Comment la politique comprendra que le travail n’est plus une vache à lait ?

La réforme fiscale est un nouveau mélange, version 3, de « shift », de « cut », et de « pfff »…. Je n’y vois aujourd’hui aucune trace d’ambition et de vision et en particulier face à un des principaux enjeux de notre emploi : la revalorisation du travail, comme un pilier séduisant d’une société contemporaine. Réflexions d’un fiscaliste qui entreprend.


Le constat : tous les métiers sont en pénurie

Il faut remonter très loin, si loin que je n’en ai trouvé trace pour connaitre une telle crise de l’emploi. La pénurie de travailleur en Belgique, mais aussi à l’étranger, et en particulier dans les sociétés occidentales est un constat implacable. La liste 2022, qui se base sur des données collectées en 2021 par le Forem, n’a jamais dénombré́ autant de fonctions/métiers pour lesquels des tensions sont relevées : 141 fonctions/métiers. Autre enseignement de cette étude, parmi les 141 métiers repris dans la liste 2022, pour 37 d’entre eux, plus d’un tiers des travailleurs sont âgés de plus de 50 ans. Le vieillissement de la population pour ces métiers pourrait d’autant plus accentuer les tensions observées dans les années à venir lors des départs progressifs à la pension. Enfin, l’étude constate qu’au-delà̀ d’un contexte économique fluctuant, les tensions pour certains métiers tendent à perdurer au cours des dernières années et acquièrent ainsi un caractère plus structurel. C’est le cas par exemple des infirmiers, experts comptables, maçons, charpentiers, bouchers, chauffeurs de poids lourd, etc.

Côté néerlandophone, c’est pire encore selon le VDAB, en 2023 la liste des métiers en pénurie comporte 34 professions, soit 27 de plus que l’année dernière.


Les raisons des pénuries sont nombreuses

On dénombre principalement 4 accélérateurs de la pénurie depuis 2019.

Il y a d’abord le COVID qui a impacté la santé physique et mentale des travailleurs. Le nombre de travailleurs en maladie de longue durée n’a jamais été aussi important (500.000 fin 2022, soit 1,5 fois plus que le nombre de chômeurs). Un chiffre éclairé par l’évolution du nombre de burnouts et de dépressions qui s’élève à 46%, mais aussi par la statistique sur les jeunes entre 25 et 44 ans qui sont de plus en plus malades pour une longue durée. Cette observation se complète aussi des circuits d’immigration qui ont été « gelés » durant la pandémie alors qu’ils assurent 5% de la main d’œuvre mondiale.

Les évolutions des attentes des travailleurs et en particulier leurs attentes salariales sont également un nouveau facteur très impactant. Selon une étude de Ranstad, 62 % des employés du monde entier considèrent le salaire comme la principale motivation pour changer d'emploi. Tandis que Monster estime que 95 % des employés sont ouverts à un changement d'emploi et 92 % prêts à changer de secteur d'activité si nécessaire.

Troisième critère : le vieillissement de la population. L’OMS estime que en 2030, une personne sur six dans le monde sera âgée de 60 ans ou plus. À cette date, la part de la population âgée de 60 ans et plus passera de 1 milliard en 2020 à 1,4 milliard. D'ici 2050, la population mondiale des personnes âgées de 60 ans et plus doublera (2,1 milliards).

Enfin, dernier critère le déficit de compétence technologique. Selon le cabinet international Mackinsey, 87% des entreprises rencontreront prochainement des déficits sur ce point.


Cette situation est impactante

La pénurie de travailleur est impactante. Elle influe sur la croissance des entreprises, mais également sur leur fonctionnement. La perturbation des circuits logistiques est une donnée qui redistribue progressivement une forme de « soft power » économique. Elle contribue aussi à une inflation qui amplifie les désirs des jeunes travailleurs et la tension dans certaines industries. Enfin, elle pénalise les entreprises les moins préparées face à une obligation de transformation digitale, cette dernière n’étant ou ni payable, ou ni opérable rapidement faute de talents. La sanction peut être sévère, car dans un monde global, les entreprises les plus compétitives s’imposeront à nous. Le risque pour l’environnement belge est sérieux.


Il existe des pistes de solutionnement : soyons créatifs !

Pendant ce temps, notre gouvernement réfléchit. Mais réfléchit-il à l’avenir ou au présent ? Illustrations.

La réforme fiscale augmente le pouvoir d’achat de façon non linéaire. Certains travailleurs sont récompensés, d’autres pénalisés car ils disposent aujourd’hui d’avantages fiscaux alternatifs. Mais dans un monde de compétition, le législateur doit prendre conscience du monde extérieur. Aujourd’hui tous nos voisins sont plus compétitifs sur la fiscalité du travail. On ne peut donc compenser une baisse fiscale sur le travail qu’en dehors de ce périmètre, et cette réforme doit tout au moins nous mettre au niveau de nos voisins. Ce résultat ne sera atteint que si nous augmentons davantage la baisse de cette pression. Mais notre état est exsangue…. Comment faire alors ? Nous pourrions par exemple autoriser les entreprises à distribuer un dividende social, préalablement à un dividende classique. Cette disposition produirait un résultat net immédiat sur le pouvoir d’achat et la satisfaction du travailleur et ne couterait pas un euro au budget de l’État…

Autre exemple d’une inadéquation notable : le positionnement du Ministre sur le deuxième et troisième pilier de pension. Selon l’IMF, avec l’allongement de la vie, la jeune génération devra épargner davantage et différer de quelques années son départ à la retraite. Comment peut-on rendre compatible un durcissement des régimes où les entreprises et les travailleurs se responsabilisent face à leur destin tandis que parallèlement tous les indicateurs suggèrent une faillite potentielle du régime national des pensions…. Réformer les pensions intelligemment devrait permettre d’amplifier les capacités contributives personnelles au cours de notre plan de carrière moyennant une contrepartie. Cotiser à moindre coût un capital pension moyennant l’abandon éventuel d’une partie de sa pension légale (qui reste faible) est une vision nouvelle et innovante qui responsabiliserait le contribuable et participerait à une réduction du déficit structurel de notre État.


Oui le monde politique est responsable !

Les bouleversements sont nombreux et ils s’amplifient autant en quantité qu’en puissance. La politique de papa est dépassée. Nous devons attendre de nos politiciens audace et solutions contemporaines. Tel est le vœu de nombreux citoyens !


Cette chronique a été également diffusée dans La Libre Eco du weekend du 18 mars.

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