Cet article est écrit et diffusé dans le cadre du Tax TV Show du mois de mai, disponible sur oFFFcourse.
En l’espace de plusieurs années, d'importantes modifications ont été apportées aux délais d'imposition et de prescription.
Fin 2022, une réforme importante a été adoptée[1]. Elle visait à prolonger les délais d’imposition et d’investigation afin qu’ils soient davantage en adéquation avec la nature réelle des missions de plus en plus complexes dévolues à l’administration fiscale. Mais moins de trois ans plus tard, le gouvernement fait (partiellement) marche arrière.
Avant cette réforme, le régime des délais d’imposition était relativement simple :
La réforme de 2022 (applicable dès l’exercice d’imposition 2023) a instauré de nouveaux délais et prolongé celui déjà existant en cas de fraude, de sorte que quatre délais étaient d’application :
Ce régime avait pour mérite de mieux coller à la diversité des situations rencontrées en pratique, mais au prix d’une plus grande complexité et d’une insécurité juridique accrue pour les contribuables.
Un peu plus de deux ans après son entrée en vigueur, cette réforme ambitieuse est déjà partiellement abandonnée. Le projet de loi-programme mettant en œuvre les mesures de l’accord du gouvernement Arizona revient en grande partie sur cette réforme.
Les délais de 6 ans et 10 ans sont supprimés, au profit d’un régime plus lisible :
Le projet de loi-programme prévoit que le nouveau régime s’appliquera à partir de l’exercice d’imposition 2023.
Pour mieux comprendre l'impact du projet de loi-programme envisagé sur les pouvoirs d’imposition de l’administration fiscale, voici quelques exemples concrets :
Monsieur X soumet sa déclaration fiscale pour l’année de revenus 2023 (exercice d’imposition 2024) dans les délais, soit le 15 juin 2024.
L’administration dispose du délai ordinaire de 3 ans, soit jusqu’au 31 décembre 2026, pour procéder à une rectification des revenus recueillis par Monsieur X.
Monsieur X ne dépose pas sa déclaration pour l’année 2023, ou la dépose en retard, ou soumet une déclaration qualifiée de « complexe » (impliquant une opération transfrontalière ou une construction juridique).
L’administration dispose d’un délai de 4 ans, soit jusqu’au 31 décembre 2027, pour procéder à une rectification des revenus perçus par Monsieur X ou pour établir l’impôt en cas de non-dépôt de la déclaration.
Monsieur X soumet sa déclaration fiscale pour l’année de revenus 2023 (exercice d’imposition 2024) dans les délais, soit le 15 juin 2024. Il s’avère que l’administration découvre ultérieurement qu’il a omis intentionnellement de déclarer une partie de ses revenus.
Le délai de contrôle est porté à 7 ans, soit jusqu’au 31 décembre 2030.
Outre la modification des délais d’imposition, la réforme de 2022 avait également assoupli le régime applicable à la notification des indices de fraude, en opérant deux ajustements notables :
Pour rappel, lorsque l’administration fiscale souhaite procéder à des actes d’investigation au-delà du délai d’imposition ordinaire de trois ans, elle doit, à peine de nullité, en informer au préalable le contribuable (article 333 du CIR 1992). Avant la réforme de 2022, cette obligation s’appliquait de manière générale : aucun acte d’investigation ne pouvait valablement être posé hors délai ordinaire sans cette notification préalable.
Depuis la réforme adoptée fin 2022, l’obligation de notification préalable a été cantonnée au seul « délai de fraude". En conséquence, la notification préalable n’était plus exigée pour les investigations menées dans les nouveaux délais :
En outre, les modalités de la notification préalable ont été modifiées.
Alors que le régime antérieur imposait à l’administration fiscale de notifier « de manière précise » les indices de fraude fiscale pour la période visée, la réforme de 2022 permettait à l’administration fiscale de notifier son intention d’appliquer le délai de fraude sur base de simples indices.
Le projet de loi-programme prévoit aujourd’hui un retour en arrière. Il confirme que la notification préalable ne sera pas exigée pendant le délai de trois ans, ni pendant le délai de quatre ans, mais uniquement au-delà, dans le cadre du délai de fraude (sept ans). En outre, le législateur réintroduit l’exigence de précisions dans la formulation des indices de fraude : la notification devra à nouveau contenir des éléments concrets et circonstanciés.
Ce nouveau régime s'appliquera également avec effet rétroactif à partir de l'exercice d'imposition 2023.
En pratique, cette rétroactivité ne devrait poser aucun problème, car les nouveaux délais introduits en 2022, tout comme les modifications opérées concernant la notification préalable, n’avaient, à ce stade, encore jamais été appliqués concrètement.
[1] Loi du 20 novembre 2022 portant des dispositions fiscales et financières diverses, M.B. 30 novembre 2022, 88145 et suivants.