Abus de la directive mère-fille : abordons l'affaire Nordcurrent de la CJUE et la jurisprudence belge récente sur l’utilisation de holdings passives
Dans son arrêt Nordcurrent du 3 avril 2025, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a apporté des réponses précises à plusieurs questions préjudicielles concernant l’interprétation et l’application de la clause anti-abus contenue dans la directive mère-fille (PSD).
Elle y préconise une approche pragmatique, dynamique et holistique, visant à apprécier la réalité économique d’un montage dans toute sa complexité et sa globalité spatio-temporelle, depuis la création de la structure jusqu’à la perception des dividendes, et dans tous les États membres impliqués.
Plusieurs décisions récentes de juridictions belges ont appliqué cette logique à la transposition belge de la directive, notamment la clause anti-abus inscrite à l’article 266, in fine du CIR, en lien avec l’exonération de précompte mobilier de l’article 106, § 6, AR/CIR.
Le jugement du tribunal de première instance de Bruges du 21 octobre 2024 illustre bien cette tendance. Il confirme le refus de l’administration fiscale d’accorder l’exonération de précompte sur des dividendes versés par une société opérationnelle belge à une holding belge qualifiée de passive.
Les éléments de fait étaient les suivants :
Le jugement brugeois se distingue par la clarté des faits : l’absence manifeste de motifs économiques rendait la requalification inévitable.
Mais dans des situations plus nuancées, l’arrêt Nordcurrent fournit une grille d’analyse précieuse. Comme le soulignent Aymeric Nollet et moi-même dans notre commentaire publié dans Actualités Fiscales/Fiscale Actualiteit, l’examen du caractère « authentique » d’une structure doit s’inscrire dans une lecture longitudinale :
L’arrêt Nordcurrent renforce l’approche fonctionnelle et contextualisée du concept d’abus de droit en matière de distributions intra-groupes. Il confirme la convergence croissante entre droit de l’Union et contentieux interne, où les holdings purement passives — sans substance ni rôle effectif — deviennent difficilement défendables au regard de la clause anti-abus de la directive mère-fille.
Cette jurisprudence invite les contribuables à documenter rigoureusement la substance et les motivations économiques de toute structure de détention intermédiaire.