Les amendes routières explosent : un simple prélèvement fiscal de plus ?

Dans un communiqué du 12 septembre, la ministre de l’Intérieur se réjouit de l’augmentation sensible du nombre d’amendes routières enregistrées. Raison : le prélèvement fiscal serait corrélé au nombre de vies sauvées. Nous avons un doute. Décodage.


Le lien entre la vitesse limitée et la baisse des décès

Depuis de nombreuses années, les tentatives de réguler la circulation et de réduire le nombre de décès de la route sont nombreuses. Elles vont toutes dans le même sens. Et pourtant…

La France a évalué entre le 1er juillet 2018 et le 30 juin 2019 l’intérêt de réduire la vitesse de 90km/h à 80km/h. Selon les promoteurs de l’idée, ceci aurait pu sauver 349 vies. La ligue de défense des conducteurs a établi une contre analyse détaillée. Celle-ci met en évidence que le nombre de morts tend à se maintenir, voire à progresser indépendamment de cette position. Il y aurait une forme d’accoutumance aux nouvelles règles, mais surtout de nombreuses autres raisons liées aux accidents : l’alcool, la drogue, la fatigue, la distraction, le téléphone au volant…

Combattre les justes causes

La politique routière doit donc miser avant tout sur la multitude des infractions qui relèvent principalement de causes diverses dont une partie est contrôlée, infraction après infraction.

Or, les amendes routières explosent. Tout simplement parce que la mécanique de contrôle se déploie massivement. Radar, radar de tronçon, radar mobile, … Circuler sur certaines zones sans respect strict des vitesses est un risque souvent fatal. Pire, l’application de la tolérance zéro multiplie le facteur d’enrôlement. Et chacun de nous sait spontanément que rouler à 31km/h n’est pas une source profonde de danger lorsque le code attend de vous le respect des 30km/h.

Mais contrôler un conducteur alcoolique ou un téléphoniste au volant ne produit pas de rendement… Un contrôle efficient pèserait pourtant bien plus sur les statistiques de décès.

Le saviez-vous ? Saisir les faits.

En 50 ans, le nombre de morts de la route a été divisé par 5. Parallèlement, le nombre d’amendes routières a été multiplié par dizaines…. Mieux encore : la vitesse moyenne mesurée selon VIAS (2015) est de 123km/h sur autoroute. Toujours selon VIAS, 4/5 des infractions sont des infractions de vitesse (2018), 2/3 de ces infractions sont comprises dans un excédent de 1 à 10km/h et 95% des belges portent la ceinture de sécurité.

Pendant ce temps, la sécurité des voitures évolue sous l’effet des innovations et de la compétition entre les constructeurs. Ceinture de sécurité, airbag, ABS, freinage assisté, Isofix (siège enfant), conduite autonome ou évolution manifeste des crash tests sont des faits. Ces faits ne sont jamais invoqués dans la baisse des morts sur nos routes…

Appeler un chat un chat

Avec un nombre d’amendes en progression de 25%, il est difficile de ne pas omettre l’objectif essentiel : remplir les caisses de l’État.

En 2021, c’est approximativement 500 millions qui étaient collectés. Nous devrions donc largement dépasser les 600 millions cette année. Avec un poste de recettes de 52 milliards, on peut raisonnablement affirmer que plus d’un pourcent des recettes à l’impôt des personnes physiques peut s’y ajouter incognito.

Sachez aussi qu’en principe, et approximativement (il n’existe pas de chiffres précis sur cette question) 1/3 des revenus restent à l’État fédéral, 1/3 au fonds de sécurité routière et 1/3 pour les polices locales et fédérales. Seule, donc, une minorité de la recette couvre la cause qui la justifie.

Payer facilement ou payer beaucoup plus

Il y a quelques années, j’avais dénoncé le nouveau régime d’encaissement qui transforme en peu de temps une amende en dette d’impôt sensiblement plus élevée et sensiblement plus lourde, puisque cette dette devient un privilège plus facilement accessible par le statut que la loi donne à cette créance publique.

Payer en ligne, payer via l’ebox, payer en plusieurs tranches : l’imagination et les technologies sont employées sans frein pour collecter l’impôt.

A l’examen de tout ceci, pensez-vous encore que l’exécutif et son administration chassent la mort ou ratisse les fonds de tiroirs sur le dos d’une belle cause ? Nous pensons y avoir répondu.


Publié également dans l'Echo.

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