Déduction des frais propres à l’employeur : que retenir de l’arrêt de la Cour de cassation de novembre 2024 ?

Une entreprise qui verse des indemnités forfaitaires à ses travailleurs ou dirigeants pour couvrir des frais propres à l’employeur doit pouvoir justifier que ces indemnités correspondent bien à des dépenses réelles et professionnelles.

Dans un arrêt du 25 novembre 2024, la Cour de cassation a confirmé que l’administration fiscale pouvait refuser la déduction de ces indemnités si leur caractère professionnel n’était pas prouvé. Toutefois, ce refus ne signifie pas automatiquement que ces indemnités doivent être requalifiées en rémunérations déguisées.

Nous revenons un peu sur ces différents principes intéressants si l'on souhaite obtenir une indemnité raisonnable et non taxée.


1. Qu’est-ce qu’une indemnité de frais propres à l’employeur ?

Une indemnité de frais propres à l’employeur est un montant versé par une société à ses travailleurs ou dirigeants afin de couvrir des dépenses engagées dans l’intérêt de l’entreprise.

Exemples

  • Remboursement de frais de télétravail
  • Indemnisation des déplacements professionnels
  • Frais de représentation ou de petites dépenses professionnelles

Selon les articles 31, alinéa 2, 1° CIR 92 (pour les salariés) et 32, alinéa 2, 1° CIR 92 (pour les dirigeants), ces indemnités sont présumées exonérées d’impôt, sauf si le fisc apporte la preuve qu’elles constituent une rémunération déguisée.


2. Pourquoi l’administration fiscale peut-elle refuser la déduction de ces indemnités ?

Selon l'administration, pour être déductibles en tant que frais professionnels, ces indemnités doivent remplir trois conditions :

  1. Avoir un lien direct avec l’activité de l’entreprise
  2. Être justifiées par des éléments probants ou des méthodes de calcul objectives
  3. Être raisonnables en montant

Si l’entreprise ne peut pas prouver que ces indemnités couvrent des dépenses professionnelles réelles, le fisc peut refuser leur déduction.

Exemple :

Une société verse une indemnité forfaitaire mensuelle à ses travailleurs, mais ne dispose d’aucun justificatif prouvant que cette indemnité couvre des frais professionnels concrets. L’administration refuse alors la déduction de ces montants.


3. Quelle a été la décision de la Cour de cassation ?

L’arrêt du 25 novembre 2024 de la Cour de cassation a confirmé deux principes essentiels :

  1. L’exonération fiscale des indemnités ne signifie pas automatiquement leur déductibilité
    • Les travailleurs n’ont pas à justifier l’utilisation de ces indemnités.
    • L’employeur, en revanche, doit prouver que ces montants couvrent bien des frais professionnels pour pouvoir les déduire.
  2. Le refus de déduction ne signifie pas que ces indemnités sont des rémunérations déguisées
    • L’administration fiscale ne peut pas requalifier ces indemnités en rémunérations imposables sans en apporter la preuve.
    • L’absence de justification de la part de l’employeur ne suffit pas pour considérer que ces montants sont des rémunérations déguisées.

Cette décision clarifie que le refus de déduction et la requalification en rémunération sont deux questions distinctes.


4. Comment justifier la déduction de ces indemnités ?

Pour éviter toute remise en cause fiscale, l’entreprise doit démontrer que les indemnités couvrent de véritables frais professionnels.

Bonnes pratiques

  • Documenter les dépenses couvertes (ex. télétravail, déplacements professionnels, représentation).
  • Se baser sur des normes objectives, telles que les barèmes fiscaux du SPF Finances.
  • Établir une politique claire et justifiée de remboursement des frais.
  • Mettre en place des contrôles internes pour vérifier que les montants correspondent bien aux frais engagés.

Si les indemnités sont fixées forfaitairement, elles doivent être basées sur des observations et recoupements sérieux (Com. IR 92, n° 31/36).


5. Quelles conséquences pour l’entreprise ?

Si l’employeur ne peut pas justifier les indemnités versées, il s’expose à :

  • Un refus de déduction fiscale, augmentant le bénéfice imposable.
  • Une correction fiscale et des pénalités potentielles.
  • Un risque de requalification en rémunération, uniquement si le fisc peut prouver que ces indemnités ne couvrent pas des frais professionnels.

À l’inverse, si l’employeur apporte une justification solide, la déduction sera maintenue et aucun redressement ne pourra être appliqué.


Que retenir?

L’arrêt du 25 novembre 2024 confirme que l’administration fiscale peut refuser la déduction des indemnités forfaitaires si leur justification est insuffisante. Toutefois, cela ne signifie pas automatiquement que ces montants doivent être considérés comme des rémunérations déguisées.

L’employeur doit prouver que ces indemnités couvrent des frais professionnels pour bénéficier de la déduction. En revanche, si le fisc souhaite les requalifier en rémunération, il doit en apporter la preuve.

Pour éviter tout litige, il est recommandé de documenter précisément les indemnités accordées et de se baser sur des normes reconnues.


Source légale :

  • Cass., 25.11.2024, rôle n° F.21.0132.F.
  • Article 31 et 32 du CIR 92
  • Commentaire IR 92, n° 31/36 et 31/38

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