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« Marche arrière toute » pour les délais d’imposition et la notification préalable des indices de fraude


Cet article est écrit et diffusé dans le cadre du Tax TV Show du mois de mai, disponible sur oFFFcourse.


1. Contexte et évolution législative

En l’espace de plusieurs années, d'importantes modifications ont été apportées aux délais d'imposition et de prescription.

Fin 2022, une réforme importante a été adoptée[1]. Elle visait à prolonger les délais d’imposition et d’investigation afin qu’ils soient davantage en adéquation avec la nature réelle des missions de plus en plus complexes dévolues à l’administration fiscale. Mais moins de trois ans plus tard, le gouvernement fait (partiellement) marche arrière.


Avant cette réforme, le régime des délais d’imposition était relativement simple :

  • 3 ans en cas de déclaration incorrecte, d’absence ou de dépôt tardif de la déclaration ;
  • 7 ans (3 ans + prolongation de 4 ans) en cas de fraude fiscale ;
  • 10 ans en cas d’usage de constructions juridiques.

La réforme de 2022 (applicable dès l’exercice d’imposition 2023) a instauré de nouveaux délais et prolongé celui déjà existant en cas de fraude, de sorte que quatre délais étaient d’application :

  • 3 ans en cas de déclaration incorrecte ;
  • 4 ans en cas d’absence ou de dépôt tardif de la déclaration ;
  • 6 ans en cas de déclaration « semi-complexe » (caractère transfrontalier) ;
  • 10 ans en cas de déclaration complexe ou de fraude fiscale.

Ce régime avait pour mérite de mieux coller à la diversité des situations rencontrées en pratique, mais au prix d’une plus grande complexité et d’une insécurité juridique accrue pour les contribuables.

2. Vers un retour en arrière

Un peu plus de deux ans après son entrée en vigueur, cette réforme ambitieuse est déjà partiellement abandonnée. Le projet de loi-programme mettant en œuvre les mesures de l’accord du gouvernement Arizona revient en grande partie sur cette réforme.

Les délais de 6 ans et 10 ans sont supprimés, au profit d’un régime plus lisible :

  • 3 ans en cas de déclaration incorrecte ;
  • 4 ans en cas d’absence ou de dépôt tardif de la déclaration ou de déclaration complexe (y compris les opérations transfrontalières ou constructions juridiques) ;
  • 7 ans en cas de fraude fiscale.

Le projet de loi-programme prévoit que le nouveau régime s’appliquera à partir de l’exercice d’imposition 2023.

3. Illustrations concrètes

Pour mieux comprendre l'impact du projet de loi-programme envisagé sur les pouvoirs d’imposition de l’administration fiscale, voici quelques exemples concrets :

Exemple n°1 : Déclaration irrégulière

Monsieur X soumet sa déclaration fiscale pour l’année de revenus 2023 (exercice d’imposition 2024) dans les délais, soit le 15 juin 2024.

L’administration dispose du délai ordinaire de 3 ans, soit jusqu’au 31 décembre 2026, pour procéder à une rectification des revenus recueillis par Monsieur X.

Exemple n°2 : Déclaration non déposée, tardive ou complexe

Monsieur X ne dépose pas sa déclaration pour l’année 2023, ou la dépose en retard, ou soumet une déclaration qualifiée de « complexe » (impliquant une opération transfrontalière ou une construction juridique).

L’administration dispose d’un délai de 4 ans, soit jusqu’au 31 décembre 2027, pour procéder à une rectification des revenus perçus par Monsieur X ou pour établir l’impôt en cas de non-dépôt de la déclaration.

Exemple n°3 : Fraude fiscale

Monsieur X soumet sa déclaration fiscale pour l’année de revenus 2023 (exercice d’imposition 2024) dans les délais, soit le 15 juin 2024. Il s’avère que l’administration découvre ultérieurement qu’il a omis intentionnellement de déclarer une partie de ses revenus.

Le délai de contrôle est porté à 7 ans, soit jusqu’au 31 décembre 2030.

4. Notification préalable des indices de fraude : retour à plus d’exigence

Outre la modification des délais d’imposition, la réforme de 2022 avait également assoupli le régime applicable à la notification des indices de fraude, en opérant deux ajustements notables :

  • D’une part, le champ d’application de l’obligation de notification préalable avait été restreint.
  • D’autre part, les exigences formelles de cette notification avaient été allégées.

Pour rappel, lorsque l’administration fiscale souhaite procéder à des actes d’investigation au-delà du délai d’imposition ordinaire de trois ans, elle doit, à peine de nullité, en informer au préalable le contribuable (article 333 du CIR 1992). Avant la réforme de 2022, cette obligation s’appliquait de manière générale : aucun acte d’investigation ne pouvait valablement être posé hors délai ordinaire sans cette notification préalable.

Depuis la réforme adoptée fin 2022, l’obligation de notification préalable a été cantonnée au seul « délai de fraude". En conséquence, la notification préalable n’était plus exigée pour les investigations menées dans les nouveaux délais :

  • 4 ans (absence de déclaration ou dépôt tardif),
  • 6 ans (déclaration « semi-complexe »),
  • 10 ans (déclaration « complexe »).

En outre, les modalités de la notification préalable ont été modifiées.

Alors que le régime antérieur imposait à l’administration fiscale de notifier « de manière précise » les indices de fraude fiscale pour la période visée, la réforme de 2022 permettait à l’administration fiscale de notifier son intention d’appliquer le délai de fraude sur base de simples indices.

Le projet de loi-programme prévoit aujourd’hui un retour en arrière. Il confirme que la notification préalable ne sera pas exigée pendant le délai de trois ans, ni pendant le délai de quatre ans, mais uniquement au-delà, dans le cadre du délai de fraude (sept ans). En outre, le législateur réintroduit l’exigence de précisions dans la formulation des indices de fraude : la notification devra à nouveau contenir des éléments concrets et circonstanciés.

Ce nouveau régime s'appliquera également avec effet rétroactif à partir de l'exercice d'imposition 2023.

En pratique, cette rétroactivité ne devrait poser aucun problème, car les nouveaux délais introduits en 2022, tout comme les modifications opérées concernant la notification préalable, n’avaient, à ce stade, encore jamais été appliqués concrètement.


[1] Loi du 20 novembre 2022 portant des dispositions fiscales et financières diverses, M.B. 30 novembre 2022, 88145 et suivants.

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