• FR
  • NL
  • EN

Dirigeant d’entreprise: peut-on déduire les frais liés à son logement privé ?

La question de savoir si une société peut déduire fiscalement les frais liés au logement privé de son dirigeant suscite régulièrement des débats avec l’administration fiscale belge. Un récent jugement de la Cour d’appel de Gand, rendu le 4 juin 2024, apporte une précision bienvenue sur l’application de la théorie dite de la « rémunération ».

Qu’est-ce que la théorie de la rémunération ?

La théorie de la rémunération permet à une société de justifier fiscalement la déduction de certains frais, dès lors que ces frais correspondent à une rémunération attribuée à son dirigeant en échange de prestations réelles effectuées au profit de la société. Toutefois, son acceptation par les tribunaux reste exceptionnelle, particulièrement dans les cas où il s’agit de frais de logement.


Que reprochait l’administration fiscale dans ce cas précis ?

Dans l’affaire concernée, la SRL X avait déduit les frais liés à l’amortissement d’un immeuble dont elle détenait l’usufruit et dans lequel résidait principalement son administrateur, Monsieur A, avec sa famille. L’administration fiscale a refusé la déduction au motif que ces frais ne correspondaient pas à l’activité professionnelle de la société. Elle estimait également que l’avantage de toute nature (ATN) représenté par le logement gratuit n’était pas justifié par des prestations spécifiques supplémentaires fournies par l’administrateur.


Qu’a décidé la Cour d’appel de Gand ?

La Cour d’appel de Gand a jugé en faveur de la société. Elle a souligné plusieurs éléments décisifs :

  • Le chiffre d’affaires de la SRL X provenait essentiellement des prestations d’administrateur fournies par Monsieur A.
  • L’attribution de l’ATN logement gratuit avait été clairement mentionnée dans le procès-verbal de l’assemblée générale de la société.
  • Cet avantage avait été correctement repris sur la fiche fiscale (fiche 281) de Monsieur A et déclaré à l’impôt des personnes physiques.

Par conséquent, la société a apporté une preuve suffisante (par présomption) que les frais liés à l’immeuble avaient été engagés en vue d’acquérir ou de conserver des revenus imposables.


Le fisc peut-il exiger une preuve de prestations supplémentaires ?

Non. La Cour précise que l’administration fiscale ne peut exiger de la société qu’elle justifie spécifiquement des prestations supplémentaires du dirigeant pour l’octroi d’un avantage tel qu’un logement gratuit. Il s’agit d’une décision relevant strictement de l’opportunité commerciale de la société. Le fisc ne peut donc pas remettre en cause ni le principe ni le montant de cette rémunération sous prétexte que l’avantage accordé est généreux.


Que retenir de cette jurisprudence ?

Cette décision apporte une nuance importante : la théorie de la rémunération peut justifier la déduction des frais liés à un logement privé pour autant que l’avantage soit explicitement prévu comme rémunération supplémentaire et déclaré comme tel. Le fisc ne peut se substituer à la société dans l’appréciation de l’opportunité économique de cette décision.


Cette jurisprudence du 4 juin 2024 (Cour d’appel de Gand) marque un point d’attention significatif pour les entreprises qui attribuent des avantages en nature à leurs dirigeants. Elle rappelle l’importance d’une bonne documentation (procès-verbal d’assemblée, fiches fiscales) et protège les décisions internes des sociétés face aux contestations excessives du fisc.


Référence : Cour d’appel de Gand, 4 juin 2024.

Mots clés