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L'impôt subsidiaire sous examen : sécurité juridique versus efficacité fiscale

Lorsqu'un impôt est déclaré nul en tout ou partie par un juge, l'administration fiscale dispose d'une importante disposition de sauvegarde : la possibilité de soumettre une imposition subsidiaire au tribunal ou à la cour, comme prévu à l'article 356 CIR. L'application de cette disposition a déjà été source de nombreuses interprétations. Encore aujourd'hui.

L'imposition subsidiaire est devenue l'objet d'un jeu complexe entre le calendrier procédural, les compétences judiciaires et l'appel. Les exemples suivants de jurisprudence récente le montrent.


Un appel peut-il être interjeté pendant le délai de suspension ?

L'imposition subsidiaire est conçue comme un mécanisme correctif pour l'administration fiscale : si l'impôt initial est annulé pour une raison sans lien avec la prescription, l'administration fiscale peut soumettre un nouvel impôt dans les six mois suivant le jugement ou l'arrêt. Pendant cette période, les recours (tels que l'appel ou le pourvoi en cassation) sont suspendus, mais – comme la Cour de cassation l'a déjà précisé en 2017 – ils ne sont pas interdits. L'administration fiscale peut donc interjeter appel pendant ce délai. Il ressort également du texte de l'arrêt de 2017 de la Cour de cassation que le contribuable peut également le faire (la Cour de cassation parle en effet des « parties »). Cette dernière situation sera plutôt rare : si l'impôt est déjà annulé en tout ou partie, un contribuable n'aura généralement pas intérêt à interjeter appel. L'exception confirme bien sûr la règle.

La situation devient plus complexe lorsque l'administration fiscale choisit, après que le premier juge a annulé l'impôt, de ne pas soumettre d'imposition subsidiaire mais d'interjeter immédiatement appel. Ceci est possible, mais que se passe-t-il si l'annulation de l'impôt est également confirmée par la cour ? Est-il alors encore possible de soumettre une imposition subsidiaire à cette même cour ? Le contribuable a fait valoir que ce n'était pas possible et que l'imposition subsidiaire devait être soumise au premier juge.

La cour d'appel de Bruxelles ne suit pas le contribuable. La cour se réfère à l'effet dévolutif de l'appel : la cour se substitue au premier juge, et tant que le délai de six mois suivant la confirmation de l'annulation court, l'administration fiscale peut soumettre l'imposition subsidiaire à la cour d'appel (Bruxelles 15 janvier 2025).


La Cour de cassation trace une limite claire

Cependant, il y a des limites. Dans l'arrêt du 15 mars 2024, la Cour de cassation impose une limite claire : le motif de cette jurisprudence concernait une affaire dans laquelle le tribunal avait annulé un impôt complètement. Bien que cette décision ait été favorable au contribuable, celui-ci a apparemment néanmoins interjeté appel. Cela s'est produit pendant le délai de six mois pendant lequel l'administration fiscale pouvait soumettre un impôt subsidiaire au juge. L'administration fiscale a utilisé ce délai et a soumis un impôt subsidiaire à l'approbation du tribunal de première instance. Ensuite, et avant que la cour d'appel ne se prononce sur l'appel interjeté, l'administration fiscale a soumis – par conclusions – un nouvel impôt subsidiaire à la cour d'appel. Dans un arrêt de la cour d'appel, la cour a déclaré la demande concernant l'imposition subsidiaire recevable.

La Cour de cassation casse cependant cet arrêt. Selon la Cour, le délai de six mois pour la soumission d'une imposition subsidiaire ne commence que le jour où le juge a rendu une décision d'annulation totale ou partielle de l'impôt initial. L'administration fiscale ne peut donc pas anticiper une annulation possible : une imposition subsidiaire n'est recevable que si elle est introduite après qu'une telle annulation a été formellement prononcée. En d'autres termes, l'imposition subsidiaire qui a été soumise à la cour d'appel était prématurée. Tant que la cour d'appel ne s'est pas définitivement prononcée sur la validité de l'impôt initial, il manque donc à l'administration fiscale un fondement juridique pour soumettre une imposition subsidiaire. La demande de l'administration fiscale était donc prématurée et n'aurait pas dû être déclarée recevable.


Deux impositions peuvent être remplacées par une seule imposition

La question de savoir si deux impositions peuvent être remplacées par une seule imposition subsidiaire a été examinée par la cour d'appel de Gand (29 avril 2025). Il s'agissait d'impositions en matière de droits de succession. La première imposition était conforme à la déclaration. La deuxième imposition a été établie de manière supplémentaire. Pour des raisons de procédure, les deux impositions ont été annulées. Elles ont été remplacées par une seule imposition subsidiaire (d'un montant égal à la somme des deux impositions annulées). Le contribuable a fait valoir que ce n'était pas possible : chaque imposition annulée devait être remplacée par une imposition subsidiaire. La cour donne tort au contribuable car celui-ci interprète le texte de loi trop littéralement. L'annulation des deux impositions suivie d'une seule imposition subsidiaire n'est pas contraire au texte de loi.

En deuxième instance, le contribuable a fait valoir qu'aucune imposition subsidiaire ne pouvait être établie pour la deuxième imposition annulée, car celle-ci avait été annulée parce qu'aucune imposition supplémentaire ne peut être établie dans le cadre d'une procédure de réclamation. L'imposition subsidiaire établie ne pouvait donc avoir été établie qu'en remplacement de la première imposition annulée. La cour ne partage pas cet avis et interprète le texte de loi de manière stricte. La deuxième imposition n'a pas été annulée pour cause de prescription et les délais d'imposition n'étaient pas encore expirés au moment de cette deuxième imposition. Une imposition subsidiaire était donc encore possible. Ce point de vue nous semble discutable : si la deuxième imposition a été annulée parce qu'elle a été établie dans le cadre d'une procédure de réclamation, une imposition subsidiaire semble tout de même contestable. Si l'impôt initial n'a pas pu être établi, il est difficile d'établir une imposition subsidiaire ? Que cet impôt initial aurait pu théoriquement encore être établi (en dehors de la procédure de réclamation) est selon nous peu pertinent.


Le même juge doit-il apprécier l'imposition subsidiaire ?

Une autre question procédurale a été tranchée dans un arrêt de la Cour de cassation du 14 novembre 2024. Selon l'article 779 du Code judiciaire, un jugement doit être rendu par des juges qui ont assisté à toutes les audiences. Cela s'applique-t-il également à la demande d'approbation d'une imposition subsidiaire ? La Cour de cassation répond par la négative : une fois qu'un juge a définitivement statué sur un élément de l'affaire (par exemple, l'annulation de l'impôt), un autre juge peut se pencher sur l'autre volet (l'imposition subsidiaire). Cela offre plus de flexibilité dans la jurisprudence et évite des retards inutiles lorsque les juges ont entre-temps changé de chambre ou de cour.


CONCLUSION : ÉQUILIBRE ENTRE PROCÉDURE ET SUBSTANCE

Cette jurisprudence récente confirme la tendance des cours et tribunaux à donner toute son ampleur à l'imposition subsidiaire, même dans les cas où certaines questions peuvent être posées sur le plan procédural.

Quiconque entre sur la scène fiscale ferait bien de tenir compte de cela.

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