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Procédure fiscale administrative. Les délais de réaction du fisc: comprendre ce qu’on peut (ou pas) attendre

Quand le contribuable interagit avec l’administration fiscale, la balle est parfois longtemps dans le camp du fisc. Cela peut générer incertitude, incompréhension, voire frustration. Dans quels cas le silence fiscal est-il normal ? Quand faut-il s’inquiéter, ou agir ? Cet article fait le point, en croisant les textes légaux, la jurisprudence et les pratiques administratives. Nous nous concentrerons sur trois situations fréquentes : la réponse à une demande de renseignements, à un avis de rectification, et l’introduction d’une réclamation.


Demande de renseignements : quelles sont les suites à ma réponse?

L’article 316 du CIR 92 permet au fisc de demander des renseignements au contribuable. Celui-ci dispose d’un mois (parfois plus sur demande motivée) pour répondre.

Mais aucune obligation pour le fisc de réagir dans un délai précis.

Trois scénarios sont ensuite possibles :

  • Poursuite du contrôle (nouvelle demande, convocation ou visite sur place).
  • Rectification (par avis recommandé).
  • Silence = acceptation implicite ? Non ! Le fisc peut toujours rectifier plus tard, dans les délais d’imposition applicables.

Jurisprudence clé :

  • Cour d’appel de Gand, 19.09.2023 : le silence du fisc, même après une réponse circonstanciée, n’empêche pas une rectification ultérieure portant sur les mêmes éléments.

Point pratique :

  • Conservez précieusement la preuve de l’envoi et du contenu de votre réponse. Elle pourrait devenir cruciale pour contester une taxation ultérieure.


Avis de rectification : quelles sont les suites à ma réponse?

Le fisc vous a notifié une proposition de rectification (art. 346 CIR 92). Vous répondez dans le mois. Là encore, aucune obligation de réponse formelle pour l’administration, sauf exception.

Trois situations :

  • Vous acceptez la rectification : le fisc émet l’imposition, souvent rapidement.
  • Vous refusez, avec une motivation : le fisc doit vous notifier une décision motivée avant d’émettre l’imposition (art. 346, al. 5 CIR 92).
  • Vous refusez, sans motivation : pas d’obligation pour le fisc de motiver sa décision (CA Anvers, 17.06.2014).

Jurisprudence complémentaire :

  • : si vous réagissez à la notification de taxation, le fisc n’a pas à vous répondre. Ce n’est plus un dialogue

Conseil :

Exprimez clairement vos désaccords, avec motifs. Cela oblige le fisc à motiver sa décision et peut ouvrir la porte à une contestation plus solide.


Réclamation : quelles sont les suites à ma réclamation?

En vertu de l’article 376 du CIR 92, une réclamation est une procédure contentieuse. Ici, le fisc est tenu de délivrer un accusé de réception (art. 376quater CIR 92).

Mais attention ! Cet accusé ne préjuge pas de la validité de votre réclamation (délai, forme…). C’est une réception administrative, pas un jugement de recevabilité (Bruxelles, 2 mai 2014 ; TP Gand, 17 décembre 1998).

Et si le fisc tarde ? Vous pouvez agir en justice si le fisc ne s’est pas prononcé dans les 6 mois (ou dans certains cas 9 mois, voire plus avec médiation).

  • Base légale : art. 1385undecies du Code judiciaire.
  • Exception : le tribunal rejettera une action trop rapide comme irrecevable, mais vous pourrez recommencer après l’échéance (Cass., 06.09.2024).

Conseil pratique :

  • Avant d’agir, vérifiez la date exacte de réception par le fisc. Tenez compte d’une éventuelle prolongation (médiation). Et préparez votre dossier juridiquement dès l’introduction de la réclamation.

Tableau de synthèse

Situation

Obligation d’accusé de réception

Obligation de réponse

Recours si silence

Réponse à une demande de renseignements

Non

Non

Aucun, tant que le délai d’imposition court

Réponse à un avis de rectification

Non

Oui, si refus motivé → décision motivée obligatoire

Aucun, sauf vice de procédure dans la suite

Réclamation

Oui (art. 376quater CIR 92)

Non (mais décision attendue dans 6/9/13 mois selon les cas)

Action judiciaire possible après 6/9 mois


Exemple concret

Un indépendant reçoit une demande de renseignements le 15 janvier concernant son chiffre d’affaires 2023. Il y répond le 5 février. Aucun accusé de réception ne lui parvient, et il n’a plus de nouvelles. En août, il reçoit un avis de rectification. Peut-il invoquer le silence de l’administration pour contester cette rectification ?

Réponse : non. Le silence du fisc ne vaut pas acceptation. La rectification est régulière si elle est faite dans les délais (ex. jusqu’au 30 juin 2026 en cas de suspicion de fraude). Seule une rectification hors délai ou non motivée peut être contestée.


Sources légales et jurisprudentielles

  • Code des impôts sur les revenus (CIR 92) :
    • Art. 316 : demande de renseignements
    • Art. 346 : avis de rectification
    • Art. 376, 376quater : réclamation
  • Code judiciaire :
    • Art. 1385undecies : recours en cas d’inaction
  • Jurisprudence :
    • Gand, 19.09.2023 ; Gand, 17.12.1998​
    • Bruxelles, 02.05.2014 ; Anvers, 17.06.2014
    • Cass., 06.09.2024
  • Questions parlementaires :
    • QP n° 336, Pieters, 30.03.2004


Conclusion

Face à un silence du fisc, tout dépend du contexte : dans certains cas, il est parfaitement légal et n’ouvre pas de recours. Dans d’autres, il peut déclencher une procédure contentieuse. Connaître ces règles est essentiel pour évaluer la suite à donner et ne pas se méprendre sur les droits du contribuable… ni sur ceux de l’administration. Patience, oui, mais vigilance aussi.

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