Le dividende en nature : comment pourriez-vous sortir un immeuble de votre société sous cette forme de revenu?
Temps de lecture: 5 min |2 février 2025 à 05:05
Emmanuel Degrève
Partner & Conseil Fiscal @ Deg & Partners
Lorsqu’un entrepreneur détient un immeuble au sein de sa société (souvent une société de management) et souhaite l’intégrer dans son patrimoine privé, plusieurs options sont envisageables. L’une d’elles consiste à distribuer l’immeuble sous forme de dividende en nature. Cette opération, bien que possible, implique des conséquences fiscales significatives, tant pour la société que pour l’actionnaire.
Cela en vaut-il la peine?
1. Qu’est-ce qu’un dividende en nature ?
Un dividende en nature est une distribution effectuée par une société à ses actionnaires sous forme d’actifs non monétaires, comme un immeuble, plutôt qu’en numéraire. Cela permet à un actionnaire de retirer un actif spécifique de la société, à condition que les conditions légales et fiscales soient respectées.
Base légale : Articles 5:142 et 7:211 du Code des Sociétés et Associations (CSA), encadrant la distribution des dividendes.
2. Quelles conditions une société doit-elle remplir pour distribuer un dividende en nature ?
1.Test de l’actif net : La société doit disposer d’un bénéfice distribuable suffisant, calculé sur base des réserves disponibles après prise en compte de la valeur vénale de l’immeuble, moins sa plus-value, moins l’impôt des sociétés sur cette plus-value.
2.Test de liquidité : Après la distribution, la société doit être capable de payer ses dettes pendant au moins 12 mois.
Base légale : Articles 5:143 et 7:212 du CSA.
3. Quelles sont les implications fiscales pour la société ?
1.Impôt des sociétés sur la plus-value :
Si l’immeuble est distribué en nature, la société réalise une plus-value imposable, calculée comme la différence entre la valeur vénale (valeur de marché) et la valeur comptable nette de l’immeuble.
Cette plus-value est soumise au taux normal de l’impôt des sociétés (25 %).
2.Aucune double imposition sur les réserves taxées :
Si les réserves utilisées pour la distribution sont déjà taxées, aucun impôt supplémentaire n’est dû.
Base légale : Articles 24 et 185 du CIR 92.
4. Quelles sont les implications fiscales pour l’actionnaire ?
1.Précompte mobilier (Pr M) :
L’actionnaire doit payer un précompte mobilier sur la valeur vénale de l’immeuble reçu. Le taux standard est de 30 %, mais des taux réduits (20 % ou 15 %) peuvent s’appliquer dans certaines conditions (régime VVPRbis).
Si l’immeuble est attribué via des réserves de liquidation (matures), un taux réduit de 5 % est possible.
2.Paiement du Pr M :
Le précompte doit être payé par l’actionnaire à la société, qui le reverse au fisc. Si l’actionnaire ne le paie pas, le Pr M sera calculé sur une base « brutée », augmentant l’assiette imposable.
Base légale : Articles 269 et 261 du CIR 92.
5. Quels sont les droits d’enregistrement applicables ?
1.Droit général de vente :
En principe, l’acquisition de l’immeuble à titre de dividende en nature est soumise au droit d’enregistrement général, soit 12 % en Flandre ou 12,5 % en Wallonie et Bruxelles.
2.Exemption ou droit fixe :
Si l’immeuble a été apporté à la société par l’actionnaire ou acquis pendant que celui-ci était actionnaire, le droit fixe de 50 € s’applique ou, en cas de partage, un droit de 1 %.
Base légale : Articles 129 et 130 du Code des droits d’enregistrement.
6. Quels sont les cas particuliers et exemples pratiques ?
Exemple illustratif :
Un entrepreneur détient un immeuble via sa SPRL (maintenant SRL). L’immeuble, acheté en 2010 pour 200 000 €, a une valeur comptable nette de 150 000 € et une valeur vénale de 400 000 €.
1.Plus-value imposable :
Différence entre valeur vénale et valeur comptable : 400 000 € - 150 000 € = 250 000 €.
Impôt des sociétés à 25 % : 62 500 €.
2.Précompte mobilier :
Précompte à 30 % sur la valeur vénale de 400 000 € : 120 000 €.
Si le Pr M est « bruté », il est recalculé sur 400 000 € / (1 - 0,30) ≈ 171 428 €.
3.Droits d’enregistrement :
Droit fixe de 50 € si l’immeuble a été apporté ou déjà soumis au droit général.
7. Quels sont les risques liés à une telle opération ?
1.Sous-évaluation de l’immeuble :
Une valeur vénale inférieure à la réalité peut être requalifiée par le fisc, entraînant des pénalités.
2.Non-respect des tests de distribution :
Un dividende distribué sans respecter les tests peut être considéré comme abusif, avec des sanctions potentielles.
3.Impact sur la trésorerie :
Le paiement du précompte par l’actionnaire peut peser lourdement sur ses liquidités.
8. Comment optimiser cette opération ?
1.Planifiez à l’avance :
Évaluez les impacts fiscaux et assurez-vous que les réserves distribuables suffisent.
2.Valorisation correcte de l’immeuble :
Faites appel à un expert immobilier pour une estimation réaliste.
3.Utilisez des réserves de liquidation :
Si possible, distribuez via des réserves de liquidation pour bénéficier d’un taux réduit de Pr M (5 %).
4.Consultez un conseiller fiscal ou un expert-comptable :
Un expert peut vous aider à respecter les obligations légales tout en optimisant la charge fiscale.
Conclusion
Distribuer un immeuble sous forme de dividende en nature peut être une stratégie efficace pour sortir un bien du périmètre d’une société. Cependant, cette opération doit être planifiée avec soin, en tenant compte des implications fiscales, juridiques et financières pour éviter les écueils et maximiser les avantages.
Sources légales et jurisprudentielles
Code des Sociétés et Associations (CSA) : Articles 5:142, 5:143, 7:211, 7:212.
Code des Impôts sur les Revenus (CIR 92) : Articles 24, 185, 261, 268, 269.
Code des droits d’enregistrement : Articles 129, 130.
Jurisprudence : Position fiscale flamande n° 19078 (11.03.2024).
Mots clés
Impôt des sociétésImmobilierSociété de managementDroit de partagedividendes en natureImmeuble en sociétéPlus-values immobilères