​Billet de Philadelphie, ou ce que je partage des USA en ce mois de novembre (II)

Dans son dernier opus, La Défaite de l’Occident, Emmanuel Todd dresse un paysage apocalyptique du monde occidental, et sans doute est-il happé par le pessimisme de l’âge. Cependant, les chapitres consacrés aux États-Unis sont intéressants car ils offrent des grilles de lecture différentes.

Je confesse que son angle d’approche me parle (et que je ne suis donc pas du tout objectif), car j’ai consacré deux ouvrages au même thème. Il parle d’une déperdition des valeurs protestantes qui ont façonné les États-Unis, puisque l’empreinte religieuse de ce pays est calviniste. À noter que Max Weber (1864-1920), qu’Emmanuel Todd ne cite pas, avait lui aussi critiqué la dérive de la réforme vers un capitalisme spéculatif qu’il honnissait.

La thèse est que le protestantisme tempéré, qui avait caractérisé les présidences de Roosevelt à Eisenhower (de 1932 à 1960) avec un alignement des ressources capitalistiques et du travail, s’oppose à la vague néolibérale amorcée sous la présidence de Reagan, après la désastreuse décennie des années soixante-dix, et qui a conduit à favoriser le capital au détriment du travail (cf. ci-dessous concernant les BRICS+). L’auteur mentionne aussi l’abandon d’une religion « réfléchie » au profit d’un évangélisme moins érudit, correspondant au triomphe de l’injustice.

Mais il y a plus intéressant. Emmanuel Todd s’essaye à expliquer pourquoi tant de pays, aux régimes démocratiques variés, s’alignent sur la Russie, notamment dans le cadre des BRICS+. Il évoque d’abord le rejet non pas d’une économie financière, mais spéculative, qui constitue l’essence de l’économie de marché néolibérale, alors que les pays des BRICS+ sont fondés sur le travail, plutôt que la spéculation. Ensuite, les BRICS+ voient la globalisation comme une re-colonisation. Cet argument n’est pas faux, puisque les économies occidentales se sont désindustrialisées au profit d’un monde qui les maintient desormais en vassaux.
La conclusion d’Emmanuel Todd est que l’idéal méritocratique a vicié la démocratie américaine, qui est, selon lui, en décomposition. Il termine en parlant d’une Amérique oligarchique et nihiliste.

Les thèses sont, à mes yeux, trop négatives, mais elles méritent d’être lues et approfondies, con grano salis

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