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Visite domiciliaire illégale et sort des preuves obtenues

Notre e-news du 10 février 2025 commentait un arrêt de la Cour de cassation du 3 octobre 2024 rappelant les principes encadrant le droit de l’administration à accéder aux locaux professionnels et aux locaux habités.

Nous insistions sur l’importance du consentement préalable et permanent du contribuable, lequel doit être donné en toute connaissance de cause.

Le 4 février 2025, la Cour d’appel de Gand réaffirmait déjà ces principes.

Cette décision est intéressante pour deux motifs :

– elle met en lumière les abus manifestes commis par les agents de l’administration ;

– elle sanctionne fermement ces abus.

Les comportements abusifs des agents

Visite des lieux sans consentement préalable

La décision plante le décor du contrôle : l’arrivée matinale sur place des agents de l’administration fiscale qui ne parviennent, de ce fait, pas à pénétrer par l’entrée principale. Ils sonnent sans succès et, en cherchant un autre accès, ils trouvent une porte sur le côté du bâtiment. Ils y entrent, traversent un entrepôt, puis accèdent aux espaces de bureaux.

Ce comportement constitue une première violation des articles 319 CIR et 63 CTVA, qui supposent un consentement du contribuable préalablement à l’accès aux locaux. La Cour d’appel le constate, soulignant qu’aucun élément du dossier ne permet d’établir que la porte de l’entrepôt était effectivement ouverte, que celui-ci était librement accessible et qu’un consentement préalable avait été donné.

Présumer que la première personne venue peut consentir

Après leur arrivée dans les bureaux, les agents rencontrent un collaborateur administratif (employé). Sans autre vérification, ils l’estiment compétent pour donner son accord à la visite. Pour la Cour d’appel, en revanche , cet employé n’était pas habilité à y consentir. Plus fondamentalement encore, les agents du fisc ne se sont pas interrogés sur ses pouvoirs réels : ils ne lui ont pas demandé s’il était effectivement autorisé à représenter la société et ne l’ont pas informé de son droit de contacter les dirigeants de l’entreprise.

A supposer le consentement de cet employé au contrôle, quod non, il ne l’a pas donné en toute connaissance de cause et n’était, en toute hypothèse, pas compétent pour représenter le contribuable personne morale. Il s’agit d’une seconde violation des articles 319 CIR et 63 CTVA.

Refus de quitter les lieux nonobstant l’opposition du contribuable

Lorsque l’administrateur de la société arrive sur place, il demande aux agents de quitter les lieux. Ces derniers refusent et sollicitent l’intervention des forces de l’ordre pour poursuivre la visite, ce qui constitue une troisième violation des articles 319 CIR et 63 CTVA.

Même si l’on devait admettre que l’accès ait été valablement autorisé, quod non, l’administration aurait dû quitter les lieux immédiatement après le retrait de ce consentement, qui doit rester permanent.

Prise de copies de données informatiques

Au cours de cette visite qualifiable de perquisition illégale, les agents prennent le contrôle du système informatique et font une copie complète des données présentes sur le serveur informatique de l’entreprise en violation, cette fois, des articles 315, 315bis et 61, 1er CTVA.

Sanction : les preuves obtenues sont écartées

Ces abus répétés et manifestes justifient la décision de la Cour d’appel de Gand d’écarter les preuves obtenues de manière irrégulière. Elle applique cependant avec rigueur la jurisprudence Antigone de la Cour de cassation, selon laquelle les preuves obtenues illégalement ne doivent pas nécessairement être écartées. En procédant à la pondération des intérêts, la Cour estime néanmoins que les preuves devaient être écartées puisqu’obtenues d’une manière tellement contraire à ce qui est attendu d’une autorité agissant selon le principe de bonne administration.

Conclusion

Cet arrêt pourrait marquer un tournant dans la jurisprudence en matière de contrôle fiscal. Trop souvent, les Cours et Tribunaux ont effectivement validé des actes d’investigation irréguliers privilégiant le recouvrement de l’impôt au respect des garanties procédurales.

Suite aux arrêts de la Cour de cassation, commentés dans notre e-news du 25 février, la nécessité d’un consentement préalable et permanent, donné en toute connaissance de cause, ne peut plus être mise en doute.

Les agents de l’administration qui ne veilleraient pas rigoureusement au respect de ces règles, simples mais fondamentales, adoptent une attitude indigne de leur fonction et de leur mission de service public. Un tel comportement est à ce point contraire « à ce qui est attendu d’une autorité agissant selon le principe de bonne administration », pour reprendre les termes de la Cour de cassation, qu’il doit systématiquement conduire à l’écartement des preuves ainsi recueillies.

L’actualité judiciaire démontre que, faute de sanctions effectives, les juridictions encouragent des comportements qui ne sont pas isolés. Pire encore, certains agents se comportant ainsi sont convaincus d’être dans leur droit.

Cette conviction erronée est probablement la seule à pouvoir expliquer que, dans l’arrêt commenté, les agents de l’administration aient appelé les forces de l’ordre pour poursuivre le contrôle illégal. Il est donc plus que jamais essentiel de renforcer la formation des agents de l’administration pour prévenir de telles dérives.


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