Jacques Attali a souvent montré que le cœur du monde avait, pendant des siècles, oscillé en Europe, avant de se déplacer vers les États-Unis pour migrer désormais vers l'Asie.
L'Europe a, en vérité, dominé le monde à telle enseigne qu'un minuscule pays, la Belgique, était classé, il y a plus d'un siècle, parmi les nations les plus industrialisées.
Il y a des décennies, les colonies européennes couvraient le globe, tandis que la Russie étouffait sous un mortifère communisme qui conduisit, après la Seconde Guerre mondiale, au monde bipolaire de la guerre froide, opposant les États-Unis/Europe et la Russie, à côté duquel la Chine était emprisonnée, comme sous l'ère stalinienne, dans une dictature dont la monstruosité est indescriptible.
Et aujourd'hui, le cœur du monde n'est plus unique ; il est multipolaire, dans l'influence des développements démographiques et technologiques.
L'Europe devient une terre « en retard », qui n'a pas été à la hauteur que deux millénaires de combats et d'évolutions exigeaient d'elle.
Certes, un seul homme avait pris la mesure du monde, c'était Charles de Gaulle, qui voulait une Europe de l'Atlantique à l'Oural et comprit, bien avant les États-Unis, empêtrés dans la guerre du Vietnam, le rôle central de la Chine, qu'il reconnut en 1964.
Alors, dans ce monde où les frontières glissent et les géographies vont se modifier, les structures européennes feraient mieux de clarifier leur projet, en ciblant quelques objectifs, à commencer par une présence internationale homogène et solidifiée, un plan d'innovation d'envergure, une simplification réglementaire sans précédent, et le démantèlement de cet Olympe technocratique que certains veulent, sans doute à juste titre, déconstruire.
L'Europe prodigue de nombreuses leçons de moralité, mais elle devient le territoire d'une population vieillissante. Je suis convaincu que ses États membres ne la reconnaissent plus comme une autorité légitime. Par ailleurs, si deux dirigeants européens (Meloni et Orban) se sont rendus auprès de Trump, sans que la présidente de la Commission, peut-être souffrante, n'entreprenne la moindre initiative, c'est que les dirigeants européens, probablement nommés trop rapidement et inadéquatement, ne sont pas les personnes appropriées.
Le risque est que, dans quatre ans, les structures européennes ne soient que les ruines de vieux accords signés sur d’antiques parchemins et que la seule légitimité des institutions européennes réside dans des réglementations qu'une administration tentaculaire et invisible contribue à alourdir, sans que plus personne ne comprenne leurs objectifs finaux.