Le Maroc, auteur inspirant…, mais pas qu’au foot !

Coupe du monde oblige, notre regard se porte aujourd’hui sur nos voisins. Ceux qui gagnent. Même s’ils créent la surprise. Derrière une victoire il y a de l’enthousiasme, mais aussi parfois de l’inspiration. L’équipe du Maroc a du panache, mais son parlement aussi. Parallèle entre un parlement qui élève le débat et une un onze de rêve. Décodage « Qatari ».


Gagner, un symbole et un peu plus

D’abord et avant tout bravo. Ces lions de l’Atlas nous ont séduits. On aime et un peu plus. Leur vigueur et leur « gnaque » sont des illustrations d’un principe essentiel : l’envie. L’envie de jouer, l’envie de gagner, l’envie de faire rêver…


Mais il n’y a pas que le sport…

Pourtant, ce n’est pas sur cela que je veux m’étendre aujourd’hui, mais bien de la loi-finances du Maroc, voté il y a quelques jours par leur parlement. Mais pourquoi et de quoi s’agit-il ?

D’abord, il faut savoir que le Maroc s'inscrit dans une monarchie constitutionnelle dotée d'un parlement élu. Le pouvoir exécutif est partagé entre le gouvernement et le palais.

En matière de budget, la nouvelle constitution de 2011 (suite du printemps arabe) institue les principes de bonne gouvernance, notamment en matière des finances publiques par la tenue de l’obligation de la réédition des comptes, de contrôle et d’évaluation des deniers publics. C’est ici qu’intervient la loi-finances, un exercice annuel « cadré ».

En Belgique, nous sommes aussi une monarchie constitutionnelle dotée d’un parlement élu. Le pouvoir exécutif est partagé avec le Roi de façon symbolique, mais pour le reste les principes sont semblables…


Le rôle du parlement

Dans les deux pays, la Chambre est chargée du contrôle du gouvernement par le biais du contrôle politique, du contrôle de la politique des ministres et du contrôle financier et budgétaire. Ceci se concrétise par l’approbation ou non du budget fédéral, et de ses composantes dont les fameuses lois-programmes ou lois-finances qui naissent généralement d’un exercice budgétaire (appelé chez nous « conclave budgétaire »). En outre, la Chambre est aussi compétente pour la législation.

Et donc ? Au Maroc, la loi-finances est initiée par le gouvernement, mais son parcours est vivace et, in fine, la loi fera l’objet de nombreux amendements, si nombreux que l’on est surpris qu’un nouveau consensus puisse naitre en dehors du cénacle gouvernemental. Et c’est bien cela que nous souhaitions partager. Le texte nouvellement ajusté sort plus fort. Les mauvais arbitrages gouvernementaux s’effacent au profit du débat et du consensus démocratique : celui du parlement.


Le mauvais exemple des droits d’auteur…

Et la Belgique dans tout cela ? La loi-programme 2023 belge (Doc 3015, chapitre 6) qui est en cours d’adoption comporte un volet sur les droits d’auteur, réformés notablement dans le cadre d’un compromis gouvernemental, et dont « personne ne veut comme tel », à l’exception de son premier ministre qui obtint le « deal ».

Lors des débats entre élus, on a donc pu entendre dans l’enceinte du parlement les propos divers qui manifestent le désaccord. Exemple avec deux chefs de groupe de la majorité. Ecolo (Gilles Vanden Burre, chef de groupe) s’étonne de changer ces règles alors que la presse est en difficulté (et le texte limite pourtant les rulings obtenus pour ce secteur) ou le MR (Benoit Piedboeuf, chef de groupe) dénonce une fiscalité du travail injuste et estime qu’il faut défendre toutes les professions créatrices (ce que ne veut pas le nouveau texte).

En outre le texte est techniquement piètre. Il confond des notions juridiques différentes (la communication au public ou la reproduction) qu’il assemble de façon incohérente pour sauver un deal politique. Les fautes techniques et interprétatives illustrent l’absence totale de consensus (plus un texte est « mal torché » plus il est le reflet de désaccords au sine d’une majorité), mais in fine, le texte quitte le carcan politique pour devenir un enfer judiciaire et administratif pour tous les contribuables visés.

Il eut été si facile de laisser les députés partager leurs préoccupations, arbitrer entre eux les choix dans le cadre d’un débat national, parler au nom des contribuables visés ou pas, pour finir par potentiellement amender un texte au profit d’une qualité rédactionnelle et d’impératifs économiques légitimés. Ce serait le retour d’un vote « intelligent ». Au diable les presse-boutons !


La démocratie passe par le parlement

La constitution impose que la fiscalité passe par la loi. Ce principe dit de légalité doit nous préserver du risque d’expropriation de nos droits par un pouvoir irréfléchi, un héritage de la révolution française, temps où il n’était pas si simple d’accéder au droit à la propriété.

Le retour en grâce d’un parlement autonome et indépendant est une priorité nationale. Le débat et la vigueur démocratique n’ont pas de prix. Puissions-nous cette fois être entendu… ne fut-ce que cette fois… sous l’ombre inspirante d’une équipe de football marocaine bien séduisante aujourd’hui ou et des réflexes d’un pays en plein éveil démocratique.


C'est article a également été publié dans l'Echo.

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