Les banques centrales se lancent dans le bitcoin: une révolution financière ?

Oui, à une échelle de temps très, mais vraiment très, courte. C'est-à-dire à l'échelle microscopique de nos vies, à l'aune du cosmos et du grand tout, parce que nous avons besoin de symboles, comme la monnaie et la divinité, pour nous rassurer sur nos futurs temporels (la monnaie) ou spirituels (la divinité).

Parce que, même si tout cela me passionne et que j'ai fait de la monnaie mon sujet d'expertise scientifique, on n'a jamais vu un lingot d'or sautiller derrière un cercueil. Et inversément.

Et que, quand on découvre un trésor en or, c'est généralement celui de personnes qui ont sacrifié leur présent à un futur qui leur fut volé.

Et une monnaie est basée sur la confiance. En d'autres termes, un citoyen se sentira-t-il plus sécurisé si la banque centrale qui émet un billet a elle-même acquis de l'or ou des bitcoins ? Aucunement.

Tout ceci est une virtualité.

D'ailleurs, mieux que quiconque, l'économiste allemand Georg Friedrich Knapp (1842-1926), auteur de Théorie étatique de la Monnaie, publiée en 1905, et dont les préceptes influencèrent la pensée monétaire allemande de la première moitié du XXe siècle, défendit l'idée d'une monnaie étatique sans valeur intrinsèque ni garantie par l'or, si elle est garantie par l'État, puisque la monnaie est une émanation de la loi. Ce qui importe, c'est l'uniformité de la mesure des dettes et des créances, d'où la notion de cours légal de la monnaie.

Et c'est tellement vrai que, dans un rapport de 2013, la Banque des Règlements Internationaux, intitulé « Les Finances des Banques Centrales », cette institution a confirmé que « la plupart des banques centrales pourraient perdre de l'argent au point d'avoir des fonds propres négatifs, tout en continuant à fonctionner parfaitement normalement ».

Donc, acheter de l'or et du bitcoin ne sécurise pas la monnaie.

Mieux vaudrait s'aimer, aimer, acheter de l'écologie, de la sagesse ou du temps, qui est notre seul capital, et qui s'érode d'ailleurs au rythme de la lecture de cette note.

Et qui ne reviendra jamais.

Alors, voilà. De l'or ou des bitcoins, c'est bien. Car le philosophe et sociologue allemand Georg Simmel (1858-1918) qualifie la monnaie d’objet absolu de désir, tandis que Sigmund Freud (1856-1939) théorisait, dans un cadre certes très différent, l’amour de la monnaie.

Mais dans cent ans, dans mille ans, lorsque nous aurons été submergés par la nature qui nous rappellera notre condition, tout cela sera révolu.

Et le spéléologue qui trouvera une clé USB avec des bitcoins se demandera de quoi il s'agit.

Mais peut-être pas de l'or…​