L’Ordre des Experts-comptables et Comptables Brevetés de Belgique (OECCBB) tient à rappeler, avec gravité et lucidité, sa position dans le cadre des discussions relatives aux obligations déclaratives qui pourraient incomber aux intermédiaires dans le cadre de la future taxation des plus-values.
Un expert-comptable ou un conseiller fiscal n’est jamais un bon professionnel lorsqu’il est contraint de servir en priorité les intérêts de l’État, au détriment de ceux de son client. Sa mission consiste à conseiller, à éclairer, à prévenir les erreurs et à accompagner les transitions. En cela, il agit dans le cadre d’un mandat fondé sur la loyauté, la compétence et la confiance. Lui imposer une fonction de « guetteur fiscal » ou de dénonciateur serait dénaturer profondément ce lien de confiance essentiel au bon fonctionnement du droit fiscal dans une démocratie.
C’est précisément pour préserver ce lien de confiance que le secret professionnel existe. Il ne s’agit ni d’un privilège ni d’une protection corporatiste, mais d’une condition de loyauté envers les clients, souvent des entrepreneurs, indépendants ou familles qui s’efforcent de respecter leurs obligations dans un système devenu d’une complexité extrême. Tordre ce secret au profit d’un objectif purement budgétaire ne ferait qu’aggraver le sentiment d’insécurité juridique, tout en affaiblissant la dynamique entrepreneuriale. Ce qui rapporte à l’État, ce ne sont pas les dénonciations, mais les entreprises prospères, bien accompagnées et justement imposées.
La mise à charge des intermédiaires d’une obligation de déclaration ou de dénonciation constitue une couche de plus dans un millefeuille réglementaire déjà insoutenable. Nos professionnels croulent sous les formalités, les plateformes, les délais, les contrôles croisés, les certificats, les attestations. La surcharge administrative est telle qu’elle affecte aujourd’hui la qualité du service rendu au contribuable lui-même. Imposer une nouvelle formalité de dénonciation serait ajouter une pression injustifiée, inefficace et déresponsabilisante.
Le gouvernement actuel s’est engagé à reconstruire le droit fiscal sur des bases plus saines, où les droits du contribuable retrouveraient toute leur place. Il ne peut y avoir de véritable renouveau sans une revalorisation de son principal conseiller, à savoir l’expert-comptable. L’adage affiché de “simplification à tous les étages” implique d’emblée de rejeter toute mesure supplémentaire qui viendrait en contradiction avec cette volonté. Faire peser une obligation déclarative sur l’intermédiaire est tout sauf pertinent dans ce contexte.
L’heure n’est plus aux expérimentations déséquilibrées. Il est temps d’opérer une véritable balance des intérêts entre les impératifs de contrôle fiscal et les fondements de l’État de droit, où les professionnels du chiffre tiennent une place centrale. Après un gouvernement Vivaldi dont le bilan en matière de sécurité juridique, de simplification et de respect des contribuables fut déplorable, la profession attend du nouveau gouvernement une inflexion claire et cohérente.
L’OECCBB appelle donc à la prudence, au respect du secret professionnel et à la reconnaissance de la place de l’expert-comptable comme partenaire du développement économique, et non comme auxiliaire de contrainte.