Bon nombre d’indépendants en personne physique hésitent à passer en société.
L’intérêt fiscal est pourtant évident dans bien des cas, comme en témoigne Emmanuel Degrève, Partner chez Deg & Partners.
Est-il globalement intéressant de passer en société ?
Emmanuel Degrève : Oui, cela l’est très fort dans bien des cas…mais pas dans n’importe quelle situation ni à n’importe quel prix ! Généralement, on obtient plus de revenus nets en créant et en utilisant par exemple une société de management pour exploiter une activité ou la piloter qu’en restant indépendant en personne physique.
Comment expliquez-vous cela ?
E. D. : Par le fait tout d’abord qu’une partie des leviers de cette meilleure performance est logée dans ce que l’on appelle les outils de patrimonialisation. Il s’agit par exemple d’un engagement individuel de pension, d’une vente de clientèle ou de l’achat d’un immeuble. Ces opérations transfèrent toutefois de « l’argent d’aujourd’hui » vers de « l’argent demain ». Autrement dit, on peut ne pas ou ne plus disposer d’autant de cash que lorsqu’on reste indépendant en personne physique. Et, bien évidemment en l’occurrence, tout le monde n’est pas capable de patrimonialiser ; tout dépend du train de vie de chacun. Quelqu’un qui dépense beaucoup de cash au quotidien a bien sûr moins de possibilités de se projeter dans le futur. Cela ne sert donc à rien d’établir un schéma fiscalement intéressant sur papier si vous n’avez pas la capacité de vivre celui-ci au quotidien.
Indépendamment de la patrimonialisation, quels sont les autres avantages fiscaux ?
E. D. : Un principe fondamental du passage en société est d’essayer d’ajuster la pression fiscale sur le travail. En dépit des mesures prises actuellement par le gouvernement, comme le Tax Shift, cette pression est très élevée en Belgique. Le dernier classement de l’OCDE nous place toujours en très mauvaise position en matière de coin fiscal, autrement dit en ce qui concerne ce qui reste en net pour le travailleur. Cette situation risque fort de ne pas évoluer positivement à l’avenir étant donné que la quote-part de l’impôt des personnes physiques (IPP) et des cotisations sociales est très élevée dans le budget de l’Etat.
En quoi le passage en société permet-il de palier cette situation ?
E. D. : L’usage au passage en société de management va permettre de moduler le pression fiscale sur le travail en transformant une partie des revenus professionnels en des revenus d’une autre nature, par exemple des revenus mobiliers (des dividendes). C’est un vrai levier de modération que l’Etat ne peut pas actuellement rencontrer dans le cadre de son taxshift car les revenus issus de l’impôt des personnes physqiue pèse très lourd dans les reccetes budgétaore. Exemple : accorder une quotité exemptée additionnelle à un contribuable à concurrence de 100 euros bruts rapporte net 2 à 2,5 euros par mois au contribuable mais coûte 100 millions aux caisses de l’Etat. Le passage en société est donc en quelque sorte un taxshift naturel pour les « entrepreneurs ». Pour revenir sur le schéma le plus classique qui est de de passer d’une rémunération avec profit ou bénéfices en tant qu’indépendant à une rémunération de dirigeant d’entreprise auxquels s’ajoutent des bénéfices (ue partie de la rémunération antérieure) transformés en dividendes, l’avantage de ce simple mécanisme permet de créer de 0 à 37 % de revenus supplémentaires. On voit ici très clairement tout l’intérêt de passer en société. Mieux : dans le cadre de la réforme fiscale envisagée par le gouvernement actuel, l’avantage moyen pourrait passer de 15 à 88 %. Ce mécanisme d’optimisation aurait à mes yeux de véritables effets positifs sur l’entrepreneuriat et les entrepreneurs.
C’est en fait un moindre IPP qui explique ce bénéficie pour le dirigeant d’entreprise…
E. D. : Effectivement ! Si vous gagnez 100.000 euros, une bonne partie de ceux-ci sont dans la 5e et dernière tranche d’imposition et soumis à 50 % de l’IPP. Grâce au mécanisme de passage en société, cette tranche est potentiellement transformée en distribution de dividendes. Les 4 premières tranches sont maintenues pour la rémunération des dirigeants d’entreprise. Relevons que lorsque la 5e tranche est soumise à l’IPP, s’ajoutent encore des centimes additionnels… on tourne au final autour de 53,5 % !
C’est bien plus élevé que l’imposition de dividendes ?
E. D. : Oui, celle-ci va de 24,98 à 33,99 %. Il faut toutefois aussi tenir compte, lorsqu’on est en société, du précompte mobilier, qui va de 15 à 30 %. A tout cela, il faut aussi ajouter le calcul des cotisations sociales, sachant que les dividendes présentent l’avantage supplémentaire de ne pas être soumis au calcul des cotisations sociales. Il faut prendre en compte tous ces pourcentages, tous ces montants et leur comparaison avec l’IPP à 53,5 % pour décider ou non de passer en société. Un dernier élément à prendre en considération est le calcul des cotisations sociales : les dividendes présentent l’avantage supplémentaire de ne pas être soumis au calcul de ces cotisations. En clair, le montant de celles-ci peuvent également baisser lors du passage en société.
Et ce ne sont pas là les seuls avantages…
E. D. : Au niveau social ou patrimonial, il existe en effet encore de nombreuses autres possibilités de mécanismes d’optimalisation complémentaires, notamment en matière mobilière, immobilière ou autre. Ces éléments renforcent encore l’intérêt de passer en société. Revenus de droits d’auteur, acquisition immobilière démembrée, plan d’option, cession de clientèle, engagement individuel de pension, avantages de toute nature, avantages extra)légaux, … la liste est longue, les opérer un art.
Propos recueillis par Philippe Van Lil