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Réforme de la taxation des plus-values: ce qu’il faut savoir

I. Introduction

Le projet de taxation des plus-values sur actifs financiers franchit une nouvelle étape. Après l’accord politique de juin 2025, une nouvelle version de l’avant-projet de loi[^1] a été diffusée, précisant les contours de la réforme. La discussion parlementaire est annoncée pour l’automne 2025, avec une entrée en vigueur toujours prévue au 1er janvier 2026.

Cette nouvelle mouture se démarque sensiblement de la version d’avril 2025, notamment par la suppression de plusieurs mesures d’assouplissement initialement envisagées.

Pour rappel, les plus-values sur actifs financiers réalisées par des personnes physiques relevaient jusqu’à présent de trois régimes distincts. Elles étaient exonérées lorsqu’elles s’inscrivaient dans la gestion normale du patrimoine privé. Elles étaient imposées comme revenus divers au taux de 33% lorsqu’elles étaient spéculatives[^2] ou résultaient d’une gestion anormale. Plus rarement, elles pouvaient être taxées comme revenus professionnels, au barème progressif de l’impôt des personnes physiques, qui peut rapidement atteindre 50%.

La réforme bouleverse ce cadre. Si les plus-values spéculatives et professionnelles restent soumises aux régimes actuels, celles issues de la gestion normale du patrimoine privé ne bénéficieront plus d’une exonération générale d’impôt. Elles relèvent désormais d’un nouveau régime de taxation à titre de revenus divers, avec certaines exonérations spécifiques.

Cet article expose successivement le champ d’application et les exclusions de la taxe (II), les trois catégories de plus-values définies par la réforme (III), les règles de détermination et de traitement fiscal des plus-values et moins-values (IV), ainsi que les mesures diverses (V), avant de conclure sur la portée générale de la réforme (VI).


II. Champ d’application et exclusions

Le champ d’application de la future taxe recouvre un large éventail d’actifs financiers[^3] : actions cotées et non cotées, obligations, produits dérivés, fonds d’investissement, contrats d’assurance de la branche 21, 23 et 26, devises et cryptoactifs.

Sont expressément exclus du champ de la taxe les produits d’épargne-pension bénéficiant d’un avantage fiscal ainsi que les assurances du deuxième et du troisième pilier.

La réforme ne concerne pas uniquement les personnes physiques. Les personnes morales soumises à l’impôt des personnes morales, notamment les fondations et associations sans but lucratif, seront également assujetties à la taxe sur les plus-values sur actifs financiers. Le montant imposable sera déterminé selon les mêmes règles que pour les personnes physiques et pourra bénéficier des mêmes exonérations.


III. Les trois catégories de plus-values

La réforme distingue trois catégories de plus-values :

A. Plus-values internes

Les plus-values dites internes concernent les cessions d’actions par une personne physique à une société qu’elle contrôle, directement ou indirectement, seule ou avec ses proches (conjoint, ascendants, descendants ou collatéraux jusqu’au 2 degré inclus). Ces opérations peuvent prendre la forme d’un apport ou d’une vente.

Toutefois, il est important de souligner que les apports d’actions ne tombent pas sous le coup de ce régime spécifique. En effet, la réforme les exclut expressément puisqu’ils sont déjà couverts par la législation actuelle qui prévoit que les plus-values dégagées à la suite d’un apport d’actions, lorsqu’elles sont ultérieurement distribuées via une réduction de capital, sont imposées aux taux ordinaires du précompte mobilier. C’est donc uniquement les ventes d’actions qui sont visées par cette imposition particulière.

Concrètement, toute plus-value interne réalisée lors d’une vente d’actions sera imposée au taux distinct de 33%, sans possibilité d’exonération, et ce même lorsque la participation cédée est minoritaire, dès lors que le critère du contrôle est rempli. La réforme entérine une pratique déjà prudente du Service des décisions anticipées, qui refusait la neutralité fiscale pour ces opérations.

En revanche, ce régime ne sera toutefois pas applicable lorsque les parents cèdent les actions d’une entreprise familiale dans le cadre d’un transfert à la génération suivante, que ce soit directement au profit des enfants ou indirectement via des holdings détenues par ces derniers. De telles plus-values relèvent du régime des participations substantielles.

Exemple : Monsieur Dupont détient 100% des actions d’une société opérationnelle. Il vend ses actions à une société holding qu’il contrôle avec son épouse et ses enfants. La plus-value réalisée sera entièrement taxée à 33%.

B. Plus-values sur participations substantielles

Un régime spécifique est prévu pour les contribuables qui réalisent une plus-value lors de la cession d’une participation substantielle dans une personne morale. Est considérée comme substantielle toute détention d’au moins 20% des actions[^4] d’une personne morale au moment de la cession.

Le seuil de 20% s’apprécie de manière individuelle : il ne peut être atteint en additionnant les titres détenus par des membres d’une même famille, contrairement à ce que prévoyait la première version de la réforme.

Lorsqu’un contribuable cède une telle participation, il entre dans un régime de taxation progressive, avec une exonération de 1 million d’euros utilisable sur cinq ans.

Cela signifie qu’un contribuable peut répartir cet avantage sur plusieurs opérations durant cinq ans.

Exemple :

  • Année 1 : plus-value de 500.000 € → exonération totale
  • Année 2 : nouvelle plus-value de 500.000 € → exonération utilisée
  • Années 3 à 5 : toute plus-value est imposée
  • Année 6 : 500.000 € d’exonération redevenue disponible

Les plus-values dépassant l’exonération de 1 million d’euros sont soumises à un barème progressif :

  • 1,25% pour la tranche de 1 à 2,5 M€
  • 2,5% entre 2,5 et 5 M€
  • 5% entre 5 et 10 M€
  • 10% au-delà de 10 M€

C. Plus-values sur autres actifs financiers

Ce régime vise toutes les plus-values sur actifs financiers qui ne relèvent ni du régime des plus-values internes ni de celui des participations substantielles. Il constitue donc le cadre général pour l’imposition des plus-values.

Les plus-values seront imposées à 10%, après application d’une exonération annuelle de 10.000, indexée à partir de 2027. Cette exonération doit être demandée dans la déclaration.

Un report est possible :

  • max 1.000€ par an,
  • max 5 années consécutives,
  • exonération totale cumulée plafonnée à 15.000€.

Exemple :

  • 2026 : aucune plus-value → 1.000 € reportés
  • 2027 : plus-value de 1.500 € → 1.000 € de report + 500 € exonération de base
  • solde : 9.500 € pour 2027
  • 2028 : nouvelle exonération de 10.000 € + 500 € reportés = 10.500 €


IV. Détermination de la plus-value et traitement fiscal

A. Calcul de la plus-value

La plus-value correspond à la différence entre le prix de cession (ou la valeur reçue) et le prix d’acquisition ou la valeur d’entrée de l’actif.

En cas de dons ou de successions, la valeur d’entrée est celle au moment de la donation ou du décès. Les transmissions entre époux ou entre cohabitants légaux ne constituent pas, à elles seules, des événements déclencheurs.

Les frais d’acquisition et de cession sont déductibles du montant brut de la plus-value.

En cas de vente partielle d’un portefeuille, la méthode du « FIFO » (first in, first out) est utilisée pour déterminer quelles parts sont réputées vendues.

B. Moins-values

Les moins-values sur actifs financiers ne sont pas déductibles de l’assiette de la taxe. Elles ne peuvent donc pas être imputées sur d’autres revenus ni faire l’objet d’un report.

C. Plus-values en nature

Lorsque la cession prend la forme d’une rémunération en nature (par exemple, en échange d’autres actifs financiers ou d’une contrepartie en services), la valeur des actifs ou services reçus est retenue comme prix de cession.

Il en va de même pour les apports en nature à une société. Toutefois, les plus-values issues d’apports à une société non contrôlée par l’apporteur sont exonérées, sous certaines conditions.

D. Plus-values latentes au 1er janvier 2026

Les actifs financiers déjà détenus au 1er janvier 2026 seront soumis à un régime transitoire :

  • soit le contribuable conserve la valeur d’acquisition historique,
  • soit il opte pour une valeur de revalorisation correspondant à la valeur d’inventaire au 31 décembre 2025, à condition que cette valeur soit déterminable de manière objective (valeur de marché, cours officiel, etc.).

Le choix doit être opéré actif par actif. En l’absence de revalorisation, la valeur historique est conservée.

Exemple : Mme X détient 100 actions achetées en 2018 pour 50 €/action. Au 31 décembre 2025, leur valeur est de 90 €/action. En cas de vente en 2027 à 100 €/action :

– sans revalorisation → plus-value = 100 – 50 = 50 €/action

– avec revalorisation → plus-value = 100 – 90 = 10 €/action


V. Mesures diverses

A. Déclaration et prélèvement

La taxe sur les plus-values doit être déclarée par le contribuable dans sa déclaration annuelle à l’impôt des personnes physiques. Aucun précompte n’est retenu à la source.

Des mécanismes spécifiques sont envisagés pour les plateformes de négociation, afin de faciliter la collecte d’informations et le pré-remplissage.

B. Prévention de la double imposition

La réforme prévoit une neutralisation des effets croisés entre régimes fiscaux, afin d’éviter une double imposition :

  • les plus-values taxées ne seront pas prises en compte pour la réserve de liquidation,
  • elles seront exclues de la base du précompte mobilier en cas de distribution,
  • elles n’affecteront pas le calcul des revenus exonérés (30 %) dans le cadre du régime pour les impatriés,
  • elles seront neutres pour la détermination du caractère professionnel ou non des revenus,
  • enfin, aucun impact sur le calcul du taux d’imposition effectif ne sera autorisé pour les sociétés bénéficiant d’un taux réduit.

C. Clause anti-abus

La réforme s’accompagne d’une clause anti-abus spécifique, permettant à l’administration de requalifier des opérations si elles ont pour but principal d’échapper à l’application de la taxe, sans justification économique suffisante.


VI. Conclusion

Avec cette réforme, la Belgique tourne une page : la taxation des plus-values n’est plus cantonnée à des cas spéculatifs ou professionnels, mais devient la norme pour les plus-values issues de la gestion ordinaire du patrimoine financier.

L’introduction d’un régime progressif et d’exonérations ciblées adoucit la portée de la réforme, mais les effets concrets dépendront de la manière dont les nouvelles règles seront interprétées, appliquées et articulées avec les autres dispositifs existants.

Les praticiens devront désormais intégrer ces règles dans leurs planifications patrimoniales, en tenant compte des régimes transitoires, des seuils et de la complexité déclarative qui s’annonce.



[1]: À ce stade, il s’agit encore d’un avant-projet en cours d’examen au sein du gouvernement (phase de première lecture au Conseil des ministres et transmission prévue au Conseil d’État), avant un éventuel dépôt au Parlement.

[2]: Sont réputées spéculatives les opérations répondant à des critères tels que la fréquence des transactions (achat-revente rapide et répété), le recours à un financement extérieur (notamment bancaire), ou encore l’importance relative des investissements extérieurs par rapport au patrimoine privé. Ces exemples ne sont pas limitatifs et d’autres éléments peuvent être pris en compte par l’administration et la jurisprudence.

[3]: Une description détaillée des actifs visés figure aux pages 20 à 29 de l’exposé des motifs de l’avant-projet.

[4]: Ce régime ne s’applique pas aux autres actifs financiers (obligations, cryptoactifs, etc.).

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