À quelques lois des élections qui toucheront tous les niveaux de pouvoir, certains voudront réduire cette acmé démocratique à des combats de personnalités. Or, ce n'est pas de cela qu'il s'agit.
Il y aura, tout d'abord, des réalités institutionnelles qui conduiront à s'interroger sur la pertinence du modèle fédéral. Ce débat est essentiel dans une Europe qui s'agrandit et qui dilue les États au profit des régions.
Il y aura aussi, et c'est fondamental, un choix de société pour un pays au sein duquel 20 % de la population est sous - ou frôle - le seuil de pauvreté. Cette même pauvreté affecte des personnes qui travaillent et dont la nature de la prestation va, pour certains, être bouleversée par l'irruption de l'intelligence artificielle, qui est d'une envergure comparable à celle de la révolution industrielle de la fin du 18e siècle. Voulons-nous un État solidaire, quitte à en assumer certaines inefficacités, ou un État qui restreint l'aide sociale alors que le coût du vieillissement de la population affecte, de deux manières négatives, le budget de l'État : moins de croissance et plus de dépenses sociales?
Il y aura aussi un choix en matière d'intégration, au prix d'une certaine fermeté et de la défense des bases de la neutralité de l'État, alors que des tendances de rejet sont constatées dans trois des principaux pays qui nous entourent: la France, les Pays-Bas et l'Allemagne.
Il y aura la transition énergétique, complètement gâchée lors des dernières années, à repenser. Il y aura une réforme fiscale, du travail et des pensions, qui engageront le pays pendant des décennies, comme un contrat que le pays signe avec lui-même, à formuler.
En 2024, la Belgique devra se réinventer. Pas dans une année de transition, en suspens, ou en trompe-l'œil. Pas dans l'écartement de ceux qui représentent les extrêmes et dont certains considèrent – à tort selon moi – que leur voix ne peut pas porter.
Nous fêterons le bicentenaire du pays dans 6 ans. Être cela, cela mérite un projet de société à la hauteur de ceux qui, par deux fois, ont donné leurs vies, pour que la liberté et la démocratie perdurent.
C'est à eux, et à tous ceux, connus et obscurs, qui ont construit ce pays, que ce rapprochement d'un bicentenaire exige de nous une élévation morale et une grande lucidité.