L'Administration générale de la documentation patrimoniale a publié ce 05/07/2025 la Circulaire 2025/C/42 concernant le décret wallon du 5 décembre 2024 portant réforme de la fiscalité wallonne et instaurant un taux réduit de droits d’enregistrement pour l’acquisition d’une habitation propre et unique...
Circulaire 2025/C/42 concernant le décret wallon du 5 décembre 2024 portant réforme de la fiscalité wallonne et instaurant un taux réduit de droits d’enregistrement pour l’acquisition d’une habitation propre et unique ainsi qu’une diminution générale des droits de succession
Commentaires administratifs relatifs au décret du 5 décembre 2024 portant réforme de la fiscalité wallonne limités aux modifications apportées au Code des droits d’enregistrement tel qu’applicable en Région wallonne
Table des matières
2.1.1. Condition relative à l’objet de l’acquisition (art. 44bis, § 1er, du C. enr.)
2.1.1.1. Notions d’habitation et de terrain à bâtir
2.1.1.3. La cession d’une part indivise en pleine propriété
2.1.2. Condition relative à la personne de l’acquéreur (art. 44bis, § 1er, al. 1er, du C. enr.)
2.1.6.1. Principe (art. 44bis, § 2, 1°, du C. enr.)
2.1.6.2. Exception – faculté de cession de l’immeuble obstructif (art. 44bis, § 3, du C. enr.)
2.1.7. Conditions de forme (art. 44bis, § 2, 4°, du C. enr.)
2.1.8. Sanctions sauf cas de force majeure ou raison impérieuse (art. 44bis, § 5, du C. enr.)
3. Suppression de l’abattement première habitation – abrogation de l’article 46bis du C. enr.
4. Suppression des taux réduits pour l’acquisition d’une habitation modeste
6.1. Modification de l’article 209, al. 1er, 6°, du C. enr.
6.2. Nouvelle demande de restitution introduite par l’article 209, al. 1er, 9°, nouveau, du C. enr.
6.3. Modification de l’article 212, al. 3 du C. enr.
Dans le Moniteur belge du 13 décembre 2024, est paru le décret du 5 décembre 2024 (ci-après « décret ») qui apporte des modifications au Code des droits de succession (ci-après C. succ.) et au Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe (ci-après C. enr.) tels qu’applicables en Région wallonne.
La présente circulaire ne traite que des modifications apportées au C. enr. qui sont entrées en vigueur le 1er janvier 2025. Les modifications apportées au C. succ. sont commentées par la circulaire 2025/C/43.
L’objectif du législateur wallon est de réformer en profondeur les droits d’enregistrement à partir du 1er janvier 2025 en introduisant un taux réduit pour l’acquisition d’une habitation propre et unique. Parallèlement, les autres régimes fiscaux plus favorables au taux ordinaire, tels que l’abattement pour la première habitation et le taux réduit pour l’acquisition d’une habitation modeste, sont supprimés.
Un nouvel article 44bis est introduit dans le C. enr. Cet article prévoit une dérogation au taux ordinaire de 12,5 % fixé par l’article 44 du même Code, applicable aux transmissions à titre onéreux de biens immeubles, en instaurant un taux de 3% pour l’acquisition d’une habitation propre et unique.
L’immeuble doit évidemment être situé en Région wallonne. Le taux réduit pour l’acquisition d’une habitation propre et unique est exclu en cas d’acquisition d’un logement principal en Région de Bruxelles-Capitale ou en Région flamande.
Le paragraphe 1er du nouvel article 44bis du C. enr. prévoit un champ d’application très large du tarif réduit, puisqu’il vise les acquisitions d’immeubles destinés ou affectés à l’habitation et inclut :
- les habitations existantes (art. 44bis, § 1er, al. 1er, du C. enr.);
- les habitations en construction ou sur plan (art. 44bis, § 1er, al. 1er, 1°, du C. enr.) ;
- les terrains à bâtir dans leur acception la plus large (art. 44bis, § 1er, al. 1er, 1°, du C. enr.), y compris le terrain sur lequel se trouve une construction que l’acquéreur envisage de démolir afin d’y reconstruire sa résidence principale (art. 44bis, § 1er, al. 3, du C. enr.).
L’acquisition doit porter sur un immeuble affecté ou destiné à l’habitation, à savoir :
- un immeuble affecté ou destiné à l’habitation est un bâtiment qui sert ou servira au logement d’une famille ou d’une personne seule (maisons et appartements) ;
- un lieu qui permet le logement, soit immédiatement, soit moyennant des travaux normaux de réparation ou d’entretien (déc. du 5 juin 2002, Rép. RJ, E 46bis fl./04-01, www.fisconetplus.be) ;
- un bâtiment qui ne permet pas le logement même après l’exécution de travaux normaux de réparation ou d’entretien, non encore destiné à l’habitation au moment de l’achat, assimilé par l’administration fédérale à un immeuble affecté ou destiné à l’habitation, pour autant que l’acheteur le destine à être transformé en une habitation (déc. du 5 juin 2002 précitée ; taudis, atelier qui sera transformé en loft, d’un garage désaffecté qui sera transformé en un immeuble à appartements, etc.).
(voir Circulaire 2018/C/112 concernant le décret wallon du 13 décembre 2017 en matière de droits d’enregistrement, point 4.2.2.)
Il n’est pas requis que l’immeuble acquis soit exclusivement ou principalement affecté ou destiné à l’habitation. Une destination ou une affectation partielle à l’habitation suffit. Ainsi, le taux réduit s’applique à l’intégralité du prix, et ce même si l’habitation, en plus de servir de résidence principale, est aussi affectée à d’autres fins (professionnelles, par exemple).
Si la maison achetée comprend, outre l’habitation dans laquelle le vendeur a établi sa résidence principale, plusieurs appartements donnés en location, et que l’acheteur conserve la même occupation, le taux réduit doit être limité à la partie de la maison qui correspond à l’habitation qui sera affectée par l’acheteur à sa résidence principale (déc. du 20 mai 2003, Rép. RJ, E 46bis fl./07-01, www.fisconetplus.be). Si l’acheteur a l’intention de mettre fin aux baux et d’occuper la totalité de la maison, une ventilation n’est pas nécessaire. Si deux maisons ou deux appartements sont achetés dans un seul et même acte, l’acheteur peut invoquer le taux réduit pour l’une de ces habitations et il doit indiquer dans quel bien il établira sa résidence principale et préciser la ventilation du prix. Si ces deux maisons ou appartements sont achetés en vue de les transformer en une seule maison ou un seul appartement, le taux réduit jouera une seule fois pour les deux biens. Ces modalités doivent être précisées dans l’acte authentique. (voir Circulaire 2018/C/112 concernant le décret wallon du 13 décembre 2017 en matière de droits d’enregistrement, point 4.2.2.).
Le taux réduit ne peut par contre pas s’appliquer à plusieurs habitations différentes. Selon le jugement du tribunal de première instance francophone de Bruxelles du 2 novembre 2023, deux immeubles différents ne peuvent constituer une seule et même habitation, à moins d’être réunis matériellement et juridiquement, en plus de présenter un rapport de codépendance fonctionnelle (par exemple une seule cuisine pour les deux immeubles). (Tribunal de première instance francophone de Bruxelles, 2 novembre 2023, disponible sur www.fisconetplus.be).
En outre, bien que les travaux parlementaires ne traitent pas explicitement cette question, il semble que l'intention du législateur wallon, en étendant le bénéfice du taux réduit aux terrains à bâtir et aux immeubles en construction, permette son application aussi bien aux habitations entièrement soumises aux droits d'enregistrement qu'aux acquisitions combinant droits d'enregistrement pour le terrain et taxe sur la valeur ajoutée pour les constructions. Cette application reste néanmoins conditionnée au respect des autres conditions requises pour le taux réduit de 3 %.
Le taux réduit s’applique également aux dépendances à condition que :
- l’acquisition du logement et de sa dépendance soient acquis simultanément ;
- la dépendance constitue un accessoire normal du logement principal acquis ;
- elle présente avec le logement principal acquis un lien matériel (par ex. proximité géographique) ainsi qu’un lien juridique (appartenance au même propriétaire). Sur la définition de la dépendance : voir le Rép. RJ, E 53, 2°/05-02 se référant à la Circulaire du 17 janvier 1980, n°2.
L’acquisition doit porter sur la totalité en pleine propriété d’un immeuble destiné ou affecté à l’habitation, ou d’un terrain à bâtir. Cela signifie que l’acquisition limitée à la nue-propriété, à l’usufruit, à un droit d’habitation, ou à une part indivise du bien, ne suffit pas pour bénéficier du taux réduit. Cependant, lorsqu’un bien est acquis par deux ou plusieurs personnes physiques, parmi lesquelles l’une ou plusieurs acquièrent l’usufruit, et l’autre ou les autres la nue-propriété, le taux réduit peut s’appliquer à condition que, combinées, leurs acquisitions recouvrent la totalité en pleine propriété (Doc. parl., Parl.W., 2024-25, n° 97/1, p. 14).
Une exception est cependant prévue à cette condition d’acquisition de la totalité de l’habitation puisque le taux réduit s’applique également en cas de cession d’une part indivise en pleine propriété par une personne physique à une ou plusieurs personnes physiques à condition que cette cession permette de reconstituer l’intégralité de la pleine propriété de l’immeuble (art. 44bis, § 1er, al. 1er, 2°, du C. enr.).
À titre d’exemple, les travaux parlementaires illustrent le cas d’un ménage qui s’installe dans un bien appartenant à l’un de ses membres, et où ce dernier cède une part de son immeuble d’habitation à une ou plusieurs autres personnes qui viennent s’y établir avec lui (Doc. parl., Parl.W., 2024-25, n° 97/1, p. 15).
Il n’est pas nécessaire que le cédant soit pleinement propriétaire de l’ensemble de l’habitation. Il peut détenir uniquement une quotité indivise, à condition que la cession permette de reconstituer la pleine propriété de l’habitation entre le cédant et les acquéreurs. Toutefois, si le ou les cédants ne sont pas propriétaires de l’ensemble de l’habitation, le taux réduit ne sera applicable qu’à condition que l’acquéreur possède déjà une part indivise du bien (art. 113 C. enr.). Par exemple: A et B possèdent ensemble la totalité d’un immeuble en pleine propriété. A vend ¼ en PP à C: cette vente ne peut pas profiter du taux réduit étant donné qu’elle ne reconstitue pas la pleine propriété l’immeuble dans le chef du cédant et de l’acquéreur (seulement ½ PP de l’immeuble est concerné par l’acte).
La part indivise peut être cédée à toute personne, qu’elle fasse ou non partie du ménage au moment de la cession, à la condition que tous les acquéreurs s’engagent à établir et maintenir leur résidence principale dans l’habitation après la cession.
Seuls les acquéreurs doivent prendre cet engagement. Ainsi, le taux réduit pourrait s’appliquer si le propriétaire d’une habitation cède la moitié de l’immeuble en pleine propriété à un acquéreur, dès lors que ce dernier s’engage à y établir et maintenir sa résidence principale, même si le cédant réside ailleurs. Si plusieurs acquéreurs sont parties à l’acte, ils doivent tous s’engager à établir et maintenir leur résidence principale dans l’habitation, même si certains d’entre eux ne peuvent pas profiter du taux réduit.
Il n’est pas exigé que le cédant et l’acquéreur forment un ménage au sens de « personnes vivant ensemble », les travaux parlementaires n’évoquant qu’un exemple de cession indivise pouvant bénéficier du taux réduit.
En outre, les travaux parlementaires précisent qu’une fois dans l’indivision, le partage ultérieur entre les mêmes personnes est susceptible d’entraîner l'application de l'article 113 du C. enr. (Doc. parl., Parl.W., 2024-25, n° 97/1, p. 15).
Exemple 1 : Julien est pleinement propriétaire de la totalité de son habitation, il cohabite avec ses amis Thomas et Lucas. Si Julien cède 1/3 en PP à Thomas et 1/3 en PP à Lucas, la cession peut bénéficier du taux de 3 % sur les parts cédées.
Exemple 2 : À la suite du décès de Pierre, ses trois enfants, Sophie, Laurent et Emma, se retrouvent en indivision concernant la maison de leur père, chacun détenant 1/3 de la pleine propriété. Jean, qui n’a aucune relation avec ces personnes, décide d’acheter leurs parts, en deux actes distincts, et demande l’application de l’article 44bis du C. enr. dans chacun des actes. Dans le 1er acte, Jean acquiert la part de Sophie (1/3 PP) et d’Emma (1/3 PP). Le taux ordinaire de 12,5% s’applique sur les 2/3 PP car Jean ne reconstitue pas la totalité de la pleine propriété. Dans le 2ème acte, Jean acquiert la moitié de la part de Laurent (1/6 PP) et s’engage à établir et à maintenir sa résidence principale dans l’habitation après la cession. Le tarif réduit de 3 % est applicable car la totalité de la pleine propriété est reconstituée dans l’acte entre Jean et Laurent.
Exemple 3 : Henry est propriétaire d’une maison. Il souhaite en vendre 1/4 PP à Alain, qui habite déjà dans le bien avec lui. Le taux réduit de 3% s’applique, même si Alain est déjà installé dans le bien.
Exemple 4 : Martin et François sont propriétaires d’un appartement. Charlotte souhaite racheter la part de Martin (1/2 PP) et s’établir dans le bien avec lui. Le taux réduit n’est pas applicable car la pleine propriété n’est pas reconstituée dans l’acte entre Charlotte et Martin.
L’article 44bis, §1er, alinéa 1er, du C. enr. stipule que la totalité du bien doit être acquise exclusivement par des personnes physiques à l’exclusion des personnes morales. En outre, toute acquisition conjointe entre une personne physique et une personne morale, quelle que soit la répartition (en indivision ou avec l’une pour l’usufruit et l’autre pour la nue-propriété), exclut systématiquement l’application du taux réduit, y compris pour la personne physique (Doc. parl., Parl.W., 2024-25, n° 97/1, p. 14).
Conformément à l’article 44bis, § 1er, al. 1er, du C. enr. (v. également Doc. Parl., Parl.W, 2024-2025, n°97/1, p. 8), le taux réduit s’applique à l’acquisition à titre onéreux classique d’un bien immobilier, c’est-à-dire dans le cadre d’une vente au sens strict à l’exclusion :
- des échanges ;
- des dations en paiement ;
- des liquidations de sociétés et autres conventions visées aux articles 129 ou 130 du C. enr. (sauf les acquisitions de l’immeuble de la société par l’associé).
En outre, comme expliqué supra 2.1.1.3., l’article 44bis, §1er, al. 1er, 2°, du C. enr. dispose que le taux réduit s’applique également en cas de cession d’une part indivise en pleine propriété à condition que cette cession permette de reconstituer l’intégralité de la pleine propriété de l’immeuble.
Nonobstant les dispositions de l’alinéa précédent, remarquons que l’article 44bis du C. enr. vise l’acquisition à titre onéreux de la totalité en pleine propriété d’un immeuble affecté ou destiné en tout ou en partie à l’habitation en vue d’y établir sa résidence principale, et, à ce titre, ne vise pas les acquisitions partielles, telle qu’une acquisition pour moitié à titre onéreux et pour l’autre à titre gratuit. Dans ce cas, la partie acquise à titre onéreux ne pourra pas profiter du taux réduit.
Le nouvel article 44bis, § 1er, al. 2 et § 2, 2°, du C. enr. précise que tous les acquéreurs doivent avoir l’intention d’établir leur résidence principale à l’adresse de l’immeuble acquis. Cette intention est matérialisée par leur inscription dans le registre de la population ou dans le registre des étrangers, la date d’inscription faisant foi pour déterminer la date d’établissement de la résidence principale.
Cette présomption est toutefois réfragable : l’administration fiscale peut la contester en apportant une preuve contraire par tout moyen de droit commun, y compris des témoignages et des présomptions, à l’exclusion du serment. Par exemple, l’absence d’abonnements à l’eau, au gaz ou à l’électricité peut démontrer que l’acquéreur ne réside pas effectivement au bien acquis. En revanche, la présence d’autres personnes inscrites à l’adresse, comme des enfants des acquéreurs, ne constitue pas un obstacle à l’octroi de la réduction. De même, le redevable peut démontrer que nonobstant l’absence d’inscription, sa résidence principale est quand même située à l’endroit du bien.
Ainsi, cette condition doit être remplie par l’ensemble des acquéreurs, qu’ils soient éligibles au taux réduit ou non. Cela inclut notamment les acquéreurs qui ne peuvent pas bénéficier du taux réduit, par exemple parce qu’ils sont déjà propriétaires d’un bien qu’ils n’envisagent pas de vendre dans le délai de trois ans.
Par conséquent, un acquéreur souhaitant acheter un bien avec une personne qui ne compte pas dès le départ de l’opération y établir sa résidence principale ne pourra pas bénéficier du taux réduit, même pour sa propre part dans l’acquisition.
En outre, selon le nouvel article 44bis, § 2, 2°, du C. enr., chaque acquéreur doit établir sa résidence principale à l’adresse de l’immeuble acquis dans un délai :
- de trois ans si le bien est une habitation existante ;
- de cinq ans si le bien est une habitation en construction ou sur plan, ou un terrain à bâtir.
Le délai de trois ans commence à courir à partir de la date d’enregistrement du document entraînant la perception du droit d’enregistrement proportionnel, à savoir, lorsqu’il est présenté à l’enregistrement dans le délai prévu à cet effet, ou à la date limite pour la présentation à l’enregistrement, lorsqu’il est présenté à l’enregistrement après l’expiration du délai prévu.
L’article 44bis, § 2, 3°, du C. enr. dispose que les acquéreurs sont tenus de maintenir leur résidence principale dans l’immeuble bénéficiant de la réduction pour une période minimale ininterrompue de trois ans, à compter de la date de leur inscription dans le registre de la population ou dans le registre des étrangers.
Dans le cas où, lors de l’acquisition, les acquéreurs étaient déjà inscrits à l’adresse du bien dans le registre de la population ou dans le registre des étrangers, il n’est tenu compte, pour la durée de maintien de la résidence principale dans l’immeuble, que de la date de prise de cours du délai pour établir sa résidence principale (soit la date d’enregistrement de l’acte authentique, soit la date limite pour la présentation à l’enregistrement en cas d’enregistrement tardif). Le temps précédemment passé dans le bien n’est pas pris en compte. Exemple : Pierre et Julie sont locataires d’un immeuble et y sont inscrits dans le registre de la population depuis le 20 juillet 2023. Thomas, propriétaire, leur vend la totalité du bien en pleine propriété. L’acte authentique est daté du 25 janvier 2025 et est enregistré le 31 janvier 2025. Pour la condition de maintien de la résidence principale dans l’immeuble acquis, le point de départ des trois ans est le 31 janvier 2025, bien que Pierre et Julie y résident depuis le 20 juillet 2023.
Conformément à l’article 44bis, § 2, 1°, du C. enr., le bénéfice du taux réduit ne peut être accordé en cas de possession de la totalité en pleine propriété d’un autre immeuble destiné, en tout ou en partie, à l’habitation.
Lorsque l’acquisition est réalisée par une seule personne physique, celle-ci ne peut, à la date du document générant le droit d’enregistrement proportionnel, être pleine propriétaire de la totalité d’un autre immeuble destiné à l’habitation, que celui-ci soit situé en Belgique ou à l’étranger. Si cette condition n’est pas remplie, l’acquéreur sera soumis au taux ordinaire de 12,5 % (art. 44bis, § 2, 1°, al. 1er, du C. enr.). Dans le cas d’une acquisition par plusieurs personnes physiques, celles-ci ne doivent pas, ensemble, posséder la totalité en pleine propriété d’un autre immeuble d’habitation à la date du document donnant lieu à la perception du droit d’enregistrement proportionnel. Si un seul des acquéreurs possède déjà un autre immeuble en pleine propriété, cela n’empêche pas les autres, qui ne possèdent pas la totalité en pleine propriété d’une autre habitation, de bénéficier du taux réduit pour leur part (art. 44bis, § 2, 1°, al. 2, du C. enr.).
Par ailleurs, la règle d’exclusion s’applique uniquement aux habitations possédées en totalité en pleine propriété par le ou les acquéreurs. Ainsi, la possession d’un immeuble en nue-propriété ou en usufruit n’empêche pas de bénéficier du taux réduit.
De même, une habitation possédée en indivision avec une personne extérieure aux acquéreurs du bien pour lequel le droit réduit est sollicité ne constitue pas un obstacle à l’application de ce taux. Cette situation se rencontre fréquemment en cas d’achat par une personne et son nouveau partenaire après un divorce (époux) ou une séparation (cohabitants légaux).
En outre, la possession de la totalité en pleine propriété d’un terrain à bâtir, d’une habitation en construction ou sur plan, ne constitue pas un obstacle au bénéfice du taux réduit (Doc. parl., Parl.W., 2024-25, n° 97/1, p. 8).
Constituent par contre des immeubles obstructifs :
- un immeuble d’habitation détenu par l’acquéreur pour la totalité en pleine propriété ;
- un immeuble d’habitation détenu par les acquéreurs en indivision, pour autant qu’ils détiennent, entre acquéreurs, sa totalité en pleine propriété ;
- un immeuble mixte, affecté en partie à l’habitation et en partie à une autre activité (par exemple une activité professionnelle), détenu pour la totalité en pleine propriété par le ou les acquéreur(s) ;
- un immeuble destiné à l’habitation mais déclaré inhabitable par les autorités compétentes. Étant donné qu’il ne s’agit que d’un état temporaire, cet immeuble reste destiné en tout ou partie à l’habitation.
La condition relative à l'absence de possession d’un immeuble obstructif doit être évaluée à la date du document donnant lieu à la perception du droit d’enregistrement proportionnel, conformément au nouvel article 44bis, § 2, alinéa 1er , 1°, du C. enr., à savoir :
- à la date de l’acte authentique, sous réserve que les éventuelles conditions suspensives aient été réalisées à cette date ;
- si le compromis est enregistré au droit de vente avant la passation de l’acte authentique, à la date du compromis, les éventuelles conditions suspensives ayant été réalisées à cette date ;
- si les conditions suspensives prévues dans l’acte authentique ou dans le compromis sous signature privée soumis à l’enregistrement ne sont pas encore réalisées, à la date de la déclaration visée à l’article 31, alinéa 1er, 2°, du C. enr. ;
- à la date de la déclaration visée à l’article 31 alinéa 1er, 1° C. enr. en cas de vente verbale.
- si l’acquéreur devient propriétaire d’un immeuble entre la date de signature du compromis de vente et celle de l’acte authentique, celui-ci sera considéré comme obstructif si la perception du droit d’enregistrement proportionnel a lieu sur présentation de l’acte authentique.
Le taux réduit peut être accordé même si l’acquéreur, ou les acquéreurs conjointement, possèdent déjà la totalité en pleine propriété d’une autre habitation, à condition que celle-ci soit cédée dans un délai de trois ans à compter de la date du document donnant lieu à la perception du droit d’enregistrement proportionnel.
Afin qu’il y ait effectivement cession de l’immeuble obstructif dans le délai imparti, les conditions suivantes doivent être remplies :
- le transfert de la pleine propriété doit avoir eu lieu, ce qui implique que toutes les conditions suspensives relatives à la formation du contrat de vente et au transfert de la pleine propriété aient été réalisées ;
- la vente doit avoir obtenu date certaine au sens de l’article 18, § 1er, du C. enr.
En outre, cette cession peut se faire à titre onéreux ou à titre gratuit. Une donation, un apport à une société ou un partage sont donc acceptés, à condition que l’aliénation concerne l’intégralité de la pleine propriété de l’immeuble obstructif. En revanche, la cession d’une part indivise ou une cession avec réserve d’usufruit ne suffira pas pour bénéficier du taux réduit.
Enfin, il est important de noter que le nouveau régime ne prévoit pas la possibilité d’obtenir l’application du taux réduit par restitution en cas de cession de l’immeuble obstructif lorsque l’acquéreur ne s’est pas engagé à céder ce dernier dans le délai imparti au moment de la passation de l’acte. Ainsi, un acquéreur qui doute de sa capacité à céder l’immeuble obstructif dans le délai de trois ans ne peut pas choisir de payer les droits ordinaires de 12,5% et demander ultérieurement la restitution du trop-perçu une fois l’aliénation réalisée et les conditions remplies (v. infra 6.2.).
Les acquéreurs doivent mentionner dans l’acte, au pied de l’acte, ou dans un écrit joint à cet acte et signé par eux :
- qu’ils demandent expressément l’application du taux réduit visé à l’article 44bis du C. enr. ;
- que la règle d’exclusion (v. supra 2.1.6.) ne s’applique pas ;
- leur engagement d’établir leur résidence principale à l’adresse de l’immeuble acquis dans les trois ans, ou dans les cinq ans s’il s’agit d’un terrain à bâtir, d’une habitation en construction ou sur plan (v. supra 2.1.4.) ;
- leur engagement d’y maintenir leur résidence principale pendant une période ininterrompue de trois ans (v. supra 2.1.5.).
À défaut de ces mentions, le taux ordinaire de 12,5 % sera appliqué.
En outre, le cas échéant, les acquéreurs doivent mentionner dans l’acte, au pied de l’acte, ou dans un écrit joint à cet acte et signé par eux leur engagement de céder l’immeuble obstructif, pris au moment de la passation de l’acte, permettant ainsi aux acquéreurs de bénéficier immédiatement du taux réduit de 3 %, même si cette condition est satisfaite ultérieurement. En cas de non-respect de cette condition, un droit complémentaire sera dû sur la différence entre le taux réduit et le taux ordinaire. Pour prévenir toute discussion sur l’identification de l’immeuble à céder, l’acquéreur est invité à le décrire précisément dans la mention obligatoire.
Par ailleurs, les acquéreurs ont la possibilité d’introduire une demande de restitution du trop-perçu en cas d’absence de ces mentions ou lorsque les acquéreurs n’ont pas pu bénéficier directement du taux réduit (art. 44bis, § 2, 4°, al. 2, du C. enr. – v. infra 6.2.).
En cas de non-respect de l’une des conditions prévues par l’article 44bis du C. enr., seuls les acquéreurs défaillants sont redevables des droits complémentaires, à concurrence de leur part respective (la mécanique mise en œuvre est une individualisation des droits, et donc des sanctions également. Il n’y a aucun cas spécifique par lequel les acquéreurs seraient solidairement et indivisiblement tenus au paiement de droits complémentaires; v. Doc. parl., Parl.W., 2024-25, n° 97/1, p. 8) . Ces droits sont majorés de l’intérêt légal, au taux fixé en matière civile, exigible à compter de l’enregistrement du document donnant lieu à la perception du droit d’enregistrement proportionnel. Le calcul des intérêts dus varie en fonction du moment où l’une des conditions spécifiques cesse d’être respectée. Le taux de l’intérêt légal applicable en matière fiscale est fixé à 7 %, y compris dans les hypothèses où les dispositions fiscales renvoient au taux d’intérêt légal en matière civile, pour autant qu’aucune dérogation explicite ne soit prévue dans lesdites dispositions. Dès lors, au regard du libellé du nouvel article 44bis, § 5, alinéa 1er, du C. enr., il y a lieu de considérer que le taux légal applicable est de 7 % (Art. 87, § 1er et 2, de la loi-programme du 27 décembre 2006 (I), modifiant l’article 2 de la loi du 5 mai 1865 relative au prêt à l’intérêt).
Cependant, ces sanctions ne s’appliquent pas lorsque le non-respect des conditions résulte d’une force majeure. Il y a force majeure quand un événement postérieur à la naissance de l’obligation, et indépendant de la volonté de celui qui l’invoque, qui n’a pu être prévu, ni empêché par lui, rend impossible l’exécution de son obligation (Cass.,17 janvier 1990, Pas., 1990, I, p. 584; jurisprudence constante). Voici quelques exemples non exhaustifs extraits des documents parlementaires (Doc. parl., Parl.W., 2024-25, n° 97/1, p. 17) :
- une incapacité physique résultant d’une maladie ou d’un accident survenu après l’acquisition, rendant le bien incompatible avec l’état de santé de la personne ;
- des troubles de droit liés à un arrêté d’expropriation pour cause d’utilité publique ;
- un arrêté ordonnant l’expulsion d’un logement insalubre.
Outre la force majeure au sens strict, le bénéfice du taux réduit peut être maintenu lorsque le non-respect des conditions est justifié par des raisons impérieuses de nature médicale, familiale, professionnelle ou sociale, dont les exemples non exhaustifs extraits des travaux parlementaires sont les suivants (Doc. parl., Parl.W., 2024-25, n° 97/1, p. 17) :
- un changement de domicile dû à une mutation professionnelle ;
- une évolution de la situation familiale, telle que la fin d’une relation commune ou la naissance d’un enfant ;
- la nécessité de rejoindre une maison de repos ou une institution adaptée.
Il convient de préciser que ces motifs ne couvrent pas les situations relevant de simples choix de confort de vie.
Le décret introduit un taux réduit de 3 % applicable à l’acquisition d’une habitation propre et unique, en remplacement des réductions, avantages et abattements existants, notamment ceux prévus par l’article 46bis du C. enr., lequel est donc abrogé (voir également point 6.3).
Avec l’instauration du taux réduit de 3 % pour l’acquisition d’une habitation propre et unique, il a été décidé de supprimer les divers régimes fiscaux favorables qui coexistaient dans la législation wallonne. Cela inclut notamment l’abrogation des dispositions relatives aux taux réduits applicables à l’acquisition d’une habitation modeste.
Ainsi, le taux réduit de 6 % (ou de 5 % dans le cadre d’un prêt « social ») applicable à l’acquisition d’une habitation modeste, déjà supprimé précédemment par les Régions flamande et de Bruxelles-Capitale, est abrogé.
En conséquence, il est nécessaire d’adapter, en premier lieu, l’intitulé du paragraphe 4 de la section 1ère du Titre Ier, chapitre IV du C. enr., en supprimant les mentions relatives aux habitations modestes.
Ensuite, des corrections textuelles sont apportées aux articles 53, 53bis, 54, 55, 58, 59, 60 et 61¹ du C. enr. afin d’adapter ces articles à la suppression des taux réduits pour l’acquisition d’une habitation modeste.
Enfin, les articles 57 et 57bis du C. enr. sont abrogés.
Le régime des taux réduits de 5 % ou 6 % pour les ventes de petites propriétés rurales est maintenu.
Toutefois, ce régime prévoyait que le montant maximum du revenu cadastral de 745 euros pour l’application des droits réduits pouvait être majoré lorsque l’immeuble rural acquis était affecté en tout ou en partie à l’habitation et que l’acquéreur ou son conjoint avaient au moins trois enfants à charge.
Cette majoration est à présent abrogée.
Une adaptation technique est apportée à l’article 209, al. 1er, 6°, du C. enr. afin de tenir compte de la suppression de l’article 57 du C. enr., relatif aux taux réduits applicables à l’acquisition d’une habitation modeste.
L’article 209, al. 1er, 9°, du C. enr. permet une restitution des droits payés en lien avec le nouvel article 44bis du C. enr. Elle s’applique lorsque les mentions requises par l’article 44bis, § 2, 4°, al. 1er, du C. enr. (v. supra 2.1.7.) n’ont pas été déposées en même temps que l’acte d’acquisition, mais ultérieurement. Cette demande de restitution peut être introduite dans un délai de deux ans à compter de la date d’enregistrement de l’acte d’acquisition.
Pour bénéficier de cette restitution du trop-perçu, il est nécessaire de déposer les pièces manquantes, telles qu’exigées par l’article 44bis, § 2, 4°, al. 1er, du C. enr.
En outre, la demande de restitution doit mentionner le nom du bénéficiaire de la restitution ainsi que le numéro de compte sur lequel le montant des droits à restituer peut être versé.
Selon les travaux préparatoires du décret du 5 décembre 2024, « Sur l’article 23 du présent projet de décret, l’hypothèse avancée par le Conseil d’un préfinancement volontaire des droits ordinaires pour ensuite opérer une restitution de ceux-ci ultérieurement en cas de respect effectif des différentes conditions liées à l’octroi du taux réduit à 3%, n’est pas retenue car cela va à l’encontre de l’essence même de la mesure proposée qui est de favoriser l’accès à la propriété et donc de prévoir une mécanique d’évitement du préfinancement des droits. Par ailleurs, cela va complexifier le mécanisme mis en œuvre avec des opérations manuelles complémentaires obligatoires à terme, et potentiellement nombreuses, qui sont jugés inopportunes au regard de la volonté affichée de simplification administrative » (Doc. parl., Parl.W., 2024-25, n°97/1, p. 7).
Le mécanisme de restitution introduit par l’article 209, al. 1er, 9° du C. enr. n’a pas vocation à s’appliquer dans la majorité des cas. La règle de l’article 44bis du C. enr. est de demander la réduction directement dans l’acte, en s’engageant à en respecter les conditions d’octroi et de maintien. Les demandes de taux réduit par restitution doivent rester des exceptions.
Enfin, il est important de souligner que le législateur wallon n’a pas prévu la possibilité d’obtenir l’application du taux réduit par restitution en cas de cession de l’immeuble obstructif (v. supra 2.1.6.2. et Doc. parl., Parl.W., 2024-25, n° 97/1, p. 9).
En raison de la suppression de l’article 46bis du C. enr., l’article 212, al. 3 du C. enr. est adapté. Cet alinéa dispose désormais que « la restitution n’est toutefois pas applicable au droit afférent à la partie du prix et des charges de l’acquisition qui excède la somme ayant servi de base à la perception de l’impôt sur l’acte de revente ».
Les modifications apportées au C. enr., commentées dans la présente circulaire s’appliquent aux actes authentiques passés à partir du 1er janvier 2025 ou aux actes sous signature privée qui ont reçu une date certaine au sens de l'article 8.22 du Code civil à partir du 1er janvier 2025.