Se préparer à la guerre ou anticiper le «moment farine» ?

Je partage ici une réflexion primaire et empreinte de doutes et de scepticismes. En effet, les Belges devraient recevoir, début 2025, une brochure expliquant comment se préparer à des catastrophes naturelles, des ruptures énergétiques, et, bien sûr, à la guerre. On y conseille notamment de posséder un poste de radio à piles (ce qui me rappelle, dans la nostalgie technologique, le poste à galène de mes grands-parents) dans un kit de survie.

Cette initiative n’est pas anodine, d’autant que des documents similaires sont déjà publiés dans certains pays nordiques et en Allemagne. Dans ce pays, on détaille, par exemple, les emplacements possibles d’abris, comme les stations de métro.

En vérité, en pacifiste convaincu, mais aussi au titre d’officier de réserve, j’ai du mal à discerner s’il s’agit d’alimenter une névrose collective ou de se préparer à une réalité plausible. Après tout, les pacifistes de 1914 et 1939 furent des naïfs, et peu de gens prirent au sérieux les menaces expansionnistes, totalitaires et génocidaires d’Hitler, Mussolini et Franco (dont les réalités de la dictature sont soigneusement gommées dans la mémoire collective).

Le problème, lorsqu’on tente d’imaginer des scénarios catastrophiques, c’est qu’on projette souvent une lecture simplifiée des événements passés pour les appliquer à une réflexion contemporaine. Il faut aussi éviter de confondre un problème avec ses symptômes, illustrant le sophisme « post hoc ergo propter hoc » qui consiste à mélanger un antécédent avec une cause. En vérité, il y a moins de séquences de causes à effets que d’événements complexes qui s’entrelacent et s’entrechoquent.

Cela dit, nos sociétés sont effectivement très fragiles. En deux ou trois jours, l’approvisionnement alimentaire des villes peut s’interrompre, car les chaînes logistiques sont à flux tendus. Toute notre société repose sur l’électricité, et une simple rupture de connexion peut anéantir l’économie, à commencer par la monnaie, ce dernier lien social.

En réalité, ce n’est pas à une guerre classique qu’il faut se préparer, mais à une guerre énergétique et donc logistique, sans oublier une guerre de désinformation, qui paralyse d’abord les individus, puis la collectivité, dans un mouvement de panique. Les symptômes de ce type de crise ont déjà été observés lors de la pandémie de Covid.

Ce qu’il faut redouter, comme me l’a dit un ami journaliste (que je remercie), c’est ce qu’il appelle le « moment farine » : un affolement collectif qui conduit à se ruer sur des ressources élémentaires, dont la farine.

Si ce scénario est plausible, alors c’est à cela qu’il faut travailler. En langage militaire, cela s’appelle le génie. Il est alors impératif de restaurer un service civil et logistique, à l’image de la défense passive de 1939, à laquelle mon grand-père a d’ailleurs participé. Plus qu’un kit de survie, c’est à un système de ticket de rationnement et à des protections de magasins qu’il faut penser, avec toutes les conséquences en termes médicaux.

Mais si la situation devait s’avérer plus grave encore, il faudrait envisager de rétablir un service militaire et une conscription.

C’est pourquoi un kit de survie peut être utile, mais il est loin d’être suffisant. Une préparation collective et structurée est indispensable pour faire face à ces défis.

Et un dernier mot sur la farine : il existe des mélanges de farines (des mix) auxquels il ne faut plus qu’ajouter de l’eau. C’est plus facile, s’il n’y a pas d’œufs. Mais cela ne sert à rien sans énergie !

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