Depuis le 1er janvier, la réforme du Code civil en Belgique a modifié en profondeur le régime de responsabilité extracontractuelle des administrateurs. Une protection quasi-totale leur était autrefois assurée en tant qu’agents d’exécution. Cette quasi-immunité a désormais disparu, ouvrant la voie à une relecture complète du droit applicable, notamment en lien avec les dispositions du Code des sociétés et des associations (CSA).
Dans une interpellation parlementaire particulièrement éclairante, le député Steven Matheï a interrogé le ministre de la Justice sur les conséquences concrètes de cette réforme. Les questions soulevées – et les réponses apportées – sont capitales pour les administrateurs, mais aussi pour les juristes d’entreprise, les tiers contractants, les ASBL, et plus largement pour toute personne concernée par la gouvernance d’entités juridiques.
Le débat porte essentiellement sur deux axes :
Dans sa réponse, le ministre de la Justice procède à un exercice d’équilibrisme juridique :
En d’autres termes : la limitation de responsabilité existe… mais elle n’est ni automatique, ni absolue, et surtout fortement conditionnée par le droit commun.
La position du ministre, aussi précise que nuancée, s’apparente à ce que l’on pourrait qualifier de soft law. Elle éclaire le droit, sans pour autant lier les juridictions, qui restent libres dans leur interprétation des textes et de leur articulation.
Ce point de vue gouvernemental, bien qu’intéressant et potentiellement utile dans un raisonnement juridique ou un contentieux, ne préjuge pas de la position des cours et tribunaux. Le droit de la responsabilité reste en effet essentiellement casuistique, évoluant au gré de la jurisprudence et des contextes particuliers.
Cet échange parlementaire, bien qu’il ne règle pas tout, constitue une lecture indispensable pour qui s’intéresse au nouveau droit de la responsabilité des administrateurs. Il balise les enjeux, délimite les marges de manœuvre statutaires, et rappelle les limites imposées par le droit commun.
Pour les praticiens du droit, les gestionnaires d’entreprise ou les administrateurs d’ASBL, cette nouvelle configuration impose de réexaminer les statuts, les clauses d’exonération, mais aussi les assurances responsabilité souscrites dans le cadre de leur mandat.
Car désormais, naviguer dans le droit des sociétés belges, c’est évoluer sur une ligne de crête entre protection et responsabilité, où la vigilance est plus que jamais de mise.