réduit de 15%. Tout ça pour ça ? Non, car dorénavant tout le capital mobilisé de 1994 au 30 juin 2013 est « lessivé ». Il produit un rendement fiscal maximalisé à 25%, 27% et maintenant 30%
Ce n’est pas tout. Pour répondre à la hausse successive du boni de liquidation (antérieurement exonéré), le gouvernement autorise de porter en réserve des revenus imposés. Objectif : leur permettre de bénéficier d’un boni à 10% (en cas de liquidation) ou de 15% (en cas de distribution après plus de 5 ans). C’est donc une nouvelle voie d’accès au précompte mobilier réduit.
Ces 2 mesures sont salutaires, car elles répondent à un besoin : celui de mobiliser les capitaux au profit des entreprises, mais elles ont aussi un prix : celui de créer un traitement différencié de « mêmes » entreprises face à la distribution de leur bénéfice. En effet, dorénavant une entreprise née avant ou après juillet 2013 subit une fiscalité mobilière qui passe du simple au double. Il ne faut pas être un grand économiste pour comprendre qu’une telle situation née du seul critère qu’est sa date de naissance est absurde et injustifiée.
Outre cette injustifiable situation, la cohabitation d’un régime plein et d’un régime réduit est nécessairement une source de complication. Et la complexification, une nouvelle source d’injustice fiscale, car à situation complexe tous les contribuables ne sont pas égaux : c’est une autre évidence.
Et le sujet de la complexité est bien pertinent ici. Si vous revenez sur les déclarations successives des responsables politiques qui ont dû « vendre » cette hausse, un des arguments les plus acceptables était celui de la simplicité recherchée. En effet, lors de l’introduction du précompte mobilier à 25% (et suivants), l’idée était d’imposer un seul et unique taux à toutes les situations mobilières. Mais dorénavant, nous en sommes bien loin. En 2017, il n’y aura jamais eu autant de taux de précompte mobilier actifs à l’impôt des personnes physiques. Plus précisément : 8 taux différents, de 10 à 30%. Quand je vous parle de simplicité.
Le fondement du précompte à 30% n’est pourtant pas totalement « imbuvable ». Il consiste à partir de l’idée que celui qui ne perçoit que des revenus mobiliers puisse contribuer comme les autres à un taux raisonnable de 30%, ce qui correspond finalement à la deuxième tranche (sur 5) d’imposition à l’IPP. Mais cette situation ignore deux autres faits majeurs : les personnes qui disposent principalement de ces revenus sont peu nombreuses, et ces revenus subissent régulièrement d’autres prélèvements : l’impôt des sociétés (préalable à l’impôt de distribution) mais aussi les précomptes mobiliers étrangers lorsqu’il s’agit d’une action non belge, et ce dernier n’est pas anecdotique.
Le vrai malheur qui entoure le précompte mobilier est bien plus simple à comprendre et les experts budgétaires le savent. En réalité une hausse de 1% du précompte mobilier rapporte 100 millions, 100 millions chaque année…, une qualité dans un conclave budgétaire qui fait la différence. En augmentant le précompte de 25 à 50%, le gouvernement Michel a simplement activé une pompe budgétaire à concurrence d’un demi-milliard par an. Voilà qui explique bien mieux les seules motivations.
Mais il subsiste un bémol : l’élasticité au prix. L’impôt est en effet une partie du prix et le premier cours d’économie vous rappelle que l’offre et la demande se rencontrent en un seul point : un point qui évolue en fonction de ces deux courbes. En doublant la fiscalité mobilière, le gouvernement agit nécessairement sur ces deux courbes et le rendement fiscal évolue : les recettes de l’État en témoignent. Une situation qui rappelle la dernière saga des assises, mais ceci est une autre histoire…
Emmanuel Degrève, février 2017.
Emmanuel Degrève est conseil Fiscal, Partner chez Deg & Partners. Professeur à la CBC Bruxelles et à l’EPHEC, il préside également le Forum For the Future.
Emmanuel Degrève est joignable par email à l’adresse emmanuel.degreve@degandpartners.com
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