Comprendre les différentes classes d’actions dans les SRL et les SA?

Les actions sont un élément central dans le capital d’une société et confèrent divers droits et obligations aux actionnaires. En Belgique, le Code des sociétés et des associations (CSA) a introduit des dispositions détaillées et structurées pour encadrer les classes d’actions au sein des sociétés SRL (société à responsabilité limitée) et SA (société anonyme). Cet article sous forme de FAQ explore les principales distinctions, règles et subtilités juridiques entourant les actions dans ces deux types de sociétés.


1. Qu’est-ce qu’une action dans une société, et comment se constitue-t-elle ?

Une action représente une part de propriété dans une société, donnant généralement à son détenteur trois type de droits :

  • des droits de vote,
  • une participation aux bénéfices
  • et une part de l’avoir social en cas de dissolution.

Les actions ne peuvent être émises qu’en contrepartie d’un apport, c’est-à-dire la mise à disposition d’un bien ou d’une somme d’argent par un actionnaire (art. 1:8, §1er, CSA).

L’apport peut être en numéraire ou en nature, et pour une SRL, il peut aussi s’agir aussi d’un apport en industrie (prestation de services ou travaux)

  • Apport en numéraire : Il s’agit d’un apport en argent. Cet argent est déposé sur un compte bancaire bloqué avant la constitution de la société et est ensuite débloqué au profit de la société après sa constitution.
  • Apport en nature : Il consiste en la mise à disposition de biens corporels (par exemple, un immeuble ou un véhicule) ou incorporels (comme un brevet ou une marque).
  • Apport en industrie : Ce type d’apport est propre à la SRL et consiste en un engagement de fournir du travail ou des services. Contrairement aux apports en numéraire ou en nature, il ne permet pas de constituer du capital au sens fiscal et n’est pas autorisé dans une SA (art. 7:6 CSA).

Exemple : Une société décide de se constituer avec deux actionnaires. L’un effectue un apport en numéraire de 100 000 €, et l’autre apporte un local d’une valeur équivalente. Ils reçoivent chacun des actions en proportion de leur apport respectif.


2. Quelles sont les formes d’actions possibles dans une SRL et une SA et qu'en est-il de la dématérialisation ?

Les actions sont généralement nominatives, mais elles peuvent également être dématérialisées dans certains cas.

  • SRL : Les actions doivent obligatoirement, être nominatives sauf si la SRL est cotée en bourse. Dans ce cas, elle peut émettre des actions dématérialisées (art. 5:18 CSA).
    • Pourquoi ? Les actions nominatives permettent un suivi direct des détenteurs d’actions dans les SRL, qui sont souvent des structures fermées avec peu d’actionnaires et sans besoin de liquidité publique.
  • SA : Une SA, qu’elle soit cotée ou non, peut émettre librement des actions nominatives ou dématérialisées. Les actions dématérialisées sont plus fréquentes dans les SA cotées, car elles facilitent les transactions boursières et simplifient les transferts (art. 7:22, al. 2, CSA).

Les actions dématérialisées sont représentées par une inscription en compte, enregistrée au nom du détenteur auprès d’un dépositaire central (ex. Euroclear Belgium) ou d’un teneur de comptes agréé. Ce format permet une meilleure liquidité et facilité de transfert, en particulier pour les actions négociées en bourse.

Exemple : Une SA cotée décide d’émettre des actions dématérialisées, permettant aux actionnaires d’acheter et de vendre facilement leurs actions en bourse via un compte titre auprès d’une institution financière agréée.


3. Qu’est-ce que la libération des actions dans une SRL ou une SA, et pourquoi est-elle importante ?

La libération des actions signifie que l’apport (numéraire ou en nature) a été effectivement mis à disposition de la société, garantissant ainsi la solvabilité de l’entreprise et assurant une base de confiance pour les créanciers.

SRL (Société à responsabilité limitée)

  • Dans une SRL, il n’y a pas de capital minimum légal exigé, mais les fondateurs doivent garantir que les fonds propres sont suffisants pour les besoins de l’entreprise. Tous les apports peuvent être partiellement libérés lors de la création, avec la possibilité d’étaler la libération restante selon les statuts.
  • Libération des apports : Les statuts de la SRL peuvent permettre une libération partielle des apports en numéraire. Par contre, les apports en industrie (ex. : services ou expertise) ne sont pas comptabilisés comme capital, ce qui en limite l’usage fiscal.

SA (Société anonyme)

  • Contrairement à la SRL, une SA exige un capital minimum de 61 500 €. Ce capital minimum doit être intégralement souscrit, et chaque action doit être libérée d’au moins un quart au moment de la création.
  • Libération des apports : Pour les actions liées à des apports en nature, la libération intégrale doit être effectuée dans un délai de cinq ans après la création de la société (art. 7:11 CSA). Les apports en numéraire doivent quant à eux être partiellement libérés immédiatement (au moins 25 %), le reste étant libéré progressivement.

Exemple. Si une SA est constituée avec le capital minimum de 61 500 €, ce montant doit être entièrement souscrit et libéré dès la création de la société. Il n’est donc pas permis de libérer ce capital minimum en plusieurs étapes.

Cas particulier :

Si une SA est constituée avec un capital total de 100 000 € :

  • 61 500 € doivent être libérés dès la constitution pour respecter le capital minimum légal.
  • Pour le surplus de 38 500 € (100 000 € - 61 500 €), la société doit libérer au moins 25 % de ce montant lors de la constitution, soit 9 625 €.
  • Le reste de ce surplus (soit 28 875 €) pourra être libéré dans un délai de cinq ans.

4. Quelles sont les règles concernant les droits de vote dans les SRL et les SA ?

Les droits de vote sont l’un des attributs essentiels des actions et permettent aux actionnaires de participer à la prise de décisions en assemblée générale. Les règles de vote varient entre les SRL et les SA, et certaines options de flexibilité permettent d’ajuster la gouvernance de l’entreprise selon les besoins des fondateurs et des actionnaires.

Droits de vote dans une SRL

Dans une SRL, les règles de droits de vote sont assez flexibles et peuvent être adaptées dans les statuts :

  • Principe de base : Par défaut, chaque action donne droit à une voix en assemblée générale. Cela permet une participation proportionnelle aux décisions en fonction du nombre d’actions détenues.
  • Actions sans droit de vote : La SRL permet d’émettre des actions sans droit de vote, ce qui peut être utile pour attirer des investisseurs qui ne souhaitent pas participer aux décisions stratégiques.
  • Actions avec droit de vote multiple : La SRL peut également émettre des actions avec des droits de vote multiples, ce qui permet à certains actionnaires de garder un contrôle renforcé même avec une part de capital relativement faible.
  • Exceptions aux règles de vote : Certaines décisions stratégiques, comme la modification des droits attachés aux actions, nécessitent l’accord des actionnaires sans droit de vote (art. 5:47 CSA).

Exemple : Une SRL émet des actions de deux catégories. Les actions de type A offrent un droit de vote renforcé (par exemple, deux voix par action), tandis que les actions de type B n’ont pas de droit de vote. Cette structure peut permettre aux fondateurs de conserver un pouvoir décisionnel tout en accueillant des investisseurs sans leur céder le contrôle.

Droits de vote dans une SA

Dans une SA, le principe de base est que chaque action donne droit à une voix, mais des aménagements sont possibles :

  • Principe de base : Les actions ordinaires confèrent chacune une voix. Cependant, les SA non cotées peuvent émettre des actions sans droit de vote ou avec droit de vote multiple.
  • Actions sans droit de vote : Les SA peuvent émettre des actions sans droit de vote, généralement assorties de droits économiques plus avantageux pour compenser l’absence de pouvoir décisionnel.
  • Droits de vote multiples : Dans les SA non cotées, il est possible d’émettre des actions avec des droits de vote multiples, permettant ainsi à certains actionnaires d’exercer une influence renforcée sur la prise de décision (art. 7:51-7:52 CSA).
  • Limites pour les SA cotées : Dans les SA cotées, les droits de vote multiples sont interdits, chaque action donnant droit à une voix. Cela garantit une équité de pouvoir entre les actionnaires sur le marché public.

Exemple : Dans une SA non cotée, les fondateurs peuvent créer des actions de type A avec droit de vote double, ce qui leur permet de conserver un contrôle sur les décisions stratégiques de la société, même si leur part de capital est réduite par l’entrée de nouveaux investisseurs.


5. Comment fonctionne la participation aux bénéfices selon le type d’actions ?

La participation aux bénéfices est l’un des droits économiques clés attachés aux actions. Dans une société, les actionnaires ont droit à une part des bénéfices générés par l’entreprise, mais ce droit peut varier en fonction de la classe d’actions détenue. Le CSA offre une certaine flexibilité dans l’attribution des bénéfices, permettant aux sociétés de moduler ces droits dans leurs statuts.

Participation aux bénéfices dans une SRL

  • Principe général : En principe, chaque action donne droit à une part des bénéfices proportionnelle à sa valeur. Ainsi, les actionnaires participent aux bénéfices de manière proportionnelle à leur investissement.
  • Actions privilégiées : Une SRL peut émettre des actions privilégiées offrant des droits spécifiques en matière de bénéfices. Par exemple, les actions privilégiées peuvent donner droit à un dividende fixe ou prioritaire. Cela signifie que les actionnaires privilégiés reçoivent un pourcentage fixe des bénéfices avant tout autre dividende.
  • Répartition des bénéfices : Les statuts de la SRL peuvent prévoir une répartition non proportionnelle des bénéfices, permettant une flexibilité en fonction des objectifs de la société. Par exemple, certains actionnaires peuvent être exclus de certains bénéfices sous réserve que cela respecte le principe d’égalité entre actionnaires.

Exemple : Une SRL pourrait émettre des actions de type A, avec un droit à un dividende prioritaire de 5 %, avant que le reste des bénéfices ne soit réparti entre les autres actionnaires. Cela permet d’attirer des investisseurs en leur offrant un retour sur investissement plus stable, tout en réservant la répartition restante pour les actions ordinaires.

Participation aux bénéfices dans une SA

Dans une SA, la participation aux bénéfices suit également des règles définies, avec une plus grande souplesse pour la structuration des droits de dividendes.

  • Principe général : Dans une SA, chaque action donne en principe droit à un dividende égal, mais les statuts peuvent déroger à ce principe en permettant différentes classes d’actions avec des droits préférentiels.
  • Actions ordinaires : Les actions ordinaires donnent droit à une part égale des bénéfices sans privilège particulier. En cas de bénéfices distribués, les actionnaires d’actions ordinaires recevront leur part en fonction de la répartition égale des bénéfices.
  • Actions privilégiées : Comme dans une SRL, une SA peut émettre des actions privilégiées avec un droit de dividende prioritaire ou fixe. Cela signifie que ces actionnaires recevront un dividende préférentiel, souvent fixé statutairement à un taux plus élevé que celui des dividendes ordinaires.
  • Clauses statutaires : Les statuts peuvent également prévoir une répartition non proportionnelle des bénéfices en accordant des dividendes fixes ou en priorisant certains actionnaires. Toutefois, le CSA interdit les clauses léonines, qui attribuent l’intégralité des bénéfices à un seul actionnaire ou excluent un actionnaire de toute participation aux bénéfices (art. 4:2, al. 2, CSA).

Exemple : Une SA familiale pourrait créer des actions de type B, offrant un dividende fixe de 7 % aux actionnaires préférentiels. Ces actionnaires recevront leur dividende avant toute autre distribution de bénéfices aux actionnaires ordinaires, garantissant un retour régulier sur leur investissement. Ce type de structure permet aux fondateurs de récompenser certains investisseurs en leur offrant des avantages financiers sans affecter leurs propres droits de vote ou de contrôle.


6. Quelles sont les implications fiscales des différentes classes d’actions ?

Les distinctions entre actions ordinaires, sans droit de vote, ou privilégiées ont des conséquences fiscales non négligeables, notamment en matière de régimes de précompte mobilier et de réductions d’impôts pour investisseurs. Les actionnaires et les fondateurs doivent prendre en compte ces implications pour structurer leurs actions de manière fiscalement avantageuse.

Régime VVPR-bis pour les petites sociétés

Le régime VVPR-bis est un régime fiscal avantageux qui permet aux petites sociétés de bénéficier d’un précompte mobilier réduit (15%) sur les dividendes. Cependant, l’accès à ce régime est soumis à plusieurs conditions restrictives liées aux caractéristiques des actions (article 269, §2 du CIR 92) :

  1. Nominativité des actions : Les actions doivent être nominatives pour être éligibles au régime VVPR-bis. Les actions dématérialisées ou au porteur sont exclues.
  2. Libération complète des actions : Les actions doivent être entièrement libérées dès l’émission, ce qui signifie que tout apport en numéraire doit être intégralement versé à la société sans étalement dans le temps.
  3. Absence de droits préférentiels : Les actions ne doivent pas être assorties de droits préférentiels en matière de participation aux bénéfices. Cela exclut donc les actions privilégiées qui offrent un dividende fixe ou prioritaire. Seules les actions ordinaires, sans droits supplémentaires en matière de bénéfices ou de liquidation, peuvent profiter de ce régime.

Exemple d’application : Une start-up ayant émis des actions ordinaires nominatives et entièrement libérées peut bénéficier du régime VVPR-bis. Si elle respecte ces conditions, les dividendes distribués aux actionnaires bénéficieront d’un précompte mobilier réduit, diminuant ainsi la charge fiscale pour les investisseurs.

Tax Shelter pour les start-ups et les PME

Le Tax Shelter pour les sociétés débutantes et les PME permet aux investisseurs de bénéficier d’une réduction d’impôt sur leur investissement (articles 145/26 et 145/27 du CIR 92). Cette mesure est destinée à encourager les investissements en capital dans les nouvelles entreprises, mais là encore, des conditions spécifiques s’appliquent :

  1. Actions nominatives : Pour bénéficier de la réduction d’impôt, les actions doivent être nominatives, excluant donc les actions dématérialisées.
  2. Apport en numéraire et libération complète : Les actions doivent avoir été souscrites en contrepartie d’un apport en numéraire intégralement libéré. Cela signifie que tout report de libération pour les actions excédant le capital minimum légal pourrait compromettre l’accès au Tax Shelter.
  3. Absence de droits préférentiels : Les actions éligibles ne doivent pas offrir de droits préférentiels en matière de vote ou de bénéfices. Les actions privilégiées qui garantissent un dividende fixe ou prioritaire ne sont donc pas éligibles à ce dispositif.

Exemple d’application : Un investisseur qui acquiert des actions nominatives et entièrement libérées dans une PME en phase de croissance peut bénéficier d’une réduction d’impôt sur le montant investi, à condition que ces actions ne comportent pas de droits de vote ou de bénéfice préférentiels.

Apport en industrie

Dans une SRL, il est possible de constituer un apport en industrie, c’est-à-dire une mise à disposition de services ou de travail en échange de droits dans la société. Cependant, sur le plan fiscal, l’article 184, alinéa 1er du CIR 92 précise que les apports en industrie ne sont pas considérés comme du capital fiscalement libéré. Ceci produit des conséquences sur le plan fiscal :

  • Inéligibilité au VVPR-bis et au Tax Shelter : Les actions issues d’un apport en industrie ne peuvent pas bénéficier du régime VVPR-bis ni du Tax Shelter. Puisque cet apport ne contribue pas au capital libéré au sens fiscal, il ne répond pas aux exigences de libération fixées pour ces régimes.
  • Limites en matière de droits aux bénéfices : L’apport en industrie permet aux associés de participer aux bénéfices en fonction de l’accord statutaire, mais ces actions sont généralement exclues des dispositifs fiscaux préférentiels.

Exemple : Un associé d’une SRL apporte son expertise en tant qu’apport en industrie. En échange, il reçoit des droits aux bénéfices, mais ces droits ne permettent pas de bénéficier du précompte réduit ou des réductions d’impôt prévues dans le Tax Shelter, car ils ne sont pas assimilés à du capital libéré fiscalement.

Autres implications fiscales selon le type d’action

Les conditions d’éligibilité aux avantages fiscaux sont étroitement liées aux caractéristiques des actions, et certains types d’actions peuvent ou non être compatibles avec les dispositifs fiscaux :

  • Actions sans droit de vote : Tant qu’elles ne confèrent pas de droits préférentiels en matière de bénéfices, les actions sans droit de vote peuvent être éligibles au régime VVPR-bis et au Tax Shelter.
  • Actions privilégiées : Les actions privilégiées, offrant un dividende fixe ou prioritaire, sont exclues des régimes fiscaux comme le VVPR-bis et le Tax Shelter en raison de leurs avantages préférentiels.


Conseils et recommandations

  1. Favorisez les actions ordinaires nominatives : Les actions nominatives, sans droits préférentiels, sont éligibles aux régimes fiscaux avantageux. Cela permet aux actionnaires de profiter d’un précompte réduit sur les dividendes (VVPR-bis) ou d’une réduction d’impôt (Tax Shelter).
  2. Assurez une libération complète pour les dispositifs fiscaux : Pour bénéficier du Tax Shelter ou du régime VVPR-bis, assurez-vous que les actions sont entièrement libérées au moment de leur émission. Les actions partiellement libérées ou en libération progressive ne sont pas compatibles avec ces régimes.
  3. Optez pour des actions adaptées à vos objectifs de gouvernance : Les actions avec droits de vote multiple ou sans droit de vote peuvent s’avérer stratégiques, particulièrement dans les sociétés familiales ou celles nécessitant un équilibre entre actionnaires.
  4. Profitez des avantages fiscaux : Pour bénéficier du régime VVPR-bis ou du Tax Shelter, émettez des actions nominatives en numéraire, sans droit préférentiel. Une structuration adéquate permet aux investisseurs de réduire leur charge fiscale.
  5. Prenez en compte les apports en industrie dans une optique non fiscale : Bien que les apports en industrie ne soient pas éligibles aux régimes fiscaux, ils peuvent renforcer l’implication des associés dans une SRL. Toutefois, il est important de noter que ces apports ne contribueront pas au capital fiscalement libéré.


En comprenant les spécificités des actions selon le CSA, les fondateurs et les investisseurs peuvent structurer le capital d’une manière qui réponde à la fois aux exigences légales et à leurs objectifs financiers et de gouvernance.

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