L'état du marché du travail wallon à la veille du grand bouleversement
Temps de lecture: 4 min | 18 oct. 2025 à 04:05
Philippe Defeyt
Economiste @ Institut pour un Développement Durable
A quelques encablures du 1er janvier 2026, qui verra la concrétisation d'une profonde réforme de l'assurance-chômage, cette note présente quelques indicateurs de l'état du marché du travail wallon.
Voici les éléments du diagnostic qui retiennent l'attention :
un fort recul tendanciel depuis fin 2024 des opportunités d'emploi (-32% en août 2025) ;
la baisse des opportunités d'emploi autres que celles proposées par le secteur de l'intérim se situe elle entre -10% et -20% depuis environ un an ;
le nombre d'emplois vacants (hors intérim) situés sur le territoire wallon est orienté à la baisse depuis un an (-8% au second trimestre 2025) ;
le nombre d'heures prestées en intérim est en recul depuis le début de 2025 ;
on assiste à une lente érosion du nombre de travailleurs en titres-services et plus encore des prestations en équivalents temps plein ;
les flexi-jobs connaissent un succès croissant ; au premier trimestre on a recensé 19.000 travailleurs wallons exerçant un flexi-job ;
le nombre de jobs étudiants et leur volume d'heures continuent leur progression ;
les flexi-jobs (5,6 millions d'heures) et les jobs étudiants (38,4 millions) totalisent ensemble 44,0 millions d'heures de travail en 2024 ; cela représentait +/- 2,4% du volume total des heures de travail prestés par les salariés wallons l'année passée ;
l'emploi salarié recensé par l'ONSS augmente très peu : + 1.350 unités entre le premier semestre de 2024 et la période équivalente de 2025, soit une hausse de 0,1% ;
certes les indicateurs issus de l'Enquête sur les forces de travail sont plus positifs mais ces données collent mal avec les autres informations ;
le nombre de demandeurs d'emplois inoccupés augmente à un an d'écart depuis la mi-2022, avec une accélération de la hausse en 2025 ;
si on retire la catégorie des demandeurs d'emploi libres (= librement inscrits), pour lesquelles il y a eu un changement méthodologique qui perturbe l'analyse, on observe que le nombre de demandeurs d'emplois inoccupés augmente depuis le début 2025 ; en août 2025, la hausse était pratiquement de 6% à un an d'écart.
Ces évolutions sont globalement peu enthousiasmantes et les perspectives ne sont pas bonnes, en particulier pour les personnes exclues :
on s'attend à de nombreuses suppressions de postes (non renouvellement de CDD ou licenciements) dans divers secteurs, notablement dans les secteurs touchés par les restrictions budgétaires ;
l'emploi des 65 ans et plus augmente de manière significative et tendancielle ; on sait bien sûr que l'emploi n'est pas un gâteau fixe, à terme en tout cas, mais à court terme ce sont – pour partie en tout cas – autant d'heures de travail qui ne sont pas prestées par des moins de 65 ans ;
les formes d'emploi qui prennent de plus en plus de place (jobs étudiants et flexi-jobs) ne sont pas accessibles aux personnes exclues ; en outre, les possibilités d'emploi en intérim (qui sont activées par des chômeurs de longue durée) sont en recul ;
le secteur des titres-services, en capacité d'occuper certaines des personnes exclues, est à la traîne et les perspectives pas bonnes ;
enfin, les populations les plus susceptibles de quitter la population active (maladie ou pension), à savoir les salariés de 60-64 ans, sont certes de plus en plus nombreuses (voir tableau ci-après) mais les sorties seront plus compliquées ou retardées, gonflant toutes choses égales par ailleurs la population active et donc le chômage.
Il est peu probable que la hausse - au demeurant modeste - de l'emploi wallon encore envisagée par l'IWEPS et le Bureau du Plan pour 2026 se concrétise. Si d'autres mesures, dites de stimulation de l'activité économique, parviennent à doper l'emploi ce sera de manière progressive et pas dans l'immédiat.