Cette note va sans doute vous faire peur et elle est effrayante ...

Mais c'est précisément la raison pour laquelle j'ai écrit mon dernier essai, dont les thèses se trouvent renforcées CHAQUE JOUR.

Si j’écris tellement de choses au sujet des États-Unis, c’est parce qu’on n'est jamais autant déçu que par ce qu’on a aimé et admiré. C’est mon cas. Ce pays m’a façonné. J'y ai trouvé les clés de ma carrière académique, j’y ai vu des choses extraordinaires et surtout des amis.

Mais, aujourd’hui, il est impensable que je puisse y retourner. Les téléphones et les réseaux sociaux des étrangers sont vérifiés, et les risques de déportation sont importants. D'ailleurs, les États-Unis viennent d'annoncer la déportation des étrangers qui, au travers des réseaux sociaux, critiqueraient Kirk, qui devient un martyr de la cause de Trump.

Mais cela ne s'arrêtera pas là.

Nous verrons, ou avons déjà vu, des entreprises étrangères qui opèrent aux États-Unis se soumettre au renoncement de leurs politiques d'ouverture, des femmes et hommes politiques européens menacés, et pourquoi pas un jour des intellectuels, des scientifiques et des journalistes.

Je ne suis pas catastrophiste, mais je crois aux signaux faibles de l’Histoire et j’ai peur du raisonnement qui contredit l’intuition profonde et, devrais-je dire, l’instinct.

Pourquoi est-ce que ce filtrage des téléphones, réseaux sociaux, contacts et associations serait-il limité aux étrangers ? La même chose peut s'appliquer aux citoyens américains eux-mêmes. Si c'est le cas – et je suis certain que ce sera le cas – alors il y aura des mouvements de résistance, des expressions de violences ou, pour le plus grand nombre, une soumission avant une adhésion.

C’est d’ailleurs exactement ce que les Afro-Américains doivent faire pour tenter de s’intégrer dans la société américaine : être plus respectueux, plus "parfaits", que les Blancs. C'est ce que les Juifs ont dû faire dans de nombreuses situations : atteindre un niveau d'obséquiosité civile, citoyenne, professionnelle et familiale pour ne laisser aucune aspérité qui puisse servir de point d’ancrage à un rejet.

Ça, ce sont des vérités, pas des spéculations.

Le philosophe français Vladimir Jankélévitch (1903-1985) avait raison d’affirmer qu’il faut penser tout ce qu’il y a de pensable dans l’impensable.