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Que fera efficacement votre concurrent pour vous mettre à terre ?

"Train in peace to lead in chaos” Marc Aurèle

Que ce soit un concurrent, un fournisseur, un créancier ou toute autre personne ayant un “intérêt légitime” certains usent et abusent d’une brèche pour vous faire déposer genoux à terre.

Les dangers qu’on ignore et dont un adversaire tire profit, laissent souvent des scarifications profondes.

Pour éviter cette rupture de digue dans vos activités, nous abordons les dangers pour une société de présenter des comptes avec des fonds propres négatifs.


1. FONDS PROPRES NÉGATIFS : SIGNAL DE FRAGILITÉ STRUCTURELLE

Rappelons que les fonds propres sont constitués, notamment, des apports (capital), des réserves ainsi que des résultats reportés.

Or quand une société subit des pertes, cela à pour conséquence d’avoir des résultats reportés négatifs et ainsi rogner voir totalement déprécier ses fonds propres, au point de les rendre également négatifs.

La constatation de fonds propres négatifs constitue donc un indicateur objectif de fragilité financière de la société.

Bien qu’en droit belge, les fonds propres négatifs ne déclenchent pas automatiquement une procédure de liquidation, ils peuvent être interprétés par des tiers comme un signe de déséquilibre durable et de mise en péril de la continuité.

A cet égard, le Tribunal de l’Entreprise (alimenté par la Chambre des Entreprises en Difficulté) reçoit des flux de données constants provenant de plusieurs sources. Si votre société a des fonds propres négatifs, elle pourrait entrer dans un canal de surveillance.


2. L’ACTION EN DISSOLUTION JUDICIAIRE

Le risque majeur provient de l’Article 7:229 du Code des Sociétés et des Associations. ;

Toute partie intéressée (créancier, fournisseur, concurrent ayant une créance, ou même un associé minoritaire fâché, etc.) peut demander au tribunal la dissolution de la société si les capitaux propres sont inférieurs à -zéro-.

La Belgique est un pays où l’accès (via ce lien) aux comptes annuels est aussi facile que gratuit, le premier intéressé a donc immédiatement réponse à sa question.


3. PRENDRE CONSCIENCE DES AUTRES EFFETS NÉFASTES

1. Renforcement de la position d’un créancier dans un contentieux

Dans un contexte de litige (recouvrement, rupture de crédit, garanties, etc.), une situation de fonds propres négatifs peut :

  • affaiblir la position de la société dans la négociation,
  • justifier des mesures conservatoires plus agressives,
  • inciter un créancier à accélérer ses démarches (citation, saisies, etc.).

2. Risque indirect en matière d’insolvabilité

Si les fonds propres négatifs s’accompagnent :

  • d’une cessation persistante de paiements, et
  • d’un ébranlement du crédit,

Ils peuvent contribuer à caractériser les conditions d’une faillite, avec les conséquences bien connues pour la société et, potentiellement, pour les administrateurs.

3. Responsabilité et vigilance accrue du conseil d’administration

Dans un tel contexte, le conseil d’administration (ou l’administrateur unique) doit être particulièrement attentif à :

  • l’évaluation réaliste de la continuité de l’exploitation,
  • la mise en place de mesures de redressement étayées(recapitalisation, financement, restructuration, nouveaux marchés, etc.),
  • la traçabilité des décisions prises au regard de l’intérêt social. (lire en détails)

À défaut, la persistance de fonds propres négatifs sans réaction adéquate peut être reprochée comme une carence de gestion, notamment si un tiers démontre le lien avec son préjudice.


4. DEMANDE DE DISSOLUTION JUDICIAIRE PAR UN CRÉANCIER OU UN INTÉRESSÉ

Un créancier, ou toute autre partie justifiant d’un intérêt légitime, peut donc introduire une action en dissolution judiciaire lorsque :

  • La société ne poursuit plus son objet social de manière effective,
  • Son fonctionnement est gravement compromis,
  • Sa situation financière rend manifestement illusoire la poursuite de l’activité.

Les fonds propres négatifs peuvent alors être invoqués comme élément factuel à l’appui d’une telle demande, notamment s’ils s’inscrivent dans la durée et ne sont accompagnés d’aucun plan crédible de redressement.


5. QUELLES ACTIONS EFFICACES POUR DEJOUER L’ASSAUT ?

Avant d’être pris à la gorge par une procédure judiciaire, vous devriez déjà penser à verrouiller ce type d’attaque aussi facile que dévastatrice. Il est vrai que, suivant l’appréciation du tribunal, un potentiel (court) délai de régularisation (grâce) pourra vous être accordé pour vous retourner.

Malgré cela, quand on a le nez dans le guidon et une galaxie de points à résoudre, un scud juridique sera toujours celui de trop. Quand vous devenez trop vulnérable, beaucoup vous tourneront le dos et les solutions se feront rares.

Dès lors, vous devez donc trouver un moyen large et durable d’augmenter vos fonds propres pour fermer votre porte face aux indésirables.

Par exemple suivant l’une de ces manières (ou une combinaison) ;

  • L’apport de votre prêt actionnaire au capital ;
  • La recapitalisation ;
  • La comptabilisation d’une plus-value de réévaluation sur un ou plusieurs actifs (lire en détails) ;
  • En vue de réduire ou limiter la perte, activer certaines dépenses car elles constituent, ensemble, un actif (incorporel) (lire en détails) ;
  • Etc.


6. LES AUTRES HANDICAPS DE PRÉSENTER DES FONDS PROPRES NÉGATIFS

Outre le fait de risquer la mise au tapis, cette vulnérabilité présente d’autres désavantages/risques ;

  • Si un administrateur maintient une activité déficitaire (qui forme ou creuse des fonds propres négatifs), c’est aussi un aller simple pour aggraver sa responsabilité en cas de faillite ;
  • Même si la trésorerie est disponible, aucun dividende ne peut être attribué par une société dont les fonds propres sont négatifs. Même si ceux-ci sont la résultante d’une activité antérieure, parfois totalement étrangère à celle actuelle ;
  • Une justification annuelle s’imposera, en devant détailler vos mesures de redressement, tant que vos fonds propres ne seront pas assainis. En effet, le management a une obligation légale d ‘agir dès que la situation devient critique. Le seuil d’alerte : lorsque l’actif net risque de devenir ou est devenu négatif, ou lorsque la liquidité n’est plus assurée. L’effet boomerang : si l’organe de direction n’a pas convoqué l’Assemblée Générale dans les délais pour décider de la poursuite ou de la dissolution, tout actionnaire ou tiers peut pointer cette faute de gestion ;
  • Votre banquier risque fort d’écourter votre demande de crédit sur la seule base de fonds propres négatifs ;
  • Vos fournisseurs seront moins enclins à vous faire bénéficier de conditions favorables ;
  • Etc.


7. ET AILLEURS ?

Comment d’autres pays gèrent cette problématique ;

L’Estonie a un système de surveillance automatisé :

  • Le registre du commerce envoie une notification officielle dès qu’il constate des fonds propres négatifs dans le rapport annuel.
  • La société dispose de 6 mois pour repasser au-dessus du minimum légal. À défaut, le registre peut entamer une procédure de radiation ou de dissolution forcée sans intervention humaine complexe.

La Slovaquie a durci ses règles :

  • Une société est légalement définie comme étant « en crise » si ses fonds propres sont négatifs ou si son ratio capitaux propres/dettes est trop bas.
  • Conséquence majeure : Les administrateurs ont l’obligation légale de déposer le bilan (faillite) dès que l’insolvabilité est technique (passif > actif). S’ils ne le font pas, ils engagent leur responsabilité personnelle illimitée sur leurs biens propres.

Royaume-Uni et USA (Common Law)

Contrairement au droit civil (Belgique, France), ces pays se concentrent moins sur le chiffre comptable pur et davantage sur le flux de trésorerie (Cash flow test).

  • Cependant, si une entreprise avec des fonds propres négatifs continue de contracter des dettes (car elle ne peut manifestement pas les honorer à long terme), les dirigeants peuvent être poursuivis pour « Wrongful Trading« .
  • Le droit anglais considère que si vous savez (ou devriez savoir) qu’il n’y a aucune perspective raisonnable d’éviter la liquidation, vous devez arrêter l’activité immédiatement sous peine de sanctions pénales et civiles.


QUE FAUT-IL EN RETENIR ?

Lorsque les affaires sont tendues et qu’on vous assène un pareil coup de massue, vous atteindrez trop vite un profond état de déréliction.

Pour vous en prémunir, prenez les devants en assainissant vos pertes comptables avec les éléments évoqués. Un éventuel délai de grâce restera une période d’urgence supplémentaire à gérer.

On attend d’une société commerciale qu’elle puisse dégager une rentabilité et ainsi accroître et maintenir ses fonds propres.

Cependant dans une situation délicate, un changement de paradigme s’opère car en cas de fonds propres négatifs, le devoir de l’administrateur change : il ne doit plus agir dans l’intérêt des actionnaires, mais prioritairement dans l’intérêt des créanciers.

Puisse ce qui précède vous être utile dans vos décisions et restez partisan des solutions réfléchies et guidées à 360° par vos conseils ainsi que par ceux qui ont expérimenté ce que vous vivez.

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