Victoire judiciaire spectaculaire de l’ISI contre une société belge appartenant à une multinationale.
Cœur du litige : dividendes colossaux distribués par une société britannique à une société belge, avec à la clé des montants de déduction RDT en jeu atteignant 249.566.745 € pour l’exercice d’imposition 2015 et 89.520.210 € pour l’exercice 2016.
L’affaire portait également sur la matière des prix de transfert, en particulier le caractère « at arm’s length » des taux d’intérêt appliqués à des prêts intragroupes, notamment un prêt de 800 millions d’euros octroyé par une société de financement luxembourgeoise à la société belge. Ce point fera l’objet d’un développement ultérieur.
Pour rejeter la déduction des RDT, l’administration fiscale arguait que l’opération dans son ensemble constituait un pur montage non authentique (« puur kunstmatige constructie ») au sens de l’article 203, §1er, alinéa 1er, 7°, CIR, ou, à défaut, un abus fiscal au sens de l’article 344, §1er, CIR.
L’administration invoquait également le principe anti-abus de droit européen, tel que consacré par la Cour de justice de l’Union européenne.
Bien que la société distributrice (UKCo1) remplît formellement les conditions RDT, notamment celle de la soumission au régime ordinaire de l’impôt des sociétés au Royaume-Uni, le tribunal a écarté l’exonération.
Le motif ? La mise en place d’un montage artificiel destiné à bénéficier indûment de l’exonération de dividendes prévue par la directive mère-fille. Le tribunal a constaté que les dividendes distribués n’étaient imposés nulle part, en raison d’une construction fiscale sophistiquée :
Ce schéma impliquant deux sociétés relais (« conduit companies ») constituait, selon le tribunal, une violation manifeste de l’objectif poursuivi par la directive.
Le tribunal n’a pas fondé sa décision sur :
étant donné que certains actes dataient de l’exercice d’imposition 2011, soit avant l’entrée en vigueur de ces dispositions.
En revanche, le juge s’est appuyé sur le principe anti-abus de droit européen, reconnu comme principe général du droit de l’Union européenne, même avant sa consécration explicite par la CJUE dans l’arrêt Cussens (22 novembre 2017).
Le tribunal se réfère en cela à l’arrêt de la Cour de cassation du 30 novembre 2023, qui valide l’application rétroactive de ce principe.
Conclusion : cette décision renforce la portée du principe anti-abus européen en matière de fiscalité directe, indépendamment de la chronologie législative belge. Elle interpelle par l’ampleur des montants en jeu, mais surtout par la rigueur juridique déployée pour contrer les montages dénués de substance économique réelle. À suivre attentivement dans les prochains arrêts d’appel.