Dans le cadre d'une procédure de renouvellement de bail commercial, le preneur peut être amené à se désister de sa demande. Ce droit, prévu par la loi sur les baux commerciaux, suscite de nombreuses interrogations quant à sa mise en œuvre concrète, ses effets juridiques ainsi que les conséquences financières potentielles pour le preneur. Le présent article vise à exposer les contours légaux de cette faculté, ses limites et les risques à anticiper.
L’article 20 de la loi du 30 avril 1951 relative aux baux commerciaux prévoit que :
"Le bail est renouvelé aux prix et conditions fixés par le juge si le jugement rendu en premier ressort n'a pas été frappé d'appel ou si, dans les quinze jours de la signification du jugement rendu en degré d'appel, le preneur ne s'est pas désisté de sa demande de renouvellement."
Il ressort de ce texte que le preneur dispose d’une faculté de se désister de sa demande de renouvellement.
Ce droit au désistement est inconditionnel : le preneur n’a pas à motiver sa décision, ni à remplir des conditions particulières. La seule limite est fixée par le délai ultime de quinze jours suivant la signification du jugement d’appel. Toutefois, ce délai ne constitue pas un point de départ mais une échéance, de sorte que le désistement peut être valablement notifié avant cette date[1].
Certaines décisions anciennes ont cependant limité cette faculté en refusant le désistement en dehors de la quinzaine suivant la signification du jugement rendu en degré d’appel. En ce sens, il a été jugé que le preneur ne pouvait se désister avant que le tribunal n’ait statué et qu’il ne pouvait certainement pas le faire durant l’expertise[2].
Le désistement de la demande de renouvellement emporte des conséquences immédiates et rétroactives. Le preneur perd tout droit au renouvellement et se retrouve occupant sans titre.
Il devient alors redevable d’une indemnité d’occupation, calculée sur base de la valeur locative du bien[3], et non du loyer initialement prévu. Cette indemnité couvre également les charges locatives[4] en ce compris l’octroi d’intérêts compensatoires, même sans mise en demeure, et ce jusqu’à la date de paiement effectif[5].
Quant au délai de départ du preneur, « en l’absence d’une disposition légale qui modalise expressément le délai à respecter par le preneur en cas de désistement, la jurisprudence a tendance à appliquer, par analogie, le délai de six mois que doit respecter le preneur qui veut résilier le bail à l’expiration d’un triennat. »[6]. En ce sens, il est recommandé d’accompagner l’acte de désistement de la notification d’un préavis dit « suffisant »[7].
Le preneur qui se désiste en cours de litige pourrait être tenu de supporter l’intégralité des frais de procédure, en ce compris les frais d’expertise judiciaire.
Le désistement de la demande de renouvellement d'un bail commercial constitue une faculté reconnue au preneur par la loi du 30 avril 1951. Ce mécanisme offre une certaine souplesse, mais emporte également des conséquences juridiques et financières importantes : indemnisation du bailleur, frais de procédure, etc.
Avant de faire usage de ce droit, il est impératif pour le preneur de mesurer l'ensemble des effets de sa décision, tant sur le plan juridique qu'économique. Le recours à un accompagnement juridique est vivement recommandé afin de s'assurer que le désistement soit exercé dans le respect du cadre légal et de manière stratégiquement opportune.
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Me David BLONDEEL & Me Fiona TINELLI
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[1] B. LOUVEAUX, Le droit du bail commercial, Larcier, p. 877.
[2] Ibidem, p.880.
[3] Cass., 1ère ch., 7 septembre 2001, Pas., 2001, p.1344 ; J.L.M.B., 2002, p. 510 ; Rev. Not., 2003, p.90, obs.
[4] B. LOUVEAUX, op.cit, pp.881 et 883.
[5] Civ. Nivelles, 1ère ch., 13 mars 2002, J.T., 2003, p.10, note D. STERCKX ; J.L.M.B., 2003, p.1617.
[6] B. LOUVEAUX, op.cit., pp. 881 et 883.
[7] Ibidem, p. 884.