Salaires dévoilés : les bouleversements à venir pour les employés avec la nouvelle directive européenne

En Europe, les femmes gagnent actuellement 13 % de moins que les hommes en moyenne. Pour combler cet écart salarial, l'Europe introduit la directive relative à la transparence des rémunérations qui exigera des entreprises, à partir de 2026, d'être plus transparents concernant les barèmes appliqués et les critères précisément utilisés pour déterminer la rémunération des travailleurs.

Mais quel impact la directive européenne relative à la transparence des rémunérations aura-t-elle exactement sur les employeurs et les travailleurs ? Nous avons posé la question à Yves Stox, Managing Consultant chez le prestataire de services RH Partena Professional.

En quoi consiste la directive relative à la transparence des rémunérations ?

Le 10 mai 2023, le Parlement européen donnait son feu vert pour la mise en œuvre de la nouvelle directive relative à la transparence des rémunérations. L'objectif est de lutter contre l'écart de rémunération et la discrimination salariale entre les hommes et les femmes en faisant preuve d'une plus grande transparence concernant les rémunérations. Les États membres, dont la Belgique, ont jusqu'en 2026 pour transposer la directive dans la législation nationale.

« La Belgique doit toujours transposer les directives européennes en droit belge. Or, la transposition de la directive européenne relative à la transparence des rémunérations n'a pas encore eu lieu, près de 2 ans après l'adoption de celle-ci par le Parlement européen. Il est par conséquent très difficile pour nos entreprises de se préparer de manière adéquate », affirme Yves Stox de Partena Professional.

Pourquoi la directive est-elle importante ?

Le principe de « l'égalité des rémunérations pour un travail égal ou équivalent » figure dans les traités européens depuis 1957, mais un déséquilibre en la matière persiste. Aujourd'hui, les femmes en Europe gagnent encore en moyenne 13 % de moins que les hommes (chiffres Eurostat). Par le biais de cette directive, l'UE souhaite introduire des règles contraignantes visant à combler l'écart de rémunération.

« Bien que la Belgique fasse partie des meilleurs élèves de la classe avec un écart salarial de 5 %, nettement supérieur à la moyenne européenne de 13 %, la discrimination salariale n'a pas sa place sur le marché du travail de demain », affirme Yves Stox.

Quel sera l'impact de la directive sur les employeurs ?

Pour les employeurs, la directive entraînera les obligations suivantes :

  • Les collaborateurs devront être informés des critères relatifs à la détermination des rémunérations et des augmentations salariales, qui doivent être objectifs et non sexistes.
  • Un rapport relatif à la rémunération doit être remis à l'autorité nationale compétente. La fréquence de transmission du rapport dépend du nombre de travailleurs occupés dans l'entreprise : Tous les ans à partir de 2027 pour les entreprises occupant plus de 250 collaborateurs, année civile 2026 ; Tous les 3 ans à partir de 2027 pour les entreprises occupant entre 150 et 249 collaborateurs, année civile 2026. Depuis 2023, cette mesure s'applique également aux entreprises occupant plus de 100 collaborateurs, mais pour l'année civile 2030.
  • Si un écart de rémunération inexpliqué de 5 % ou plus est constaté, des mesures devront être prises. Un écart pourra être justifié sur la base de critères objectifs et non sexistes.
  • En cas de plainte pour discrimination salariale, l'employeur devra prouver qu'il n'y a pas de discrimination.

Quel sera l'impact de la directive sur les travailleurs ?

La directive a pour objectif de donner aux travailleurs une idée claire de la manière dont les rémunérations sont déterminées au sein de leur entreprise.

« Concrètement, cela signifie que les travailleurs auront le droit d'obtenir des informations sur leur niveau de rémunération et sur celui de collègues occupant des fonctions équivalentes », précise Yves Stox. « Par ailleurs, les employeurs devront informer les candidats sur la rémunération escomptée et le barème salarial avant l'entretien d'embauche. Les travailleurs victimes de discrimination salariale auront également droit à une compensation complète, y compris des arriérés de rémunération, ainsi que des indemnités pour les dommages subis ».

Comment un employeur peut-il se préparer ?

Les employeurs peuvent dès à présent prendre des mesures pour se préparer à la directive

  1. Analyse de l'écart de rémunération au sein de l'entreprise à l'aide de données et de statistiques objectives ;
  2. Mise en place d'une politique salariale pérenne tenant compte des critères ESG.
  3. Définition d'objectifs clairs et d'un plan d'action pour réduire l'écart de rémunération ;
  4. Élaboration de lignes directrices et de procédures pour l'entreprise.
  5. Communication transparente à tous les intéressés.

Quelles sont les obligations liées aux systèmes de rémunération ?

« La directive exige des employeurs qu'ils adoptent des systèmes de rémunération fondés sur des critères objectifs non sexistes tels que les compétences, les efforts, les responsabilités et les conditions de travail », déclare Yves Stox.

Quelles mesures de transparence seront applicables ?

  • Les employeurs devront informer les candidats au sujet de la rémunération et du barème salarial au préalable.
  • Les travailleurs auront le droit de se renseigner sur la rémunération moyenne appliquée au sein de groupes de fonctions équivalents.
  • Les rapports relatifs aux écarts de rémunération devront être partagés en interne et en externe, notamment avec l'inspection du travail.

Que se passera-t-il lorsqu'un écart de rémunération sera constaté ?

« Lorsqu'un écart de rémunération de 5 % ou plus est constaté et qu'il n'est pas comblé dans les 6 mois, une évaluation de la rémunération devra avoir lieu conjointement avec les représentants des travailleurs », explique Yves Stox de Partena Professional. « Par ailleurs, les travailleurs auront plus facilement accès aux procédures judiciaires en cas de suspicion de discrimination salariale, et les employeurs devront prouver que ce n'est pas le cas ».

À quelles sanctions les employeurs pourront-ils s'attendre ?

Des sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives devront être instaurées. L'indemnisation constitue déjà en soi un moyen de dissuasion important.

  • Les employeurs devront informer les candidats au sujet de la rémunération et du barème salarial au préalable.
  • Les travailleurs auront le droit de se renseigner sur la rémunération moyenne appliquée au sein de groupes de fonctions équivalents.
  • Les rapports relatifs aux écarts de rémunération devront être partagés en interne et en externe, notamment avec l'inspection du travail.

Quel est l'état de la situation en Belgique ?

Les débats relatifs à la transposition de la directive sont en cours au sein du Conseil national du travail. Des experts du SPF ETCS et de l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes planchent sur une analyse d'impact et consultent la Commission européenne pour obtenir des clarifications. Les démarches se poursuivront dans les mois à venir pour la transposition de la directive dans la législation belge.

La Fédération Wallonie-Bruxelles est le premier gouvernement de l’UE à avoir transposé la directive sur la transparence salariale. Les nouvelles règles s’appliquent aux employeurs publics ainsi qu’aux établissements d’enseignement relevant de sa compétence. Elles imposent des structures salariales transparentes, des processus de recrutement non discriminatoires et un reporting salarial annuel. Ce décret est entré en vigueur le 1er janvier 2025. Toutefois, certaines obligations, comme l’obligation de reporting annuel et l’information des travailleurs sur leur droit d’accès aux données salariales, ne seront mises en application qu’à partir de 2026 ou à une date ultérieure fixée par le gouvernement.


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