La récupération de la TVA en amont (déduction) et la restitution de TVA en cas de perte (totale ou partielle) d’une créance répondent à des règles de calendrier très précises, dont la méconnaissance entraîne la forclusion du droit. À cela s’ajoutent des régimes dérogatoires (faillite, réorganisation judiciaire) et, depuis 2025, un assouplissement ciblé permettant, dans des hypothèses strictement encadrées, une déduction au-delà du délai de trois ans. L’objectif de cet article est d’exposer, de manière structurée et pédagogique, jusqu’à quand et comment récupérer la TVA « oubliée », quand et comment inscrire une restitution en cas de créance irrécouvrable, et quelles preuves conserver.
En synthèse : la règle est celle d’un délai‐cadre de trois ans (apprécié « par année civile »), avec quelques fenêtres de rattrapage et des procédures spécifiques selon l’événement déclencheur.
Le droit naît à l’exigibilité de la taxe : en principe à la livraison du bien ou à l’achèvement du service ; en présence d’une facture, c’est la date d’émission qui commande l’exigibilité (sauf cas particuliers). Une facture conforme est indispensable (mentions minimales : identification parties, numéros de TVA, dates, base imposable, taux, etc.)[1]. La TVA indûment facturée (ex. autoliquidation oubliée, mauvais taux) n’est pas déductible : il faut une note de crédit du fournisseur, puis une refacturation correcte, le cas échéant.
La pratique administrative retient que l’assujetti peut imputer la taxe jusqu’à la dernière déclaration précédant l’expiration d’un délai de trois ans suivant l’année civile pendant laquelle la TVA est devenue exigible ; en pratique : ≈ 4 ans à compter du 1ᵉʳ janvier de l’année d’exigibilité.
Exemple (déclarant trimestriel) : TVA exigible en 2022 → encore déductible dans la déclaration T3/2025 (et non T4/2025, déposée en janvier 2026, trop tard).
Passé le délai, le droit est forclos. Toutefois, une circulaire du 28.04.2025 (2025/C/23) admet, dans des conditions strictes, la déduction au-delà des 3 ans lorsque l’assujetti a été objectivement empêché d’exercer son droit à temps — typiquement lorsqu’il reçoit tardivement une facture rectificative émise par un fournisseur belge à la suite d’une erreur antérieure et après l’échéance des trois ans ; il peut alors imputer cette TVA dans la déclaration de la période de réception du document rectificatif, sous références explicites à la circulaire et avec les preuves requises (montant, n° de la facture rectificative, etc.)[2].
À retenir : la « seconde chance » ne vaut pas pour n’importe quel oubli ; elle cible des rectifications intervenues tardivement indépendantes de la volonté du preneur.
La TVA grevant une opération peut être restituée à due concurrence en cas de perte totale ou partielle de la créance du prix[3]. L’action en restitution naît à la date où survient la cause (événement juridique qui « fige » la perte)[4] et se prescrit à l’expiration de la troisième année civile qui suit cette cause[5].
Lorsque la perte est définitivement établie (p. ex. inscription au compte Pertes & Profits au moment où l’irrécouvrabilité est démontrée par tout moyen), le fournisseur délivre un document rectificatif (note de crédit) à son cocontractant et reprend le montant de TVA en grille 64 de sa déclaration de la période d’émission de ce document[6].
Délai : jusqu’à la fin de la 3ᵉ année civile suivant l’année de la perte.
Réversibilité : si le débiteur revient à meilleure fortune et verse ultérieurement des sommes, le fournisseur reverse la TVA correspondante (règle « livre par livre »)[6].
Dans ces cas, la note de crédit n’est pas requise ; la restitution se fait par grille 64, le point de départ et le délai étant fixés par la procédure :
Catégorie de créance | Point de départ | Grille | Document rectificatif | Prescription | Réversibilité (art. 79, §1, al. 3 CTVA) |
Principe (perte certaine avec inscription au Pertes & Profits) | Date de la perte certaine | 64 | Obligatoire (note de crédit) | Fin de la 3ᵉ année civile suivant l’année de la perte | OUI (reversement si paiement ultérieur) |
Faillite | Jugement déclaratif de faillite | 64 | Non | Fin de la 3ᵉ année civile suivant le jugement | OUI |
Réorg. jud. – accord collectif | Jugement d’homologation | 64 | Non | Fin de la 3ᵉ année civile suivant l’homologation | NON (abattement acté) |
Réorg. jud. – accord amiable | Jugement constatant l’accord | 64 | Non | Fin de la 3ᵉ année civile suivant ce jugement | NON (abattement acté) |
Réorg. jud. – transfert sous autorité judiciaire | Jugement de clôture | 64 | Non | Fin de la 3ᵉ année civile suivant ce jugement | NON |
[1] A.R. n° 1, art. 5 : mentions obligatoires de la facture (identité, n° de TVA, dates, base imposable, taux, etc.).
[2] Circulaire 2025/C/23 du 28.04.2025 : déduction au-delà du délai de 3 ans dans des cas exceptionnels (rectificative belge reçue après forclusion ; impossibilité objective ; TVA reversée par le fournisseur ; mention de la circulaire dans la déclaration ; informations requises). Inclut l’acceptation d’une notification avant le 31/12 en cas de réception tardive d’une facture correcte au dernier trimestre, permettant l’exercice du droit dans la déclaration du T4.
[3] Code TVA, art. 77, §1er, 7° : restitution en cas de perte totale ou partielle de la créance du prix.
[4] A.R. n° 4, art. 3 : naissance de l’action en restitution à la date de la cause (faillite : jugement déclaratif ; réorganisation judiciaire : homologation, jugement constatant l’accord ou jugement de clôture en cas de transfert).
[5] Code TVA, art. 82 et 82bis : prescription de l’action en restitution : 3 ans à compter de la cause (appréciée par année civile).
[6] Code TVA, art. 79, §1er : document rectificatif en cas d’erreur ou de restitution sur base de l’art. 77, §1er, 2° à 7° ; reprise en grille 64 ; reversement en cas de paiement ultérieur (« revenu à meilleure fortune »).
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