Dans les années 1930, l’économiste américain Irving Fisher proposa une nationalisation de la monnaie. Quelle était son idée ?
De manière extrêmement simplifiée, la monnaie est émise de deux manières complémentaires :
Irving Fisher critiquait ce système, arguant qu’en période d’euphorie économique, le flux monétaire devenait inflationniste, tandis qu’en période de dépression ou de récession (comme dans les années 1930), ce flux se tarissait, aggravant la crise. Il imagina alors une nationalisation de la monnaie, en centralisant tous les dépôts américains au sein de la Federal Reserve. Cette dernière aurait eu pour mission de financer l’État et d’octroyer des enveloppes de crédit aux banques commerciales, dont l’existence aurait été rendue obsolète. Le président Roosevelt rejeta ce plan.
Ce qui se passe aujourd’hui avec les stablecoins ressemble, de manière plus subtile, à cette idée. Les monnaies numériques de banque centrale (Central Bank Digital Currency, ou CBDC) reposeraient sur la capacité d’ouvrir, pour chaque déposant, un compte directement auprès de sa banque centrale (via le réseau bancaire), permettant à cette dernière de financer directement la dette publique des États.
Les États-Unis semblaient initialement s’orienter vers cette voie, mais la situation a évolué.
L’administration Trump semble désormais privilégier la promotion des stablecoins privés adossés au dollar, plutôt qu’une CBDC, afin d’encourager la dollarisation mondiale et de refinancer la dette américaine grâce aux achats de bons du Trésor par les émetteurs de stablecoins. Les stablecoins, comme l’USDT (Tether) ou l’USDC (Circle), sont souvent garantis par des réserves incluant des bons du Trésor américain. L’avantage pour le Trésor américain est indirect : la demande croissante pour ces stablecoins stimule l’achat de bons du Trésor, contribuant ainsi à financer la dette publique.
Si les grandes plateformes commerciales encouragent l’utilisation des stablecoins privés, et si les banques traditionnelles acceptent des dépôts en stablecoins, un circuit bancaire parallèle pourrait émerger. Cela poserait la question de l’impact sur le dollar traditionnel. À court terme, cet impact semble limité, car les stablecoins sont adossés à des bons du Trésor libellés en dollars, renforçant la demande pour la dette américaine. Cependant, à long terme, une adoption massive des stablecoins, combinée à une érosion de la confiance dans la politique monétaire américaine, pourrait réduire la demande pour le dollar traditionnel dans certains contextes, notamment à l’international, exerçant une pression baissière sur sa valeur. En fait, tout reposera sur la fiabilité de la dette publique américaine, et elle sera, à mon sens, érodée.